La mission Pouvoirs publics regroupe les dotations accordées à la Présidence de la République, aux deux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel, à la Cour de justice de la République ainsi qu'à la chaîne parlementaire. La crise sanitaire a naturellement eu un effet sur les budgets des quatre institutions, à des degrés divers. Il était impératif qu'elles assurent la continuité de leur fonctionnement. Je pense particulièrement à l'Assemblée nationale et au Sénat qui se sont très vite adaptés, dans l'urgence, de manière à assurer l'indispensable continuité de la vie démocratique.
Le budget exécuté de la Présidence de la République s'est élevé à 106,8 millions d'euros, financés par la dotation inscrite en LFI, à hauteur de 105,32 millions, et des ressources propres pour 1,7 million. Avec la crise sanitaire, les déplacements présidentiels ont naturellement fortement diminué par rapport à 2019. Les crédits consacrés aux déplacements ont ainsi connu une très nette sous-exécution – 8,79 millions d'euros en crédits de paiement pour 15,67 millions en prévision initiale, soit un recul de 50,67 % par rapport au budget initial.
Les crédits ont été redéployés vers l'enveloppe dédiée aux investissements. Les dépenses d'investissement ont donc connu une progression spectaculaire, puisqu'elles ont été multipliées par 2,3 par rapport à 2019. La Présidence de la République présente ces redéploiements comme répondant à un besoin de « rattrapage accéléré d'un retard d'investissement constaté dans les domaines de l'informatique et de la sécurité ». Je constate pourtant l'existence d'un programme pluriannuel d'investissements, précisément préparé par l'Élysée. Monsieur le ministre, pourquoi les économies faites par la Présidence de la République l'année dernière en raison de la crise sanitaire n'ont‑elles pas été reversées au budget de l'État, dans un souci d'exemplarité et de bonne gestion ? L'Assemblée nationale, elle, a su ces dernières années maintenir toutes ses dépenses dans le cadre d'une gestion rigoureuse.
L'exécution du budget du Conseil constitutionnel, à 13,103 millions d'euros, dépasse de près de 8,7 % la prévision initiale, comme l'année dernière. Si les dépenses d'investissement sont nettement en-dessous des montants prévus, en raison de la crise sanitaire, les dépenses de fonctionnement sont en forte progression, en partie en raison des dépenses rendues obligatoires par le contexte particulier de l'année 2020. La crise sanitaire n'a pas interrompu l'activité du Conseil constitutionnel, qui a continué à tenir dans ses locaux ses séances de délibéré et les audiences publiques des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), dont certaines ont d'ailleurs porté sur les conditions de l'état d'urgence sanitaire.
Pour assurer la continuité de son service, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur les solutions de travail sécurisé à distance qu'il avait déployées au cours des dernières années, avec des acquisitions complémentaires – matériel ou licences de logiciels de télétravail. Le Conseil constitutionnel a pris en charge des dépenses exceptionnelles, par exemple pour la captation des audiences publiques de QPC, hors de sa salle d'audience, ainsi que des dépenses de frais de nettoyage des locaux, sans parler de l'achat de matériel et de produits de protection. La progression des dépenses semble bien liée au caractère exceptionnel de l'année 2020. Le contrôle de l'exécution des prochains budgets sera l'occasion de nous en assurer.
Le budget du Sénat s'est élevé en 2020 à 332,67 millions d'euros, soit 32,87 millions de moins par rapport au montant provisionné. Un prélèvement sur disponibilités de 1,36 million d'euros seulement a été nécessaire pour équilibrer les dépenses, alors que le budget initial prévoyait un déficit de 33 millions. Les dépenses d'investissement ont été largement sous-exécutées, conséquence de l'arrêt des chantiers pendant le confinement.
Les dépenses de l'Assemblée nationale se sont élevées à 540,62 millions d'euros en 2020, pour une prévision initiale de 568,38 millions. Le résultat budgétaire s'établit à moins 20,69 millions, contre moins 22,8 millions en 2019. Le budget réalisé présente un écart de 27,76 millions d'euros avec le budget prévu. C'est, là encore, la conséquence de la crise sanitaire : les moindres dépenses, en particulier immobilières, l'ont emporté sur les dépenses imprévues.
Ces moindres dépenses sont de plusieurs ordres. Premièrement, les dépenses d'investissements et immobilières sont naturellement en recul, certains chantiers ayant dû être interrompus et d'autres reportés à plus tard dans l'année ou à 2021. Je pense en particulier à l'opération de remise à niveau des installations techniques de l'hôtel de Lassay, à l'opération de réfection de la couverture de l'hémicycle et de la salle des conférences. Deuxièmement, les frais de transports, de déplacements internationaux et de réception sont en forte diminution, du fait des règles sanitaires en vigueur en 2020. Ainsi, les frais de transport des députés entre leur circonscription et Paris sont en baisse de 35,3 % par rapport à l'année précédente. Les frais supplémentaires, quant à eux, sont les suivants : achat de matériel de protection, mais aussi d'ordinateurs portables, d'outils liés au télétravail et d'outils de visioconférence. Ce surcroît de dépenses est de l'ordre de 1,36 million d'euros, contre 15,263 millions d'économies réalisées en raison des circonstances particulières dues à la pandémie.
Avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport, je souhaiterais faire deux remarques quant à l'exécution du budget de l'Assemblée nationale en 2020. La première, c'est que le report des chantiers va se traduire, en matière d'investissement, par des rattrapages importants dans les prochaines années, face auxquels il faudra être vigilant, car ils pèseront sur le budget. Par ailleurs, il me paraît impératif d'approfondir la réflexion engagée sur la soutenabilité à moyen et long termes du budget de l'Assemblée nationale. Comme vous le savez, sa dotation est inchangée depuis 2012 et s'élève à 517,89 millions d'euros. L'effort de maîtrise des dépenses réalisé depuis plusieurs années présente de bons résultats, mais ne donnera tous ses effets que dans quelques années. Il serait également important de tenir compte des effets de l'inflation dans les budgets des deux assemblées.
J'ai consacré la partie thématique de mon rapport à l'évolution des marchés publics, à l'Assemblée nationale, à la Présidence de la République et au Conseil constitutionnel. Les procédures propres aux marchés publics ont fortement évolué au cours des dernières années, parallèlement au cadre européen – pensons par exemple au nouveau code de la commande publique. Il était pour moi important d'évaluer les pratiques de nos institutions.
L'Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel font partie des 98 % de petits acheteurs publics. Les achats de l'Assemblée nationale représentent moins de 10 % de son budget. De petits acheteurs, certes, mais dont les pratiques d'achat doivent, pour moi, être exemplaires. Ce que j'ai constaté, en interrogeant ces trois institutions, c'est la mise en œuvre d'une modernisation, ces dernières années, de la fonction achats. L'Assemblée nationale et la Présidence de la République ont ainsi recruté des acheteurs publics et revu la procédure utilisée pour gagner en efficacité et dépenser moins.
J'ai constaté aussi un certain nombre de bonnes pratiques, au-delà des marchés publics, qui, pour moi, vont dans la bonne direction. L'Assemblée, l'Élysée et le Conseil constitutionnel ont développé des procédures pour s'adapter aux spécificités des PME et des TPE, dans le respect des règles européennes, et je trouve cela très positif. De plus, les clauses de leurs marchés présentent des critères sociaux et environnementaux. Ces trois institutions passent des commandes à l'Union des groupements d'achats publics pour obtenir des prix de gros. S'il faut faire attention aux prix, ils ne font pas tout. Il faut aussi être attentif à la qualité du service et à l'impact sur l'économie locale.
Je saisis l'occasion de mon rapport pour vous faire part d'un regret : il est difficile voire impossible d'encadrer le recours à la sous-traitance, lors d'un appel d'offres pour un marché public. Même si cela est soumis à l'accord du pouvoir adjudicateur, le lauréat du marché a toute latitude pour indiquer bien plus tard que, pour des raisons diverses, il fera appel à un ou plusieurs sous-traitants. Je regrette que le cadre actuel ne permette pas à une autorité publique de le spécifier dans les clauses du contrat. En effet, dès lors que des sous‑traitants, je pense aux entreprises étrangères, ne sont pas en accord avec notre droit de travail ou nos critères sociaux ou environnementaux, cela crée une distorsion de concurrence. Cela dit, il existe des méthodes pour favoriser l'accès des TPE et PME à la commande publique, notamment en prêtant une grande attention à la façon dont les allotissements sont définis.
J'ai pu constater qu'en 2020 l'Assemblée nationale avait non seulement appliqué les dispositions dérogatoires sur l'exécution des marchés publics pendant la pandémie, que nous avions votées au cours de l'année, mais également fait en sorte d'agir avec bienveillance vis‑à‑vis de ses prestataires, en particulier des PME et TPE.
Que ce soit à l'Assemblée nationale ou à la Présidence de la République, les nouvelles organisations sont toutes récentes. Il conviendra donc de suivre leurs effets au cours des années à venir.