Intervention de Daniel Labaronne

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne, président et rapporteur spécial (Conseil et contrôle de l'État) :

Je salue M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui nous a rejoints. Je vais d'abord prendre la parole pour dix minutes, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission Conseil et contrôle de l'État.

Cette mission comporte quatre programmes : Conseil d'État et autres juridictions administratives, Conseil économique, social et environnemental (CESE), Cour des comptes et autres juridictions financières et Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Si la première partie de mon rapport illustre l'impact de la crise sanitaire sur l'exécution budgétaire, j'ai choisi de consacrer la seconde au thème de l'adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions.

En ce qui concerne l'exécution budgétaire, 720,9 millions d'euros ont été consommés en autorisations d'engagement (AE) et 690,49 millions en crédits de paiement. Témoignant tant de la sincérité de la programmation que de la qualité de l'exécution, la sous‑exécution des autorisations d'engagement s'est réduite, passant de 10,3 % en 2019 à 7,6 % en 2020. Mais celle des crédits de paiement, très réduite en 2019, s'est amplifiée sous l'effet de la crise sanitaire, le taux d'exécution perdant deux points, passant de 99,7 % à 97,6 %. Si les dépenses, qui avaient crû de 3 % entre 2018 et 2019, ont poursuivi leur progression, c'est à un rythme bien moindre, avec une hausse de 0,7 %, entre 2019 et 2020.

Les dépenses du programme 165 Conseil d'État et autres juridictions administratives ont atteint un montant de 428,3 millions d'euros, en progression de près de 10,6 millions d'euros, soit de 2,5 %. Le taux d'exécution des crédits inscrits en loi de finances initiale s'est toutefois dégradé de deux points, tandis que le taux de consommation des crédits ouverts connaissait une baisse de 1,5 point. Cela s'explique notamment par une sous‑consommation des dépenses de personnel, premier poste de dépenses par titre du programme. Le plafond d'emplois n'a ainsi été consommé qu'à hauteur de 4 114 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors qu'il avait été fixé à 4 224 ETPT en loi de finances initiale. La crise sanitaire, qui a retardé l'exécution du schéma d'emplois initialement prévu, en est l'une des explications.

Au-delà de la consommation des plafonds fixés en loi de finances initiale et des aléas de gestion, la question des emplois des juridictions administratives doit être examinée à l'aune de l'évolution du contentieux. Ces effectifs méritent une attention toute particulière ; il s'agit non seulement de permettre à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'améliorer ses délais de jugement et de réduire son stock d'affaires à juger, comme je l'avais déjà indiqué l'an dernier, mais aussi, plus généralement, de faire face à la forte hausse tendancielle du volume du contentieux administratif. Le vice-président du Conseil d'État m'a d'ailleurs confirmé, à la lumière des premières données relatives à l'année 2021, que 2020 n'aura, de ce point de vue, marqué qu'une simple pause. Et, comme à l'automne dernier, j'invite le Gouvernement à se saisir des conclusions du rapport « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous » du Conseil d'État.

Les dépenses du Conseil économique, social et environnemental, qui a connu une baisse sensible des recettes issues de la valorisation du palais d'Iéna, sont relativement stables, s'établissant à 43,5 millions d'euros environ. Je n'en déplore pas moins le peu de lisibilité des informations relatives au CESE dans le rapport annuel de performances. Les chiffres donnés dans les tableaux sont erronés, il n'est pas fait état des reports et le suivi de la dépense pluriannuelle est impossible. Certaines indications ne sont, en outre, pas entièrement cohérentes avec les montants annulés en loi de finances rectificative. Certes, des discussions sont engagées avec la direction du budget pour que les données d'exécution soient intégrées au système d'information Chorus, ce qui devrait améliorer la qualité de l'information disponible, mais savez-vous, monsieur le ministre, si elles aboutiront bientôt ? Je souhaite que le nouveau président du CESE s'engage résolument dans une démarche d'amélioration des informations présentées dans les documents budgétaires fournis à la représentation nationale.

Quant à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières, elles ont consommé 218,3 millions d'euros, soit 2,3 millions – ou 1 % – de moins qu'en 2019. La qualité de l'exécution semble ainsi n'avoir été que marginalement affectée par la crise sanitaire. Il n'en conviendra pas moins, si la Cour est désignée à l'automne 2021 membre du comité des commissaires aux comptes des Nations unies, de lui accorder les renforts nécessaires. Il conviendra également, qu'il s'agisse des juridictions financières ou des juridictions administratives, de préciser quel pourra être l'impact de la réforme de la haute fonction publique sur les ressources humaines et la gestion de celles-ci.

La sous-exécution récurrente des crédits et des emplois du Haut Conseil des finances publiques s'est accentuée au cours de cette année de crise sanitaire. Tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, les moyens qui lui avaient été accordés en loi de finances initiale, portés – un peu artificiellement – par le programme 340, dont je propose de faire plutôt une action du programme 164, étaient de près de 480 000 euros, en progression de 12 % par rapport à 2020. Ils ont été exécutés à hauteur d'environ 380 000 euros, soit un taux d'exécution inférieur à 80 %.

L'adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions est précisément l'objet de la partie thématique de mon rapport. Institué par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil a pour mission de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Pour cela, il apprécie le réalisme des prévisions macroéconomiques et des estimations de croissance potentielle du Gouvernement et se prononce sur la cohérence des textes financiers avec les objectifs pluriannuels de finances publiques. Y siègent, outre le Premier président de la Cour des comptes, qui le préside, dix membres : quatre magistrats de la Cour des comptes, cinq personnalités qualifiées et le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

De quels moyens dispose-t-il ? De sa création à l'exercice 2020, le plafond d'emploi du Haut Conseil a toujours été fixé à 3 ETPT en loi de finances initiale, sans connaître aucune modification en loi de finances rectificative, jusqu'à la loi de finances pour 2021, qui prévoit un renforcement à hauteur de 2 ETPT. Les emplois du Haut Conseil sont destinés au secrétariat permanent qui l'assiste, dirigé par un rapporteur général, actuellement assisté de deux rapporteurs généraux adjoints et de deux rapporteurs.

Ce plafond a systématiquement été sous-exécuté ; en conséquence, les crédits de titre 2 ont eux-mêmes été systématiquement sous-exécutés. Hors titre 2, le HCFP dispose d'une dotation de fonctionnement dont le montant est d'environ 50 000 euros depuis 2018, elle-même notoirement sous-exécutée.

Il faut dire que le HCFP bénéficie de synergies avec la Cour des comptes, qui l'héberge. En outre, l'expertise de ses membres, dont aucun n'est rémunéré, et la qualité des échanges nourris qu'il entretient avec ses interlocuteurs, notamment les administrations compétentes en matière économique et financière, ne sont pas ses moindres ressources.

Le Haut Conseil a ainsi pu rendre tous les avis demandés – généralement quatre par an, sept au cours de l'exceptionnelle année 2020 – dans le court délai de sept jours qui lui était imparti. Quasi-juge de la sincérité budgétaire, il a contribué activement, par son existence et le contrôle vigilant qu'il exerce, à réduire les biais optimistes ou parfois pessimistes qui peuvent sous-tendre les prévisions gouvernementales, et éclairé le débat parlementaire. À mandat inchangé, les moyens dont il dispose me paraissent adaptés. Je recommande donc qu'ils soient, à mandat inchangé, stabilisés.

L'impact sur les comptes de nos administrations des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire n'en a pas moins renouvelé les termes du débat sur la gouvernance des finances publiques. Pour ma part, je ne crois pas opportun de transformer le Haut Conseil en une vigie budgétaire qui produirait ses propres prévisions macroéconomiques, comme le suggérait le rapport Arthuis. En revanche, des adaptations de son mandat, du type de celles prévues par la proposition de loi organique déposée par le président de la commission des finances et le rapporteur général me paraissent tout à fait souhaitables. Il conviendra d'estimer, le moment venu, l'ampleur des renforts qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux qui en naîtraient. À mon sens, ils ne sauraient excéder quelques emplois, mais peut‑être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous préciser le sentiment du Gouvernement sur les évolutions proposées, et les moyens qu'elles sont susceptibles de requérir.

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