Intervention de Marc Fesneau

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne :

L'ensemble des programmes de la mission Conseil et contrôle de l'État ont effectivement connu une sous-exécution des crédits en 2020, en raison des incidences de la crise sanitaire sur leur schéma d'emploi.

M. Labaronne appelle l'attention du Gouvernement sur la croissance tendancielle importante du contentieux, en particulier celui des étrangers, malgré une année 2020 en recul. Cette tendance pose des difficultés importantes aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel, ainsi qu'à la Cour nationale du droit d'asile. Des efforts ont déjà été consentis depuis le début du quinquennat pour renforcer ces juridictions administratives. La CNDA a bénéficié d'une hausse de 102 emplois en 2018, 127 en 2019 et 59 en 2020, dont une partie sera effective au cours de l'année 2021. Les juridictions administratives ont par ailleurs bénéficié, pour l'année 2021, de la création de 28 ETP supplémentaires, dont 18 sont destinés à la création d'une nouvelle cour administrative d'appel à Toulouse.

L'accroissement des moyens humains s'accompagne, en outre, d'investissements immobiliers indispensables au bon fonctionnement des juridictions. La fin de la crise sanitaire permettra d'en apprécier les effets sur le traitement des contentieux, et de déterminer les effectifs des juridictions administratives dans les années à venir au plus proche des besoins. Le Gouvernement a pris connaissance des propositions du Conseil d'État pour simplifier le contentieux des étrangers ; elles alimentent les réflexions actuelles en ce domaine.

Malgré le contexte de crise, le Conseil économique, social et environnemental a su maintenir son niveau d'activité et permettre le déroulement des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, commencés à l'automne 2019. Le rapporteur spécial s'interroge sur la lisibilité des comptes du CESE, et en particulier sur le recours à l'application Chorus pour assurer le suivi de l'exécution budgétaire. Les questeurs du CESE ont entamé une démarche en vue de la certification des comptes. Dans un futur proche, ils devraient faire l'objet d'une certification par la Cour des comptes ou, à défaut, par un commissaire aux comptes dont le mandat devra être adapté aux spécificités de cette assemblée.

En ce qui concerne Chorus, un travail est en cours avec la direction du budget et les services du Premier ministre afin de définir les modalités d'intégration a posteriori des opérations financières et budgétaires du CESE dans le logiciel, celles-ci étant enregistrées en amont dans le propre système du CESE. En tout état de cause, les opérations sont systématiquement remontées dans les comptes annuels de l'État par la transmission de la balance comptable du CESE aux services du Premier ministre.

J'en viens aux juridictions financières, pour lesquelles l'exécution des crédits fait apparaître un taux de consommation légèrement inférieur aux précédents exercices, témoignant de l'impact de la crise sanitaire sur leurs activités et leurs missions. Cette exécution traduit néanmoins une prévision budgétaire au plus près des besoins effectifs.

Vous m'avez interrogé sur l'impact de la réforme de la fonction publique sur les ressources humaines des juridictions administratives et financières. Celle-ci n'a pas vocation à préempter les discussions budgétaires annuelles entre les juridictions et les services du Premier ministre. Si la réforme va conduire à modifier les règles relatives à leurs flux de recrutement, le Conseil d'État et la Cour des comptes sont associés à l'ensemble du processus, afin de calibrer au mieux les voies de recrutement en fonction de leurs besoins.

J'en viens au thème de contrôle choisi par monsieur Labaronne cette année : l'adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions.

Je tiens à souligner la grande qualité du travail que le Haut Conseil a effectué tout au long de l'année 2020, en rendant sept avis dans des conditions d'urgence très particulières. La sous-consommation de ses crédits de personnel s'explique pour l'essentiel par des difficultés relatives à la prévision des flux d'entrées et de sorties sur un programme à faible effectif. Compte tenu de sa taille réduite en comparaison des institutions budgétaires indépendantes au niveau international, et afin de développer son expertise technique, le HCFP a bénéficié de deux emplois supplémentaires pour l'année 2021, ce qui devrait lui permettre, avec cinq ETP au total, de mener à bien ses travaux dans un contexte économique qui demeure incertain. Le Haut Conseil considère qu'un nouvel accroissement de ses effectifs serait de nature à renforcer ses capacités d'expertise, notamment dans le domaine économique, de l'analyse et de la modélisation.

L'Assemblée nationale pourrait être saisie prochainement d'une proposition de loi organique déposée par le président de votre commission et le rapporteur général, visant notamment à étendre les missions du HCFP. Si la réforme aboutit, le Gouvernement et le Parlement seraient bien entendu amenés à évaluer le montant des crédits et le plafond d'emplois du programme nécessaires pour assurer une éventuelle extension des compétences du Haut Conseil.

M. Labaronne m'interroge plus particulièrement sur la position du Gouvernement concernant les missions du HCFP. Sous réserve des observations que ne manquera pas de formuler le Conseil d'État, saisi de cette question, le Gouvernement est dans l'ensemble favorable aux évolutions proposées concernant les prérogatives du HCFP. L'examen de la proposition de loi organique sera l'occasion d'en préciser la portée.

S'agissant de la mission Pouvoirs publics, vous connaissez la règle qui m'interdit de m'exprimer sur le budget des assemblées, à laquelle je me tiens chaque année. Je m'abstiendrai donc de tout commentaire sur l'exécution de leur budget en 2020 ainsi que sur les règles applicables en matière de commande publique. Je souligne toutefois la capacité d'adaptation des deux assemblées pour répondre à la crise sanitaire et poursuivre leurs travaux.

L'année écoulée a été particulièrement singulière s'agissant du budget de la Présidence de la République. Celui-ci reflétait, en loi de finances initiale, l'effort d'investissement commencé au début du quinquennat en matière de sécurité et de rénovation des bâtiments mis à la disposition des services de la Présidence de la République. La crise sanitaire a eu un impact significatif sur l'exécution des crédits de ce programme, qui sont pour partie fonction de l'agenda présidentiel et du rythme de ses réceptions et visites officielles. Les crédits affectés à ses déplacements ont ainsi diminué de 55,3 % en autorisations d'engagement par rapport à 2019, soit 6,99 millions d'euros, notamment du fait d'une activité internationale très réduite. Les dépenses liées aux prestations de l'escadron de transport 60 ont été divisées par deux, soit 2,6 millions d'euros pour l'année 2020.

Les économies réalisées en cours de gestion ont été redéployées afin d'accélérer le calendrier des investissements indispensables à la sécurisation et à la modernisation de l'Élysée. Près de 11 millions d'euros ont été investis en crédits de paiement au cours de l'année 2020, avec plus de 4,24 millions dans des projets numériques et 3,64 millions dans des projets immobiliers, soit plus de deux fois les montants investis et engagés au cours de l'année 2019.

M. Naegelen m'interroge sur l'opportunité de redéployer des crédits non consommés de la Présidence de la République vers des dépenses d'investissement, au lieu de réduire ses dépenses totales. L'exercice 2020 a bien conduit à réduire les dépenses du programme, puisque les économies réalisées et les réformes d'organisation ont permis de ne pas recourir au prélèvement sur trésorerie de 4 millions d'euros qui avait été inscrit en loi de finances. Dans le même temps, et conformément à la priorité donnée à l'investissement dans la loi de finances initiale, l'exécution du budget a conforté cette tendance tout en maîtrisant les autres postes de dépenses et en veillant à ce que la gestion dégage 230 000 euros d'excédent budgétaire. Par le passé, on a reproché à l'Élysée et d'autres administrations de considérer les crédits d'investissement comme une variable d'ajustement budgétaire, ce qui a pu conduire à accumuler des retards importants en matière de sécurité et de rénovation des bâtiments. L'exercice 2020 place, au contraire, ces efforts indispensables au premier plan.

L'exécution des crédits du Conseil constitutionnel s'inscrit dans la continuité de l'année 2019, mais subit les effets de la crise sanitaire, à l'inverse des autres pouvoirs publics. Le Conseil constitutionnel fait face à d'importantes dépenses d'investissement afin de sécuriser son système informatique dans la perspective des opérations de contrôle de l'élection présidentielle de 2022. Il a, en outre, été contraint de déplacer sa salle d'audience publique, trop exiguë, afin de permettre la distanciation physique entre les participants tout en maintenant la captation audiovisuelle, dans le grand salon du Conseil.

La loi de finances initiale l'avait doté d'un budget de 12,5 millions d'euros, qui comprenait une dotation de 250 000 euros pour les frais engagés en lien avec la procédure de référendum d'initiative partagée. L'exécution a été supérieure aux prévisions et s'établit à 13,1 millions d'euros dont 3,4 millions de frais de fonctionnement, soit une fois et demie la prévision en loi de finances initiale. Ce surcoût, financé par un prélèvement sur le fonds de roulement, a permis de maintenir une forte activité du Conseil constitutionnel tout au long de l'année, puisqu'il a été amené à se prononcer, dans des délais très resserrés, sur de nombreuses questions liées à la crise sanitaire.

M. Naegelen consacre la partie thématique de son rapport spécial aux marchés publics. Nous nous réjouissons que différentes institutions, comme la Présidence de la République, puissent avoir recours à l'Union des groupements d'achats publics pour certaines prestations et fournitures, afin d'en mutualiser les coûts fixes.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur le recours aux petites entreprises dans le cadre des commandes publiques. Si le droit européen encadre strictement ce domaine et ne permet pas aisément de favoriser les TPE et PME, celles-ci ont toute leur place dans l'exécution des marchés des pouvoirs publics, qui s'inscrivent dans une démarche d'achat responsable. Selon l'Élysée, 70 % de ses prestataires relèvent de cette catégorie, en raison du recours à la pratique d'allotissements adaptés. Le Conseil constitutionnel estime que les TPE et PME représentent la quasi-totalité de ses prestataires. En outre, l'inclusion de critères sociaux et environnementaux, notamment en ce qui concerne le restaurant de la Présidence de la République et la gestion de ses déchets, permet aux pouvoirs publics de contribuer à l'exemplarité de la France en matière d'achats responsables.

Comme l'ensemble du budget 2020, la mission Direction de l'action du Gouvernement a subi les conséquences de la crise sanitaire. De plus, elle a dû prendre en charge un changement de Gouvernement.

Concernant le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, la consommation des crédits est restée dans l'ensemble maîtrisée. La diminution de certaines dépenses, par exemple celles liées aux déplacements du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et du secrétariat général des affaires européennes, a permis de compenser les mesures logistiques d'adaptation à la situation sanitaire.

Le reste à payer du programme 129, qui a crû de 50 millions d'euros en 2020, s'explique aisément par l'opération d'achat de 50 000 ordinateurs par la direction interministérielle du numérique, pour laquelle le programme sera intégralement remboursé par des transferts de crédits, et par le renouvellement du bail des locaux de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information à la Tour Mercure pour six ans.

Mme Dalloz remarque cependant que la crise a eu un impact significatif sur les crédits du service d'information du Gouvernement et s'interroge sur les raisons qui ont conduit à cette situation. Les dépenses du SIG ont, en effet, été supérieures de 14 millions d'euros en crédits de paiement à la prévision en loi de finances, mais cette sur-consommation est uniquement liée à la gestion de la crise sanitaire. Celle-ci représente 18 millions d'euros sur le total de 34 millions de dépenses. Ainsi, 8,65 millions ont été consacrés à la mise en place d'un numéro vert accessible à toute heure de mars à juin. Puis des supports de communication ont été élaborés lors des différentes phases de confinement et déconfinement, pour des montants de 2,7 millions d'euros de création et de 5,35 millions d'euros de diffusion.

Des éléments précis justifiant le montant que représentent les sondages, la communication et la veille médiatique et numérique du SIG vous ont déjà été transmis. Il s'agit de marchés passés par le SIG depuis 2007, afin de mettre en place des outils permettant de guider l'ensemble des ministères, pour les aider à répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Quant aux campagnes de communications, elles ont permis de mettre en œuvre les mesures nécessaires face à la crise sanitaire. À titre d'exemple, la diffusion de la campagne « Tester-Alerter-Protéger » a représenté un coût de 1,1 million d'euros.

Comme l'a souligné votre rapporteure spéciale, le programme 129 a également supporté un changement de Gouvernement, qui s'est accompagné d'un accroissement des effectifs des cabinets ministériels. Si elle a entraîné une sur-exécution du schéma d'emplois, cette volonté de renforcer les moyens du Gouvernement est liée à la nécessité de maintenir le rythme des réformes et de suivre leur mise en œuvre dans cette période de crise qui mobilise l'ensemble des ministères. Elle répond également à la volonté exprimée par le Premier ministre dans son discours de politique générale que chaque cabinet dispose, à temps plein, d'un conseiller parlementaire et d'un conseiller chargé des relations avec les élus locaux, afin de renforcer les liens avec la représentation nationale et les territoires.

Conformément aux annonces faites pendant l'examen du PLF 2021, la hausse du nombre de conseillers ministériels comprise dans le champ du programme 129 se limite à quatorze ETP supplémentaires, et quinze ETP pour le personnel de soutien au 1er janvier 2021, auxquels s'ajoutent six ETP pour la mise en place du Haut-Commissariat au plan. La consommation du plafond d'emplois reste très inférieure au plafond autorisé en loi de finances initiale.

Mme Dalloz est également revenue sur les difficultés de lisibilité posées, comme chaque année, par les transferts sortants du SGDSN en cours de gestion. Ils expliquent les écarts constatés sur l'action 2 Coordination de la sécurité et de la défense. Cette pratique est néanmoins inhérente au rôle de coordination interministérielle du SGDSN, qui oriente les choix d'équipements des ministères en lien avec le cabinet du Premier ministre.

De la même façon, votre rapporteure spéciale regrette l'absence d'inscription en loi de finances initiale des frais de déplacements du Premier ministre, notamment de ceux liés au recours à l'escadron de transport 60. Si ces frais sont facturés au Premier ministre depuis le 1er janvier 2010, à la demande de vos prédécesseurs, ils sont traditionnellement financés par le dégel partiel de la réserve de précaution du programme, compte tenu de leur caractère aléatoire. Le montant de ces vols a oscillé entre un et 4 millions d'euros ces dernières années ; ils peuvent donc être considérés comme des aléas de gestion et prélevés sur la réserve prévue pour de tels cas.

Les recommandations de votre commission ont porté leurs fruits s'agissant de la mesure de la performance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Mme Dalloz considère, à juste titre, que la mesure du nombre de visites annuelles ne permet pas de refléter l'efficience du CGLPL, et que la taille des établissements visités devait entrer en considération. En vue de la préparation du PLF 2022, le projet annuel de performances intégrera un indice pondéré. Les brigades de gendarmeries seront pondérées à 0,3, les locaux de garde à vue des commissariats à 0,5, et les autres lieux de privation de liberté tels que les centres de rétention administrative, établissements pénitentiaires ou centres hospitaliers vaudront 1. Pour ces deux derniers types d'établissements, le coefficient sera majoré d'une unité par tranche de cent places, dans la limite de dix unités. Je pense que cette modification répondra à votre demande.

L'exécution budgétaire des autres autorités administratives indépendantes qui relèvent du programme 308 n'a pas subi d'impact significatif de la crise sanitaire, excepté le report de certains projets structurants. Les économies réalisées sur les déplacements ou l'organisation d'événements ont le plus souvent été redéployées pour permettre l'équipement informatique et sanitaire des agents.

Enfin, le budget annexe Publications officielles et information administrative demeure excédentaire de 38 millions d'euros, malgré l'impact important de la crise sur ses recettes et son activité en 2020. Le montant de cet excédent, malgré la crise qui a entraîné une forte baisse des recettes, s'explique par les importants efforts de réduction des effectifs, avec notamment dix-sept départs en 2020 contre quatre prévus en LFI, et près de 5 millions d'économies de fonctionnement courant par rapport à 2019.

Le régime de départ volontaire des agents de la DILA s'appliquera jusqu'à 2024 à des agents ayant au moins 56 ans, avec une rémunération dégressive. Ce plan est un levier essentiel pour la transformation de la DILA vers le numérique, en permettant aux agents dont le métier subissait de trop grandes transformations de partir dans de bonnes conditions. Au total, 129 d'entre eux ont bénéficié des deux plans de départ, permettant de générer des économies de 43 millions d'euros, pour un coût de 15 millions entre 2015 et 2020.

Votre rapporteure spéciale, à la suite de la Cour des comptes, s'interroge sur la pertinence de maintenir un budget annexe au lieu de réintégrer ces dépenses au budget général. La DILA et la direction du budget ne sont pas de cet avis et considèrent que le budget annexe se conforme aux principes de la loi organique relative aux lois de finances et permet de dégager d'importants excédents, tout en fournissant un service gratuit à l'ensemble de nos concitoyens.

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