Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Par-delà la sémantique de cette proposition de loi, qui peut être discutée, c'est sa finalité qui compte. Elle met en lumière des situations anormales, voire indécentes pour certaines d'entre elles. Bien entendu, les répercussions économiques de cette crise sont désastreuses. Pour autant sa forme inédite n'a pas pénalisé l'ensemble des acteurs économiques, tant s'en faut.

L'épargne des ménages a augmenté de manière relativement importante, mais en se concentrant essentiellement sur les 20 % des plus aisés, qui en ont accumulé les deux tiers. En revanche, touchés par des pertes de revenus importantes du fait de l'activité partielle ou du chômage, les 20 % des ménages les plus pauvres ont dû s'endetter.

La situation est similaire pour les entreprises, avec des contrastes saisissants. D'un côté, de nombreux petits commerces fermés administrativement et dont le principal filet de sécurité est le fonds de solidarité ; de l'autre, de très grandes entreprises qui ont étendu leurs activités, les confinements ayant offert à certaines d'entre elles un monopole de fait. C'est le cas de celles du numérique, dont on a beaucoup parlé, et notamment d'Amazon qui a triplé ses ventes au cours du troisième trimestre 2020. La grande distribution a aussi été largement favorisée, avec par exemple un chiffre d'affaires en hausse de plus de 20 % pour Carrefour. On peut aussi citer les entreprises pharmaceutiques, comme Sanofi, ou encore les assurances, qui ont vu le taux de sinistralité se réduire en 2020. Le groupe GDR avait lui aussi proposé de les mettre à contribution lors des débats sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, par le biais d'une taxe exceptionnelle sur les réserves des assureurs.

Alors que la crise n'est toujours pas finie et que les mesures de soutien se poursuivent, l'effort national est toujours de mise. Le responsable des affaires budgétaires du FMI a préconisé récemment la mise en place d'un impôt supplémentaire et temporaire sur les particuliers les plus riches ainsi que sur les entreprises auxquelles la pandémie de covid-19 a profité, afin de lutter contre l'accroissement des inégalités et de montrer aux citoyens la contribution de tous.

On sait bien que cette proposition de loi ne sera pas adoptée ; ce qui est important, c'est qu'elle met en avant un véritable sujet.

Elle prévoit de taxer à 50 % la différence de bénéfice entre 2019 et 2020. On pourrait estimer que les résultats de 2019 pouvaient être anormalement bas et retravailler le dispositif, mais au fond peu importe.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de celles du groupe GDR en vue d'une participation équitable de toutes les composantes de la société à l'effort national, notamment en proposant une contribution exceptionnelle sur les surplus des bénéfices des entreprises en 2020. Elle peut aussi constituer le pendant de la contribution exceptionnelle sur les plus aisés que nous avions proposée en juin 2020, à l'occasion de la journée d'ordre du jour réservée à notre groupe. Cette taxation semble donc nécessaire au vu de la situation économique et sociale.

Pour conclure, ce type de contribution exceptionnelle ne doit pas être considéré comme un moyen de compenser les pertes de recettes de l'État liées à la crise, ce que ne suggère d'ailleurs pas la proposition de loi. Les sommes tirées de cette nouvelle contribution n'y suffiraient pas et il faudra imaginer des solutions alternatives et innovantes – comme l'annulation partielle des dettes publiques. Pour autant ces contributions supplémentaires sont essentielles et poursuivent des objectifs de justice sociale, de lutte contre les inégalités, mais aussi de réarmement de l'État.

Je ne peux m'empêcher de souligner que lors de la séance de questions au Gouvernement d'hier, de très nombreuses demandes de soutien aux agriculteurs touchés par l'épisode de gel ont été formulées ; pour financer les dispositifs d'aide, il faut des impôts.

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