Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 16h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Après l'examen du projet de loi de finances pour 2021, l'automne dernier, je suis heureuse de poursuivre nos échanges à l'occasion du Printemps de l'évaluation, qui me permettra de revenir sur l'exécution budgétaire de l'année 2020.

Après les transports, j'évoquerai de manière détaillée l'énergie et les risques, deux chantiers majeurs de la transformation profonde de notre pays dont mon ministère a la charge pour rendre la France plus résiliente et relever la tête, après la crise, en nous mettant en ordre de bataille devant ce siècle perturbé à tout point de vue.

Oui, les crédits de mon ministère sont des crédits pour le présent et pour l'avenir, pour protéger aujourd'hui nos concitoyens contre les risques naturels et technologiques et préparer un autre avenir que celui décrit par des prévisions scientifiques que nul ne peut plus ignorer.

C'est bien ma responsabilité de ministre d'être sur tous les fronts, toutes les temporalités. Aujourd'hui face aux simples inondations, aux sécheresses ou aux canicules qui tuent et détruisent, face à la crise économique et sociale qui casse ; demain face au plus grand défi que l'humanité a jamais eu à relever en commun.

Pour mon ministère comme pour le reste de l'action publique, l'année budgétaire est sans précédent à tout point de vue. Je le disais il y a quelques jours devant vos collègues du Sénat : je ne crois pas qu'on ait vu, de mémoire de comptable public, quoi que ce soit qui s'en approche. Oui, dès les premières minutes de cette crise inédite et sidérante, l'État a répondu présent. À circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels mais, et j'en suis fière, jamais dans la tempête nous n'avons perdu de vue le cap ni n'avons renoncé à notre ambition de transformation écologique de la France.

Pour faire face à ses responsabilités, mon ministère a consacré 53,2 milliards d'euros sous forme de dépenses pilotables, en intégrant l'ensemble des moyens dédiés à la transition écologique, aux mobilités et au logement.

Nous avons notamment consacré, à périmètre constant, 5 835 millions d'euros aux charges de service public de l'énergie, essentiellement des énergies renouvelables, soit 972 millions d'euros ou 20 % de plus qu'en 2019, 2 828 millions d'euros en faveur des autres politiques de l'énergie et du climat, soit 171 millions d'euros ou 6 % d'augmentation, 190 millions d'euros en faveur de l'eau et de la biodiversité, soit une hausse des crédits de 31 millions d'euros, ou 20 % d'augmentation.

Monsieur Coquerel, je confirme la hausse de ces programmes. S'il y a eu sous-exécution du programme 113, c'était pour payer les copropriétaires de l'immeuble Le Signal, en janvier – il y a eu un report.

Grâce à ces crédits, au courage, à l'engagement et au sens du service public des femmes et des hommes qui ont fait de l'écologie leur carrière, tout au long de l'année, nous avons gardé le pays debout. C'est moins visible et extraordinaire que d'autres mesures, mais l'eau est arrivée au robinet, les déchets ont été ramassés, l'énergie a continué à être produite. Tout au long de la crise, les agents de mon ministère ont veillé à la protection des Françaises et des Français. Voilà à quoi sert concrètement l'argent des Français et ils peuvent en être fiers.

Le budget de mon ministère, c'est d'abord et avant tout un budget de combat, un budget pour l'écologie et la solidarité, les deux étant liés.

La solidarité écologique, c'est le chèque énergie, qui bénéficie à plus de 5,5 millions de Français et les aide à payer leurs factures. La solidarité écologique, c'est le coup de pouce vélo, qui a remis en selle plusieurs millions de nos concitoyens. La solidarité écologique, ce sont près de 4 milliards d'euros ouverts en cours d'année pour accompagner les ménages dans la transition écologique en suscitant la demande.

Je prendrai pour dernier exemple la rénovation. Avec MaPrimeRénov', tous nos concitoyens, où qu'ils vivent, peuvent engager la rénovation de leurs logements pour les rendre plus économes, plus écologiques, plus agréables à vivre pour eux-mêmes et pour la planète. C'est un immense succès : plus de 190 000 dossiers ont été déposés la première année et déjà plus de 300 000 supplémentaires cette année.

Concernant la fin du chauffage au fioul, la décarbonation des moyens de chauffage est un enjeu clé pour l'atteinte de nos objectifs climatiques, dans la perspective d'un couplage de l'amélioration de la performance de l'enveloppe des bâtiments, visant à la fois une action rapide et déterminée, et d'un accompagnement technique et financier des ménages, en particulier les plus modestes. Grâce aux coups de pouce certificats d'économies d'énergie et aux aides publiques, l'État a fortement renforcé les aides au changement de chaudière au fioul par des moyens écologiquement et économiquement performants. Je suis convaincue que l'interdiction de nouvelles chaudières au fioul est une action non seulement capitale mais proportionnée ; elle est en outre combinée avec un accompagnement important.

Cette politique a été définie avant tout au regard de paramètres sociologiques. L'énergie fioul est l'une des plus chères ; elle est donc créatrice de précarité énergétique. La politique visant à sortir du fioul est avant tout incitative. La prime Coup de pouce chauffage au fioul est plus importante pour les ménages modestes et elle se cumule à MaPrimeRénov'. Pour les ménages modestes, ce sont des aides de 8 000 euros pour une prime à la conversion ou de 12 000 euros pour une chaudière à granulés de bois. Dans certains cas, l'investissement résiduel est moins important que celui lié à l'achat d'une chaudière au fioul neuve. De plus, les économies en fonctionnement améliorent l'équation. En complément, les espaces conseil FAIRE apportent un soutien renforcé aux ménages sur tout le territoire.

En retrait régulier depuis plusieurs années, le fioul chauffe encore 3,25 millions de logements, dont 1,23 million en zone hors gaz, soit environ 3,9 % de la population française. Les coups de pouce certificats d'économies d'énergie, dont vous avez beaucoup parlé, et les aides publiques ont permis à l'État de renforcer nettement les aides au changement de chaudière au fioul par des moyens écologiquement et économiquement performants. En termes d'efficacité, grâce aux seuls coups de pouce certificats d'économie d'énergie, sur vingt-huit mois, depuis janvier 2019, 242 000 changements de chaudière ont été accompagnés. Après un creux au printemps 2020 lié à la crise du covid-19, le rythme est de 10 000 changements de chaudière par mois. Les analyses géographiques montrent sans ambiguïté que les territoires ruraux mobilisent très bien ces aides. Nous vous avons déjà fourni des cartes, mais, si vous le souhaitez, nous vous procurerons une actualisation. Toutes les solutions de remplacement sont mobilisées : 78 % de pompes à chaleur, 12 % de gaz et 9 % de biomasse.

L'interdiction des nouvelles chaudières au fioul est une action à la fois capitale, proportionnée et combinée à un accompagnement important. La rédaction du projet de décret a été l'objet d'une large concertation avec les acteurs de la filière de chauffage. Le décret sera transmis très prochainement au Conseil d'État et il entrera en vigueur mi-2022, tant pour les bâtiments neufs que pour les bâtiments existants. Il prévoit des possibilités de dérogation : il peut y avoir des difficultés, des impossibilités techniques ou des coûts excessifs. Bien évidemment, cela n'interdira pas la réparation des installations existantes. Dans cette période où circulent beaucoup de fausses informations, je rappelle que nous ne demandons à personne de changer prématurément sa chaudière. Les chaudières au fioul pourront continuer à être utilisées tant qu'elles fonctionnent ; elles pourront également être réparées. Quand elles seront arrivées en fin de vie, en revanche, il faudra les remplacer par une chaudière d'un autre type.

L'objectif d'éradication du fioul en dix ans est atteignable. Au plus, 3,25 millions de logements devront changer de chaudière, en particulier près de 1,3 million en zone hors gaz. Il s'agit d'une hypothèse maximisante en termes de rythme de changement et de nombre de chaudières à changer, dans la mesure où l'interdiction porterait sur la vente de chaudières neuves et non sur la réparation des chaudières existantes. Au rythme de 10 000 changements par mois, au regard des seuls coups de pouce certificats d'économie d'énergie, il y a certes un besoin d'accélération mais il n'est pas gigantesque. L'objectif semble donc globalement atteignable, tant en termes de montée en puissance que de faisabilité économique pour les ménages les plus modestes, lesquels font l'objet d'un soutien renforcé.

Je rappelle que les certificats d'économies d'énergie ne relèvent pas de la dépense publique. On ne rebudgétise pas de la dépense privée. C'est un marché conçu pour que les obligés trouvent des gisements d'économies d'énergie. C'est pourquoi les certificats ne sont pas traités de la même manière que les mesures budgétaires.

J'ai parlé de budget de combat, c'est particulièrement vrai en matière d'énergie. Nous avons augmenté le budget dédié aux énergies renouvelables de 462 millions d'euros en 2020 par rapport à la loi de finances et même de 972 millions par rapport à 2019. En 2021, l'augmentation sera historique : 1,3 milliard d'euros, soit 25 % supplémentaires. Cela représente bien davantage qu'un simple chiffre : ce sont des éoliennes, des panneaux photovoltaïques qui sont installés – c'est l'amplification et l'accélération de la transition énergétique du pays.

Cela passe par l'adoption des grandes trajectoires et du cadre d'action que sont la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie et la nouvelle stratégie nationale bas-carbone. De ce point de vue non plus, la crise ne nous a pas détournés de notre cap.

Ce budget de l'énergie est bien celui de la diversification de notre mix électrique, pour accélérer sa décarbonation et nous rendre résilients. C'est au nom de ces deux impératifs de salut public que nous avons fait le choix de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2035.

En 2020, deux réacteurs ont été fermés à Fessenheim. Cela fait date, parce que nous savions bien qu'il faudrait un jour s'occuper du démantèlement du parc historique en fin de vie, mais ce n'était encore que du papier. Je sais tout ce que cette fermeture emporte de conséquences pour le territoire, pour les femmes et les hommes qui ont donné un bout de leur carrière et de leur vie à ces deux réacteurs. Nous leur devons un avenir loin du chaos économique et social que certains prédisent, parce que ce territoire ne se résume pas au nucléaire. C'est pourquoi, et j'en suis fière, l'État est aussi au rendez-vous sur ce terrain pour dynamiser l'économie du territoire, en soutenant à hauteur de 20 millions d'euros le projet de technocentre d'EDF et en augmentant de 50 % les crédits du fonds d'amorçage destiné au soutien des projets de création d'activité et d'emploi.

Dans la grande transformation de notre énergie que nous conduisons, sans équivalent depuis l'invention de la machine à vapeur, nous pouvons aussi compter sur le plan de relance. Je veux le souligner à l'occasion de ce troisième Printemps de l'évaluation : le plan de relance est une petite révolution budgétaire, car jamais aucun Gouvernement n'avait fait le choix de l'écologie pour sortir d'une crise aussi violente. Pour la première fois, dans notre pays, 30 milliards d'euros ont été spécifiquement dédiés à la transition que je promeus, en plus de mon budget et sans coup de rabot. Par ces 30 milliards d'euros pour le verdissement de notre économie, pour la transformation de l'ADN du pays, nous faisons le choix de l'avenir, évidemment le seul qui vaille.

Les premières mesures ont été engagées dès 2020 pour répondre à l'urgence écologique comme à l'urgence économique, notamment par les aides à l'acquisition de véhicules moins polluants, avec 625 millions d'euros supplémentaires ouverts en 2020 le soutien à la SNCF, d'un montant de 4 milliards d'euros dès 2020, et la désignation, en décembre dernier, des premiers lauréats d'appels à projets pour décarboner l'industrie ou rénover les bâtiments de l'État, à raison de 2,7 milliards d'euros. Les choses avancent donc. Les appels à projets d'écosystèmes territoriaux hydrogène de l'Agence de la transition écologique (ADEME) remportent un franc succès.

Tout au long de l'année 2020, mon ministère a poursuivi sa tâche de transformation. Parmi ses prérogatives, il a la lourde responsabilité de prévenir les risques pesant sur nos concitoyens, à commencer par ceux qui sont liés aux produits de notre technologie. Je pense à la pollution au plastique, dont nous ingérons tous en moyenne 5 grammes par semaine, soit l'équivalent d'une carte bleue. Grâce à la loi antigaspillage, notre pays est dans la bonne voie pour s'en sortir. Je pense aussi à la pollution de l'air, qui tue chaque année près de 50 000 de nos concitoyens, bilan humain intolérable pour une société qui se prétend avancée, auquel je ne saurais me résoudre. Nous mettrons en place trente zones à faibles émissions (ZFE) qui protégeront la santé de millions de Françaises et de Français.

Parler de la prévention des risques, pour la ministre que je suis, c'est regarder en face l'après-Lubrizol et en tirer toutes les leçons. C'est pourquoi j'ai présenté un plan d'action visant à améliorer notre dispositif autour de trois axes majeurs.

Le premier a trait à la culture du risque, que celui-ci soit technologique ou naturel. Notre pays a besoin de faire naître et essaimer une vraie culture du risque. Plus que d'autres pays, la France manque encore trop de cette conscience et de ces réflexes. Tous les acteurs doivent être préparés au risque, non pas pour le nier, l'oublier ou vivre dans la terreur, mais pour être prêts et ainsi sauver des vies.

Le second axe d'amélioration, c'est la transparence de l'action publique, pour les contrôles comme pour le suivi au long cours. Nos concitoyens l'exigent et ils ont raison. Dès le 1er janvier prochain, l'inspection des installations classées publiera systématiquement ses rapports.

Le troisième axe concerne notre présence sur le terrain, afin d'assurer aux riverains et aux territoires le plus haut niveau de sécurité possible. Les règles n'ont de sens que si elles sont bien mises en œuvre. C'est la mission de l'État d'être ce gendarme vigilant et exigeant. C'est pourquoi je me suis personnellement engagée à double titre : d'une part, pour augmenter de 50 % le nombre des contrôles sur le terrain et, d'autre part, pour créer enfin un bureau d'enquêtes et d'analyses sur les accidents, à l'instar de ce qui existe pour l'aviation.

Malheureusement, les risques qui pèsent sur la vie et la santé de nos concitoyens sont liés aussi au changement climatique. Inondations, tempêtes et sécheresses se font déjà plus intenses, plus violentes, plus imprévisibles et plus meurtrières. Après la catastrophe de la vallée de la Roya, dévastée comme après un bombardement, personne ne peut plus fermer les yeux. C'est notre responsabilité politique et morale devant la nation et devant les Français de tout faire pour les protéger de ces risques croissants et d'être toujours à leurs côtés.

C'est pourquoi, dans les Alpes-Maritimes, nous allons racheter, sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, les biens situés dans les zones jugées trop dangereuses et ceux qui sont trop durement touchés, et financer la reconstruction d'habitations plus résilientes. Les dispositifs que vous avez votés l'année dernière en loi de finances le permettent. Notre première estimation indique un coût de l'ordre de 120 millions d'euros pour le fonds Barnier et pour les assureurs. Elle pourra être affinée au fil de la réalisation des diagnostics.

En outre, pour mieux prévenir les risques naturels – sécheresses et inondations –, nous avons remplacé le supercalculateur de Météo-France.

Madame Battistel, le nombre de bénéficiaires du chèque énergie va passer de 5,5 millions en 2020 à 5,8 millions en 2021. La loi ASAP l'élargit à tous les bénéficiaires en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qu'ils soient ou non conventionnés au titre de l'aide personnalisée au logement (APL). Près de la moitié des EHPAD n'étaient pas concernés. Cela concerne 1 100 EHPAD, établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), établissements de soins de longue durée (ESLD) et résidences autonomes.

Concernant l'ARENH, la modification du plafond au-delà de 100 térawattheures requiert un accord de la Commission européenne, car ce paramètre, ainsi que le prix actuel de 42 euros le mégawattheure, est encadré par la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012.

Les négociations plus larges avec la Commission relatives à l'ARENH et à la réorganisation d'EDF se poursuivent afin de construire le futur mécanisme de régulation du parc électronucléaire. C'est notre priorité ; nous nous y engageons pleinement. La question d'un relèvement se posera en fonction de l'issue de ces négociations ou de la future régulation. Nous avançons le plus vite possible.

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