Je partage bien des observations que vous avez faites.
Lors de la présentation du programme de stabilité, hier, j'ai posé aux ministres la question du rehaussement durable, quasiment pérenne, du niveau des dépenses par rapport à la période antérieure au covid-19. Quand on regarde les seules dépenses budgétaires, la hausse est d'environ 170 milliards d'euros en cumulé pour 2020 et 2021. Les prévisions du programme de stabilité font état d'une baisse d'une petite cinquantaine de milliards en 2022, puis la dépense publique repartirait à la hausse d'une dizaine de milliards chaque année. Le Gouvernement parle d'augmentation maîtrisée – on a rarement connu une augmentation de 0,7 % en volume sur l'ensemble des dépenses publiques – mais c'est quand même une augmentation. La question n'est pas de savoir si on pense que les chiffres sont crédibles ou non ; j'observe simplement qu'il restera 120 milliards d'euros de plus qu'avant le covid-19 : ils sont durablement inscrits.
Je sais bien que le PIB augmentera probablement un peu plus vite que la dépense publique au bout d'un certain temps et que le ratio dette/PIB diminuera un tout petit peu, mais ce ne sera quasiment pas le cas d'ici à 2027 et la suite est vraiment très éloignée. Cela veut dire que la réponse à la crise a des conséquences durables en termes de niveau des dépenses publiques, ce qui est très préoccupant : le niveau de ces dépenses est déjà très élevé dans notre pays et cela diminue notre capacité à réduire les déficits publics.
S'agissant de l'organisation des finances publiques, nous allons déposer, avec le rapporteur général, une proposition de loi organique directement issue du rapport de la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la MILOLF, qui a été présenté à l'automne 2019. La situation a relativement peu changé : la crise nous a plutôt confortés dans l'idée qu'il fallait améliorer un peu l'outil, pour avoir une nouvelle version de la LOLF – sans la transformer, évidemment. Nous proposons notamment d'étendre les pouvoirs et le périmètre d'action du Haut Conseil des finances publiques, pour les rendre à peu près comparables à ce qui existe dans d'autres pays pour des institutions de même nature. On sent bien, dans les questions qui vous sont posées au sein de cette commission, que c'est nécessaire, celles-ci se trouvant souvent hors de votre champ d'action actuel.
Concernant le projet de loi de règlement, je reviens sur la question des dépenses d'investissement. La proposition de loi organique demandera, d'ailleurs, de bien faire la différence, par mission et par programme, avec les dépenses de fonctionnement, ce qui changera quelque peu la nature de la discussion et renforcera notre éclairage sur la composition, in fine, de la dette publique nouvelle.
Les dépenses d'investissement s'élèvent, pour le seul titre 5, à 13,6 milliards d'euros, et à 15,3 milliards en intégrant le titre 7. Cela représente 4 % du budget général. L'augmentation légère de ces dépenses en 2020, de 1,2 milliard d'euros, qui concernait essentiellement les sous-marins nucléaires d'attaque de la classe Suffren, ne doit pas masquer le fait que les crédits d'investissement sont sous-consommés – leur consommation est de 84 % des crédits de paiement (CP) et seulement de 59,1 % des autorisations d'engagement (AE) – et ce n'est pas la première fois. Que pensez-vous du fait qu'on ne respecte pas beaucoup les autorisations parlementaires dans ce domaine ? Les crédits d'investissement sont certes plus difficiles à mettre en œuvre que ceux de fonctionnement, notamment s'ils sont liés à l'armement, à la recherche ou à des contrats, mais on observe quand même un décalage.
Les primes d'émission sont un sujet fréquemment abordé au sein de cette commission, notamment par M. de Courson. La mobilisation de souches anciennes dont le taux est supérieur à celui du marché est assez importante. Les primes perçues à ce titre ont été supérieures à 30 milliards d'euros en 2020 après décote et l'Agence France Trésor (AFT) a réalisé de cette manière près de 40 % de ses émissions en 2020. Considérez-vous que l'on peut tenir à ce rythme-là ? Est-ce de bonne gestion ?