En tant que rapporteur spécial d'une partie de la mission Cohésion des territoires, il m'appartient d'examiner les crédits de trois programmes, qui financent l'hébergement, les aides au logement et l'urbanisme.
La crise sanitaire a été un vrai défi pour la politique publique de l'hébergement d'urgence : des mesures fortes ont été prises pour garantir la mise à l'abri des personnes vulnérables. Outre le report de la trêve hivernale – qu'il convient de saluer – qui s'est accompagné du maintien des places temporaires ouvertes pendant l'hiver, des places dans des centres spécialisés pour accueillir des personnes sans abri atteintes de forme légère de la covid-19 ont été ouvertes sur l'ensemble du territoire national, et des chèques alimentaires ont été distribués.
Ces mesures d'urgence ont nécessité l'ouverture de 449 millions d'euros supplémentaires : 200 millions dès la troisième loi de finances rectificative (LFR) et 249 millions dans la LFR de fin de gestion.
Je salue l'engagement de l'ensemble des acteurs qui ont assuré la continuité de leurs missions dans un contexte très dégradé. Il est cependant regrettable que la réserve de précaution n'ait pas été levée avant octobre, alors même qu'une demande avait été formulée dès le 3 avril par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).
La mise en œuvre du plan Logement d'abord, qui doit accélérer la sortie des dispositifs d'urgence des personnes sans abri vers le logement, a été peu freinée par la crise sanitaire, à l'exception notable du nombre de places ouvertes en pension de famille.
S'agissant des aides au logement, après 2018 et 2019, l'année 2020 a été marquée par un nouveau report de la réforme du mode de calcul pour leur attribution. Alors que tout était prêt pour un basculement en avril 2020, il a été décidé de ne pas procéder à un tel bouleversement pendant la crise sanitaire, ce que je salue. Les guichets des caisses d'allocations familiales (CAF) ayant été fermés pendant le premier confinement, les bénéficiaires auraient eu plus de difficultés à comprendre les changements opérés par la réforme.
Cette réforme est plus juste pour les bénéficiaires, qui recevront des aides proportionnées à leur revenu de l'année N, et non plus de leur revenu de l'année N-2. Élaborée dans un contexte économique favorable, cette réforme devait permettre, en 2020, une économie de 1,2 milliard d'euros en année pleine. Son report a donc nécessité un abondement équivalent du fonds national des aides au logement (FNAL) dans la quatrième LFR. 600 millions ont été ajoutés au FNAL pour financer les nouveaux bénéficiaires et l'augmentation du montant des prestations : les aides au logement ont ainsi pleinement joué leur rôle d'amortisseur de la crise sanitaire et sociale.
Mon troisième point sur l'exécution concerne les résultats contrastés du programme 135, qui porte une partie des crédits attribués à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour financer la rénovation énergétique, notamment grâce à la nouvelle aide, MaPrimeRénov'. Malgré les deux confinements de 2020, les résultats sont très encourageants, voire excellents : plus de 141 000 dossiers ont été engagés.
À l'inverse, les objectifs d'agrément de logements sociaux – et c'est là notre faille – n'ont pas été remplis en 2020. Seuls 80 % de la programmation initiale du fonds national des aides à la pierre (FNAP) ont été financés. Cela s'explique à la fois par l'arrêt de l'instruction des dossiers lors du premier confinement et par la tenue des élections municipales, qui retarde les prises de décision.
L'impact des dépenses fiscales sur les coûts de construction est cette année mon thème d'évaluation.
Les dépenses fiscales en faveur du logement, notamment le dispositif Pinel, ont pour objectif d'orienter l'épargne des particuliers vers le logement, tout en maintenant des logements à des prix abordables. Nous pourrions d'ailleurs parler de logements réglementés, de plafonds de ressources et de plafonds de loyers.
Or non seulement les prix, tirés par la hausse du foncier ne cessent d'augmenter, que ce soit pour les logements sociaux ou les programmes mixtes, mais la diminution de 15,6 % du nombre de permis de construire accordés sur les douze derniers mois laisse craindre une diminution prochaine de l'offre de logements qui va également peser sur les prix. J'en suis arrivé à la conclusion que ces dépenses fiscales ne peuvent être le seul outil à la disposition de l'État pour faire face aux défis posés par la construction de logements.
Il ne s'agit pas de les supprimer instantanément, car elles sont devenues aujourd'hui indispensables dans l'équilibre d'une opération de construction. Ce sont les investisseurs Pinel qui garantissent le lancement d'une opération qui attirera ensuite les primo-accédants et entraînera la construction de logements intermédiaires et HLM dans des opérations mixtes, puisque ces trois supports sont liés.
Il s'agit de réfléchir dès maintenant à faire évoluer un système qui s'essouffle. La création d'une commission pour identifier les freins à la construction est un bon début. Je crois qu'il faut également accentuer nos efforts pour favoriser le retour des investisseurs institutionnels dans un secteur qu'ils ont déserté.
Pour conclure, je poserai plusieurs questions à madame la ministre.
D'abord, le recours aux nuitées hôtelières a été très important lors la crise sanitaire et a permis de mettre à l'abri de nombreuses personnes vulnérables. Comment comptez-vous réduire le nombre de nuitées hôtelières en 2021 ? Plus généralement, le plan Logement d'abord permettra-t-il, à terme, des économies ?
Ensuite, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) est devenue le responsable du programme de l'hébergement d'urgence : quelle est sa feuille de route ? Quels sont les objectifs du service public de la rue au logement ? Je salue les 700 millions qui nous ont été annoncés en crédits supplémentaires dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui nous a été présenté par le ministre du budget.
Vous avez également mobilisé des moyens financiers, notamment en reportant les crédits du FNAP, pour garantir l'agrément de 250 000 logements sociaux sur la période 2021-2022. Cependant, la difficulté du FNAP à décaisser les sommes qui lui sont allouées laisse penser que les freins à la construction des logements sociaux ne sont pas seulement financiers. Quels autres leviers allez-vous mobiliser pour atteindre votre objectif ?
Enfin, mes travaux me laissent penser que l'équilibre économique des opérations de construction, fondé en partie sur des dépenses fiscales, est à bout de souffle. Avez-vous lancé une réflexion pour faire évoluer ce modèle ? Avez-vous envisagé un retour aux aides à la pierre pour la construction de logements sociaux ?