Avant de vous répondre, je voudrais dire quelques mots du budget du ministère de la culture en 2020. La mise à l'arrêt de tous les équipements et lieux culturels pendant les deux confinements a mis en péril tout un pan de l'activité économique du pays. La culture représente 2,3 % du PIB et plus de 650 000 emplois directs, sans compter les effets sur l'ensemble de l'économie.
Durant les neuf premiers mois de l'année 2020, la perte de chiffre d'affaires des entreprises du champ culturel a ainsi été évaluée à moins 15 % au regard de la même période en 2019. L'État a été au rendez-vous tout au long de la crise, pour l'ensemble des secteurs culturels, dans leur diversité et leurs spécificités. On cite souvent le chiffre de 11 milliards mais en réalité plus de 12 milliards ont été mobilisés pour la culture depuis le début de l'épidémie.
Les dispositifs transversaux ont largement bénéficié aux acteurs culturels qui ont subi de plein fouet les effets des confinements successifs. Nous avons veillé, tout au long de la crise, à concevoir des dispositifs spécifiques, quitte à donner l'impression d'agir au coup par coup. C'est que la situation nous obligeait à agir très rapidement et à faire preuve d'imagination pour aider des gens en grande difficulté. Aucun pays n'a soutenu à ce point la culture, ce qui témoigne de la place qu'elle occupe dans notre pays.
Nous avons soutenu les labels en difficulté, préparé la réouverture des festivals, aidé les artistes auteurs. Même si ces crédits ne relèvent pas de mon ministère, rappelons que l'année blanche pèsera sur le budget du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion. Nous venons d'en prolonger le dispositif jusqu'à la fin de l'année 2021.
Malgré ce niveau inédit de crédits débloqués, notamment en fin de gestion, l'exécution de notre budget en 2020 atteint un taux très satisfaisant de 98,5 %, voire de 99,9 % si l'on intègre les reports de crédits accordés pour 2021, qu'il n'a pas été possible de consommer en 2020. Un tel niveau d'exécution n'a pu être atteint que grâce à l'engagement des agents du ministère en administration centrale et dans les DRAC. Ils ont travaillé dans des conditions extrêmement difficiles, réussissant à absorber les pics d'activité malgré deux confinements successifs qui leur ont imposé d'adapter leurs méthodes de travail – mais nous reviendrons sur le sous-équipement des DRAC en matériel informatique, que je m'emploie à résorber.
Cet excellent résultat montre aussi que les aides demandées ont été calibrées au plus juste. Nous continuons d'accompagner l'ensemble des pans du secteur culturel. Depuis le début de l'année, 280 millions d'euros ont été débloqués au titre de mesures sectorielles complémentaires. Mes services sont en train d'évaluer, en liaison avec Bercy, les pertes de recettes enregistrées en 2021 par les opérateurs nationaux, qui sont, eux aussi, restés fermés en début d'année et dont la fréquentation internationale est considérablement fragilisée – je rappelle que 70 % des visiteurs du Louvre sont étrangers.
J'en viens maintenant à vos questions.
S'agissant, Madame David, de la multiplication des organismes payeurs et du différentiel des aides de compensation suivant qu'elles sont versées par l'intermédiaire du CNM ou de l'ASTP, je rappelle que ces dispositifs ont été conçus en concertation avec les opérateurs et les filières précisément pour tenir compte des différences de modèle économique et de besoins, car il importe de répondre à la diversité des situations. On rêverait de machinerie technocratique, de guichet unique, d'être tous logés à la même enseigne, car notre pays aime l'égalité, mais il faut, pour ce qui concerne la culture, répondre à des modèles économiques fondamentalement différents. C'est difficile, mais je crois que c'est la bonne manière d'opérer.
Concernant la sous-exécution de 15 millions d'euros en 2020 liée à des retards dans les recrutements par rapport au plafond d'emplois des opérateurs, vous avez totalement raison. Le ministère conduit d'ailleurs depuis le début du quinquennat un important travail de « sincérisation » des plafonds des opérateurs ; je souhaite que cet exercice aille à son terme.
Il est bien évident que les DRAC participent de près à la gouvernance des scènes et des labels subventionnés, soit en tant que membre du conseil d'administration, soit à travers des comités de pilotage et de suivi. Les budgets prévisionnels et définitifs des labels sont présentés à l'occasion de ces conseils ou de ces comités. Un contrôle est exercé chaque année par les DRAC sur les comptes financiers des structures labellisées au moment du renouvellement de leur subventionnement. L'élaboration des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO), en partenariat avec les collectivités territoriales, est l'occasion d'assurer un contrôle qualitatif et quantitatif de la structure, en s'appuyant sur des indicateurs, notamment financiers. Pendant la crise sanitaire, les DRAC ont été en contact régulier avec les lieux subventionnés afin d'évaluer l'impact du covid-19 sur leur équilibre financier et ajuster au mieux leur subventionnement. Je me tiens à votre disposition pour avancer dans ce domaine.
Je vous remercie d'avoir souligné l'importance du pass culture et de l'été culturel et apprenant. L'offre culturelle dans notre pays est tout à fait remarquable. Depuis soixante ans, les politiques culturelles ont été en général des politiques de l'offre ; on s'est beaucoup moins intéressé à la demande. Or les études montrent – en particulier l'étude décennale sur les pratiques culturelles des Français, dont la dernière édition est parue en juillet 2020 – que seulement 10 % des Français sont des consommateurs réguliers de spectacles vivants, et que sur ces 10 %, les trois quarts appartiennent aux CSP+. Le chantier de la démocratisation culturelle est encore devant nous ! C'est ce changement de paradigme qu'il nous faut engager et le pass culture est de ce point de vue extrêmement important. Comme je l'ai indiqué lors des questions au Gouvernement, sa généralisation connaît un réel succès, avec 600 000 connexions en deux jours, soit plus que pour l'application TousAntiCovid. Désormais, on s'intéresse davantage à la culture qu'à la pandémie !
Certes, l'un n'exclut pas l'autre, mais on sent une réelle appétence – la phase expérimentale nous l'a montré. Bien évidemment, nous avons prévu des garde-fous pour qu'il n'y ait pas sur-consommation de produits de l'industrie numérique. Surtout, comme nous regrettions que le dispositif ne s'adresse qu'aux plus de 18 ans, il sera étendu dès le 1er janvier 2022 à tous les jeunes à partir de la classe de quatrième, à raison de 200 euros échelonnés jusqu'en terminale, puis d'une dotation de 300 euros.
Quant à l'été culturel et apprenant, qui avait été doté de 20 millions d'euros, il sera reconduit, avec la même enveloppe, en 2021. Il a rencontré un réel succès. Je me suis rendue cet été sur le lieu de certaines de ces manifestations, qui, au nombre de 10 000, ont touché un million de spectateurs et ont permis à 8 000 artistes de travailler – parfois dans des quartiers très défavorisés. Il s'agit là, je crois, d'une belle et bonne activité culturelle.
Nous avons été à la manœuvre pour soutenir l'Opéra de Paris, qui va bénéficier d'une aide de 81 millions d'euros en 2021 et 2022, dans le cadre du Plan de relance. Toutefois, je suis de votre avis : il ne peut s'agir d'une simple subvention de secours. L'Opéra de Paris rencontre des difficultés structurelles, et c'est pourquoi j'ai confié une mission à Caroline Sonrier sur le rôle de tête de réseau qu'il doit jouer par rapport aux opéras de province et une autre à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu, dont vous connaissez les compétences puisqu'ils ont assumé des fonctions à la tête de notre vaisseau amiral lyrique. On est en train d'expertiser tout cela, et je pense qu'il serait souhaitable, monsieur le président de la commission, que je revienne devant vous lorsque la réflexion aura abouti, d'autant qu'elle suppose des concertations indispensables avec l'équipe de l'Opéra de Paris et les partenaires sociaux. Je ne voudrais pas donner le sentiment erroné d'avoir déjà tout décidé depuis la rue de Valois. Le sujet est très sensible, mais les réformes sont nécessaires, et je crois que l'ensemble des acteurs de l'Opéra de Paris en sont conscients.
Anticiper les dépenses d'investissement de nos opérateurs est assurément l'une de mes préoccupations, à la fois pour des raisons de soutenabilité budgétaire et pour donner aux gestionnaires de la visibilité, ce qui est encore plus nécessaire après la crise que nous venons de traverser. Nous sommes en train d'y travailler avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, et je ne voudrais pas anticiper sur les négociations relatives à la loi de finances. Sachez néanmoins que j'ai mon couteau et ma lance : ce sont des discussions dites viriles, mais les femmes peuvent y prendre part !
Vous avez raison, Monsieur Carrez : la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un chantier considérable – je peux en témoigner, pour l'avoir visité déjà deux fois. On est impressionné par la sensation de vide que l'on a sur la passerelle, ainsi que par la complexité des travaux à mener. On en est pour l'instant au déblaiement, à la stabilisation et à la consolidation de l'édifice ; la restauration proprement dite n'a pas encore commencé. On espérait l'engager au dernier trimestre 2021, mais cela prendra peut-être un peu de retard. Les travaux de restauration de la charpente, de la couverture et de la flèche seront menés parallèlement. En tout cas, les architectes sont d'avis que la tenue en 2024 de la célébration que le Président de la République a évoquée est un objectif envisageable.
Pour l'instant, l'enveloppe obtenue par souscription paraît convenable. D'aucuns estimaient qu'on aurait trop d'argent et qu'il faudrait utiliser le reste pour d'autres opérations patrimoniales, mais ce ne sera pas le cas : on aura juste le compte. Peut-être faudra-t-il même une petite rallonge, parce que des opérations qui ne sont pas directement liées au chantier de restauration devront être menées en complément.
Il faut bien sûr être attentif au manque éventuel de forces vives au sein de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale. Souvent, on trouve qu'il y a trop de monde dans les établissements publics : je suis heureuse que vous envisagiez que l'effectif puisse être insuffisant !