Monsieur le président, en réponse à vos questions, je précise que nous n'avons pas intégré d'hypothèses d'évolution du taux de chômage dans le programme de stabilité car il existe en la matière encore trop d'incertitudes à ce stade. D'autre part, certaines décisions – vous avez cité le « Ségur de la santé » – se traduiront par des dépenses pérennes, avec un effet relativement marginal, même si la somme est importante, en 2020 et un effet plein en 2021. Ces dépenses concourent à l'évolution de la dépense publique et sont intégrées dans le programme de stabilité.
L'augmentation des dépenses de l'État au cours de l'année 2020 s'explique en partie par le fait qu'un certain volume d'augmentation de dépenses était déjà prévu en application d'engagements antérieurs ou de lois votées ; je pense à la loi de programmation militaire, à la dynamique de certaines politiques de solidarité, comme la prime d'activité qui représente 2 milliards d'euros, ou encore au recrutement d'enseignants et à la revalorisation de leur rémunération, qui se traduit par une augmentation d'un milliard d'euros.
L'écart de 6,4 milliards d'euros sur le périmètre de la norme de dépenses pilotables entre la loi de finances initiale et la réalisation, qui a fait l'objet de questions, voire de critiques de la part de certains d'entre vous, correspond pour l'essentiel à des dépenses liées à la crise, mais qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire. Je pense à l'augmentation tendancielle des aides personnelles au logement (APL) du fait de la dégradation de la situation des ménages, à hauteur de 2,1 milliards d'euros, aux versements de la prime de précarité avant l'été, puis au mois de novembre, qui représentent un total cumulé de 2,1 milliards d'euros, à l'achat de masques pour 800 millions d'euros, aux mesures de soutien à la presse et aux médias, d'un montant de 600 millions d'euros, qui n'ont pu, pour des questions comptables, être rattachées à ladite mission, ou encore aux 400 millions d'euros de prime à la conversion.
L'augmentation du nombre d'emplois d'État en 2020, à hauteur de 5 363 équivalents temps plein (ETP), s'explique en partie par des engagements antérieurs à la crise, comme la décision de ne plus fermer d'écoles en zone rurale sans l'accord des élus, dont l'impact a été de l'ordre de 1 500 ETP, ou encore la mise en place du plan en faveur des BTS, qui a abouti au recrutement de 450 ETP. Des décisions prises à la suite de la crise ont elles aussi contribué à cette augmentation. Ainsi, 2 400 ETP ont été créés au sein de Pôle emploi, les services du ministère des solidarités et de la santé, hors personnel soignant, ont été renforcés de 420 ETP et d'autres ETP encore ont été créés au sein de l'Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
Nous avons tenu compte des effets de la crise puisque, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait un schéma d'emplois en décroissance en 2021, nous avons acté dans la loi de finances qu'il serait stable, l'écart permettant de répondre à certains besoins. Nous veillons, en matière d'emploi, à ce que les engagements pris dans le cadre des lois de programmation soient tenus ; aboutir à une telle stabilité implique des efforts de la part d'autres ministères.
En ce qui concerne les dépenses fiscales et leur rationalisation, la crise et les périodes de confinement qu'elle a imposées nous ont empêchés d'aller aussi loin que nous l'aurions souhaité. Nous poursuivrons néanmoins notre effort d'optimisation des dépenses fiscales, notamment en mettant en œuvre les outils et les indicateurs du budget vert qui permettent de mesurer non seulement l'efficacité d'une dépense, mais aussi son incidence sur l'environnement. Nos services sont disponibles et mobilisés pour travailler avec vous en ce sens dans le cadre des textes financiers qui seront soumis à l'examen de votre assemblée.
Les reports de 30 milliards d'euros évoqués par M. Jean-Paul Mattei et Mme Jennifer de Temmerman n'étaient pas prévus, mais nous les avions annoncés comme étant possibles. Le quatrième PLFR, présenté au mois de novembre, prévoyait – je précise qu'il s'agissait d'hypothèses économiques et non sanitaires – un confinement en novembre et décembre et une perte d'activité de vingt points par mois de confinement. En réalité, nous n'avons perdu que onze points au mois de novembre, probablement en raison d'une sous-estimation de l'effet bénéfique du maintien de l'ouverture des établissements scolaires et d'une meilleure organisation du tissu économique en période de confinement, notamment grâce au télétravail. Le mois de décembre, malgré les restrictions – qui ne s'étendaient pas encore au couvre-feu –, s'est traduit par une perte d'activité de sept à huit points. Ces reports s'expliquent donc par une sous-consommation des dispositifs d'urgence liée au maintien de l'activité à un niveau plus important que prévu.
Nous avions prévu lors du dépôt du quatrième PLFR un déficit de l'État de 223 milliards d'euros, mais il s'est finalement établi à 178 milliards d'euros, soit une différence de 45 milliards d'euros. Cette différence s'explique pour 29 milliards d'euros par des dépenses moindres que prévu et qui ont donné lieu au report que j'ai évoqué et, pour 7 milliards d'euros, par des recettes fiscales moins dégradées que prévu puisque l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée ont connu un rebond en fin d'année grâce au maintien de l'activité économique – portée par les mesures de soutien – à un niveau plus élevé que prévu. Le report s'est fait principalement vers le fonds de solidarité, dispositif qui consomme actuellement le plus de fonds publics : il finance en effet en particulier l'indemnisation des commerces fermés par suite des mesures sanitaires, par le moyen soit d'un forfait de 10 000 euros soit du versement d'une somme égale à 20 % du chiffre d'affaires, la prise en charge des coûts fixes, qui peut atteindre des montants beaucoup plus importants, les aides aux commerces faisant face à des problèmes de stocks ou encore les dispositifs dédiés spécifiquement à l'économie de montagne.
Nous estimons aujourd'hui qu'à situation sanitaire inchangée et dans le cadre du calendrier indiqué par le Président de la République, le volume des dépenses publiques liées aux mesures que l'on pourrait qualifier d'urgence atteindrait 55,8 milliards d'euros, dont 14 milliards environ dus à l'augmentation de l'ONDAM afin de financer la campagne de vaccination et au coût de la prise en charge hospitalière de l'épidémie, et un peu plus de 20 milliards affectés au fonds de solidarité pour l'année 2021.
Madame Rabault, j'ai déjà donné instruction à nos services de régler la question de l'accès à Chorus. J'ai en outre demandé à nos services informatiques de se rapprocher de ceux de l'Assemblée nationale pour que soit bien précisé ce qui relève de la consommation d'autorisations d'engagement (AE) et ce qui relève de la consommation de crédits de paiement (CP). Je précise que Chorus ne retrace pas les dépenses effectuées pour le compte de l'État par des opérateurs. Or, un grand nombre des dispositifs du plan de relance passe par des opérateurs, notamment par l'Agence de services et de paiement ; c'est le cas, par exemple, de MaPrimeRenov', ainsi que des aides à l'embauche d'apprentis ou de jeunes de moins de 26 ans. Le Gouvernement et les parlementaires peuvent néanmoins s'appuyer sur des documents de synthèse plus complets. Quoi qu'il en soit, l'accès sur Chorus à l'ensemble des informations que vous avez demandées sera assuré.
Nous ne partageons pas la lecture très pessimiste que vous faites, Mme Rabault, du déficit structurel. Les fluctuations très fortes et la classification des dépenses nous empêchent d'avoir une lecture aussi linéaire et facile que la vôtre.
S'agissant de la charge de la dette, nous sommes extrêmement vigilants à ce que notre politique monétaire nous permette de continuer à bénéficier de taux bas. Dans la trajectoire pluriannuelle, nous avons tenu compte d'hypothèses conventionnelles en matière d'évolution des taux. Ces hypothèses prudentes nous conduisent à prévoir que la charge de la dette pourrait être, à l'horizon 2027-2030, renchérie d'un demi-point de PIB par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Il s'agit d'éviter de mauvaises surprises au cours des années qui viennent.