Vous connaissez tous la célèbre phrase de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».
Le précédent historique cité dans l'exposé des motifs ne tient pas. On ne peut pas faire un parallèle avec la loi votée en 1916 en pleine guerre : on n'est pas en guerre sanitaire, arrêtons les grands mots.
Qui sont les profiteurs de la crise, s'il y en a ?
La rapporteure nous explique qu'il s'agit de toutes les entreprises dont les bénéfices ont augmenté entre 2019 et 2020. Mais ce critère est totalement absurde. L'évolution des bénéfices d'une entreprise n'est pas forcément liée à la crise du covid. On ne parle en outre que de ceux qui ont augmenté, mais il faudrait peut-être parler de ceux qui se sont effondrés voire sont devenus des pertes. Auriez-vous dit que cette taxe était destinée à soutenir les entreprises en difficulté, on pourrait peut-être pu en discuter. Mais celles qui font face à des pertes, cela ne vous intéresse pas ; ce sont beaucoup de petites et moyennes entreprises, pour des raisons très diverses.
Il est un peu étrange, pour des gens qui prêchent la justice, de développer l'injustice.
L'essentiel du problème tient au fait que le dispositif proposé n'est absolument pas à la hauteur de ses ambitions. Il est même très curieux. Prenons l'exemple d'un groupe qui fait 30 % de son chiffre d'affaires en France et 70 % à l'étranger, mais dont 10 % des bénéfices sont réalisés en France et 90 % à l'étranger – ce qui est le cas d'un certain nombre de grands groupes. Vous avez prévu un correctif qui consiste à dire que si le pourcentage du chiffre d'affaires n'est pas cohérent avec celui du bénéfice, un rapport est opéré entre les deux. Avec cet exemple de 30 % de chiffre d'affaires et 10 % des bénéfices réalisés en France, le résultat est qu'il faudrait multiplier l'imposition par trois, donc taxer à 150 %. C'est aberrant !
Une telle contribution exceptionnelle serait de nature à placer la France dans une situation totalement incohérente au sein de l'espace économique européen.
La véritable piste, dont nous parlons depuis des années au sein de la commission des finances, c'est de fixer un taux minimum d'impôt sur les sociétés à l'échelle mondiale. L'ancien président des États-Unis a été renvoyé à Mar-a-Lago et remplacé par Joe Biden, un garçon sensé qui indique vouloir fixer un taux mondial minimum de 21 % pour l'impôt sur les sociétés. C'est un énorme progrès puisqu'on parlait plutôt jusqu'à présent d'un taux minimum de 12,5 % à 15 %. Telle est la voie intelligente et efficace ; et non de proposer pour des raisons purement politiques et populistes un système dont la rapporteure a convenu qu'il n'avait aucune chance d'aboutir, heureusement d'ailleurs.