Si Barbara Pompili participe pour la troisième fois au Printemps de l'évaluation, c'est pour moi la première fois, ainsi d'ailleurs que pour le ministère de la mer, créé en juillet 2020, conformément à la volonté du Président de la République d'amplifier notre stratégie maritime. Ce ministère a été mis en place au sein d'un paysage gouvernemental, institutionnel et budgétaire existant, ce qui donne du sens à ma présence, ici, au côté de Barbara Pompili : nous travaillons ensemble sur de nombreux dossiers, qu'il s'agisse de protection du littoral, d'énergies renouvelables en mer, de préservation du milieu marin ou de conduite des politiques en matière de transport.
S'agissant du volet budgétaire, je m'appuie sur le programme 205 Affaires maritimes, intégré à la mission Écologie, développement et mobilités durables. Je suis également les crédits du programme 149 dédié à la pêche et à l'aquaculture, rattaché à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. J'ai clairement la volonté d'ancrer le ministère de la mer et d'en faire une autorité politique porteuse d'une stratégie maritime pleinement intégrée, coordonnée, ambitieuse, répondant aux défis économiques et écologiques du XXIe siècle.
Pour ce faire, nous nous employons à la création d'une direction générale de la mer. Barbara Pompili, Julien Denormandie, Jean-Baptiste Djebbari et moi-même avons confié à MM. Coquil et Banel une mission dont le résultat envisage plusieurs scénarios. Cette direction générale de la mer verra le jour le 1er janvier 2022.
Nous avons été trop longtemps une puissance maritime qui s'ignorait. Le Président de la République souhaite donner à la France les moyens de mieux rayonner dans le domaine maritime par la recherche marine, l'exploration des grands fonds, l'industrie navale, le transport maritime. Il importe que nous œuvrions tous ensemble en faveur de ces questions. Je suis convaincue qu'une stratégie portuaire, par exemple, n'a de cohérence qu'en prenant en compte l'ensemble du système portuaire national, outil stratégique pour les territoires et pour la France. Le yachting ou la plaisance sont d'autres sources de richesse économique dont l'État doit accompagner le développement et la transition écologique.
Les territoires maritimes français ont des stratégies diverses, adaptées à leur histoire et à leurs ambitions. M. le rapporteur spécial évoquait les outre-mer. La France gère effectivement une étendue maritime dans trois océans ; nous devons compléter notre feuille de route.
Le programme 205 reste structurant et joue un rôle essentiel pour le secteur. Il est le support des missions régaliennes telles que la sécurité des navires et la maîtrise de leur impact environnemental, ainsi que la signalisation maritime. Il finance l'enseignement, par la tutelle de douze lycées professionnels maritimes et de l'École nationale supérieure maritime. Il soutient la flotte de commerce à travers les exonérations de charges des armateurs soumis à la concurrence internationale, finance les moyens humains et matériels pour le contrôle des activités maritimes et coordonne les actions liées à la planification en mer.
Ce programme n'offre toutefois aucune marge de manœuvre au ministère de la mer. Son exécution démontre une tension des moyens. Son taux de consommation en 2020 est très élevé, malgré la crise sanitaire : 97,6 % de ses crédits de paiement, soit 155 millions d'euros, ce qui est comparable à 2019. Les principaux postes de dépense en 2020 ont concerné les projets de modernisation des affaires maritimes, dans le cadre du programme Affaires maritimes 2022, et les compensations au régime de sécurité sociale des exonérations de charges accordées aux armateurs.
Le programme Affaires maritimes 2022, lissé sur cinq ans, bénéficie d'un montant annuel variant entre 6 et 7 millions d'euros. Pour 2020, il s'élève à 6,9 millions et concerne, pour l'essentiel, l'acquisition d'un patrouilleur d'occasion destiné au contrôle des pêches et de l'environnement marin dans la Manche, le paiement du patrouilleur Méditerranée, acquis en 2019, et l'approfondissement des travaux sur notre logiciel SEAMIS, dédié à la surveillance du trafic maritime.
Un cofinancement du Fonds pour la transformation de l'action publique, à hauteur d'un million d'euros, a permis d'entreprendre la mise en œuvre de techniques d'intelligence artificielle dans plusieurs projets sous la responsabilité de la direction des affaires maritimes. Je pense notamment au Early Warning System, qui permettra aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) d'exercer une surveillance de la navigation maritime dans l'ensemble des eaux françaises de manière proactive et efficiente.
Les compensations d'exonérations de charges accordées aux armateurs représentent une ligne importante – 70 millions d'euros en 2020 –, qui sous-tend une politique volontariste de soutien à l'emploi et au pavillon français. L'an passé, nous avons constaté une sous-exécution liée à la crise sanitaire, de l'ordre de 9 millions d'euros. Ces crédits ont pu être conservés et redéployés pour soutenir en priorité les investissements. Nous avons également pu absorber les surcoûts liés à la gestion de la crise au sein des lycées professionnels maritimes et de l'École nationale supérieure maritime.
L'action 03 du programme, consacrée aux exonérations visant à soutenir les armateurs, a été dotée de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans la quatrième loi de finances rectificative. Cette somme a été reportée en 2021 pour le financement de l'aide exceptionnelle décidée par le Premier ministre pour remédier aux difficultés des ferries, dans la Manche comme en Méditerranée, liées à la crise du covid-19. Le décret est paru le 14 mai.
L'année 2020 aura été marquée par la mise en œuvre d'un plan de relance national et européen inédit de 650 millions d'euros mobilisables pour la filière maritime, afin de mener des actions de soutien et de développement.
Il fallait s'engager dans l'analyse des carburants maritimes. Vous vous réjouissez du résultat, moi aussi. En 2020, les centres de sécurité des navires ont conduit 456 inspections relatives à la teneur en soufre des combustibles et procédé à 130 analyses d'échantillons. Aucune infraction n'a été transmise à la justice.
Le Gouvernement a accentué l'effort en faveur des charges portuaires régaliennes, puisque 100 % des dépenses de dragage, soit 90 millions d'euros, sont couvertes. La prise en compte que vous indiquiez représenterait 112 millions d'euros. Cela pose la question du modèle économique des ports. Je reste persuadée qu'ils doivent être capables de diversifier leurs revenus, composés des droits de port et de la gestion du foncier, et de faire face à la fin de la rente pétrolière pour se tourner vers de nouvelles activités à forte valeur ajoutée. Nous les soutenons dans ces orientations. Faire de la transition écologique un levier de développement économique pour les ports est bien notre objectif.
Quant aux exonérations de charges après 2021, elles font l'objet de la deuxième étape du Fontenoy du maritime. Je rappelle que la première consistait en une large consultation de tous les acteurs et en plus de 1 200 consultations en ligne. Pour la deuxième phase, trois groupes de travail interministériels ont été créés : le premier, piloté par Marie-Françoise Simon-Rovetto, sur les mesures liées au financement de la flotte et de la transition énergétique ; le deuxième, piloté par Jean-François Jouffray, sur les mesures relatives au volet social et la compétitivité de nos marins et de notre pavillon ; le troisième, piloté par Frédéric Moncany de Saint-Aignan, au sujet du rapprochement entre les armateurs et l'écosystème industriel et portuaire. Après les arbitrages interministériels, le résultat de ce travail sera présenté au comité interministériel de la mer (CIMER) de juillet.
Je citerai quelques exemples de mesures en cours d'étude : amélioration du dispositif de défiscalisation des navires ou des équipements ; mise en place d'un fonds de garantie visant à préserver l'investissement des banques en matière maritime ; mise en place d'une stratégie de conquête pour l'École nationale supérieure maritime ; politique de soutien ciblée sur la compétitivité par un élargissement des exonérations de charges, sinon pérenne, du moins pour les cinq prochaines années ; élargissement du bassin d'emploi des marins français et promotion à l'international de nos dispositifs.
La dynamique a été lancée dès mon arrivée. Avec l'aide de tous mes collègues, nous pourrons proposer au Président de la République et au Premier ministre des résultats pour l'année 2022.