Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 11 mai 2021 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Lorsque j'ai présenté le quatrième PLFR pour 2020, j'avais indiqué que nous prévoyions des crédits pour « tenir », si vous me permettez cette expression, dans la pire des hypothèses sanitaires, c'est-à-dire celle d'un confinement non pour le seul mois de novembre, mais pour les mois de novembre et décembre. J'avais précisé que notre hypothèse de diminution d'activité en confinement était de 20 % ; cette hypothèse avait été qualifiée de crédible et réaliste, notamment par le Haut Conseil des finances publiques, en comparaison avec la baisse d'activité de 32 % au mois d'avril 2020.

Le confinement, uniquement mis en œuvre en novembre, et les mesures de restrictions en décembre se sont traduits par une diminution de l'activité de 11 à 12 % en novembre et de 7 à 8 % en décembre : nous étions donc très loin des pertes de deux fois 20 % que nous avions imaginées et pour lesquelles nous avions provisionné des crédits. D'aucuns nous avaient alors dit que notre prévision était trop prudente, et peut-être même pessimiste. Je l'assume sans aucune difficulté. Il aurait été intenable de nous retrouver dans une situation de rupture de crédits pour payer les aides d'urgence à la fin du mois de novembre ou à la fin du mois de décembre.

Cette prudence et cette sous-consommation des crédits, du fait d'un maintien de l'activité bien meilleur qu'escompté, nous ont amenés à pouvoir procéder à un report de crédits annoncé lors de la nouvelle lecture du PLF pour 2021 : quand j'ai défendu un amendement ouvrant des crédits au titre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, j'ai précisé qu'un certain nombre de crédits de l'année 2020 feraient l'objet d'un report sur l'exercice 2021. J'avais expliqué à cette occasion – je réponds très directement à M. le président et à M. le rapporteur général – que, dans la mesure où le régime de prise en charge de l'activité partielle liée au covid est, par essence, plus avantageux pour les employeurs que les mesures de prise en charge de l'activité partielle de longue durée, notamment du fait de l'absence de reste à charge, les employeurs et les entreprises allaient privilégier le recours à l'activité partielle « covid ». J'avais aussi indiqué que les programmes 356 et 364, qui financent l'activité partielle de longue durée pour l'un et l'activité partielle « covid » pour l'autre, seraient utilisés indifféremment pour financer l'activité partielle. Cela explique, monsieur le président, que 10 milliards d'euros étaient disponibles en 2021 pour le financement de l'activité partielle, avant le décret d'avance qui abondera cette enveloppe de 500 millions d'euros.

À date, nous avons décaissé 1,8 milliard d'euros sur le programme 356 ; ainsi, nous disposons de plus de marge pour le financement de l'activité partielle, quelle que soit sa nature, que pour le Fonds de solidarité.

Par ailleurs, plusieurs dispositifs relevant d'une forme de financement de l'activité partielle – je m'exprime avec prudence –, à savoir l'indemnité différentielle versée aux « permittents » et la prise en charge d'un certain nombre de congés payés dans le cadre des mesures d'urgence, ne peuvent être inclus dans le cadre du financement de l'activité partielle de longue durée et ne peuvent donc être financés que sur les lignes ouvertes au titre du financement de l'activité partielle d'urgence dite « covid ». Voilà ce qui nous conduit à abonder ces crédits de 500 millions d'euros, ce qui peut sembler minime par rapport aux 6,7 milliards que nous proposons d'ajouter au Fonds de solidarité.

J'en viens à la deuxième grande question : ce décret vaut-il solde de tout compte ? Je crains que non, mais je ne suis pas en mesure, à cet instant, de dire exactement dans quelle proportion. Vous avez tous pris connaissance des modalités de sortie des dispositifs d'urgence, notamment de la prise en charge dégressive des pertes d'activité pour les mois de juin, juillet et août. Ce caractère dégressif est calé sur le calendrier de sortie du confinement. Il en va de même pour les dispositifs liés à l'activité partielle, avec une remontée progressive des restes à charge. J'ajoute que nous traiterons de manière différenciée les secteurs dits « protégés » – c'est-à-dire ceux qui, contrairement à ce que leur nom pourrait laisser penser, feront l'objet de contraintes persistantes – et les secteurs qui retrouveront toute liberté d'activité à compter de la fin du confinement. C'est à l'aune de la consommation des mesures d'urgence au titre du mois d'avril, qui est en cours d'évaluation, puisque les demandes d'aides sont en train d'être adressées, et à l'aune des conditions de reprise d'activité et de la vitesse à laquelle cette activité va reprendre, que nous pourrons déterminer de manière plus précise, d'ici à l'examen du PLFR, d'éventuels besoins en matière de financement de l'activité partielle ou du Fonds de solidarité.

Je suis tenté de vous faire la même réponse concernant le dispositif du programme 358, qui concerne les participations de l'État au capital d'entreprises considérées comme stratégiques. À ce jour, les 3,9 milliards d'euros dont nous disposons, alors même que nous avons déjà procédé aux plus grosses opérations – je pense notamment à la recapitalisation de la SNCF – nous paraissent suffisants pour faire face à d'éventuels besoins au cours de l'année 2021. Dès le mois d'avril 2020, Bruno Le Maire et moi-même avions indiqué que les 20 milliards d'euros ouverts dans le cadre du deuxième PLFR pour 2020 avaient à nos yeux un caractère bisannuel, et nous avions prévu la possibilité d'un report. Cependant, nous redoutions alors que de nombreuses entreprises stratégiques fassent l'objet de prédations. Là aussi, le maintien de l'activité à un meilleur niveau qu'escompté et leur résistance plus forte que ce que nous craignions conduisent nos entreprises à être moins exposées à ce risque. C'est une bonne nouvelle en soi, qui explique que nous n'ayons pas besoin, à ce jour, de crédits supplémentaires.

J'apporte quelques confirmations sur les autres points évoqués. Le Fonds de solidarité est beaucoup plus consommateur de crédits en 2021 qu'en 2020, pour les raisons que vous avez évoquées. Je pense notamment au passage de 1 500 à 10 000 euros du plafond des aides mensuelles, à l'ouverture de ce dispositif à des secteurs nouveaux, à la prise en charge des frais fixes, à la possibilité d'être soumis à un plafond égal à 20 % du chiffre d'affaires dans la limite de 200 000 euros par mois, ou encore à l'aide au stock, qui sera versée aux commerçants éligibles à partir du 25 mai et qui représente un engagement compris entre 200 et 300 millions d'euros.

Je note un point de désaccord, ou du moins d'appréciation différente, avec M. de Courson. Vous avez dit que le Fonds de solidarité correspondait à des dépenses de fonctionnement plus que d'investissement. Fondamentalement, vous avez raison. Cependant, en accompagnant les entreprises grâce au Fonds de solidarité, nous leur donnons les moyens de traverser la crise, de préserver leur activité et leurs compétences et de reprendre leur activité à la sortie du confinement. Certes, d'un point de vue comptable, c'est une dépense de fonctionnement, mais c'est aussi un investissement utile pour éviter d'avoir à reconstruire notre économie.

Beaucoup d'entre vous m'ont posé la question des fonds propres nécessaires aux entreprises. Les dispositifs existants permettant d'accompagner ces dernières grâce à une amélioration de leurs fonds propres ne dépendent pas du programme 358. Certes, ce programme permet à l'État de prendre des parts au capital d'entreprises, mais il ne constitue pas un dispositif d'amélioration de la situation des entreprises en termes de fonds propres. Nous avons initié un premier programme de prêts participatifs garantis par l'État ; il est géré par Bpifrance, ce qui explique que nous n'ayons pas à inscrire de crédits à ce stade. Nous devons simplement veiller à ce que nous disposions de 2 milliards d'euros au titre des garanties, ce qui est bien le cas dans le budget que vous avez voté – en effet, dans ce dispositif de prêts participatifs garantis par l'État, ce dernier prend à sa charge 30 % des premières pertes, et nous avons donc tenu compte de ce niveau de risque. Avec Bruno Le Maire, nous envisageons, si nécessaire, d'aller plus loin en matière d'aides aux fonds propres ou d'aides à la trésorerie dans le cadre de la reprise.

Je rejoins évidemment les propos du rapporteur général s'agissant du caractère exceptionnel de ce décret d'avance. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu procéder de la sorte pour faire face à la crise, du fait de l'ampleur de cette dernière et du volume très important des crédits ouverts. Par ailleurs, il n'est pas possible d'instaurer de nouveaux dispositifs dans le cadre d'un décret d'avance : cela nous a aussi amenés à privilégier la voie des PLFR.

En effet, monsieur Carrez, nous battons un record en termes de montant : cette crise est particulière, et nous y répondons avec un montant record. Nous abondons cependant des dispositifs qui ne sont pas nouveaux, sur lesquels l'Assemblée nationale comme le Sénat ont eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises – le Parlement avait d'ailleurs été tout à fait bienveillant envers les propositions du Gouvernement. Je tiens particulièrement à cette précision car, en tant qu'ancien parlementaire, j'aurais été très gêné de présenter des dispositifs nouveaux dans le cadre d'un décret d'avance.

Je ne développerai pas davantage le contenu du prochain PLFR. Je précise simplement que les mouvements auxquels nous procéderons dans le cadre de ce texte nous paraissaient difficilement réalisables dans un décret d'avance. Par ailleurs, les mesures contenues dans le futur PLFR n'ont pas le caractère urgent que revêt le rechargement de la trésorerie du Fonds de solidarité ; il nous paraît donc plus logique de les renvoyer à un débat parlementaire – quand je dis « renvoyer », n'y voyez rien de péjoratif.

Nous savons que les secteurs S1 et S1 bis sont les premiers bénéficiaires du Fonds de solidarité et de l'activité partielle. Au mois d'avril, 17 % des aides étaient destinées au secteur du commerce, 10 % à celui de la construction, 10 % à celui de l'hébergement et de la restauration. Cette répartition est disponible sur le site du Gouvernement, qui récapitule la totalité des interventions par département.

Mme Magnier a évoqué l'ampleur des crédits consacrés aux mesures d'urgence pour l'année 2021. Nous estimons que, tout compris, le montant des mesures d'urgence en 2021 pourrait atteindre 55 milliards d'euros. Ce chiffre dépend beaucoup du niveau d'activité et de la force de la reprise : il ne s'agit donc que d'une estimation à ce jour. La moindre augmentation d'activité entraîne, dans tous les cas que nous avons connus jusqu'à présent, une moindre consommation des crédits. Cependant, nous ne sommes pas à l'abri d'une mauvaise surprise en la matière, même si les premiers éléments dont nous disposons pour le mois d'avril montrent que la baisse d'activité au cours de ce mois sera très certainement inférieure ou moins marquée qu'en novembre 2020 – cette tendance est plutôt de bon augure s'agissant de la résistance de l'activité et du maintien de nos prévisions de croissance, que nous avons réaffirmées pour l'année 2021. Dans quelques semaines, à l'occasion de l'examen du PLFR, je reviendrai devant vous avec des estimations plus précises. Je le répète, la connaissance des montants mobilisés au titre des mesures d'urgence pour l'activité perdue en avril est absolument fondamentale, puisque nous espérons qu'il s'agira du dernier mois de quasi-confinement que nous aurons connu.

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