J'introduirai mon propos en revenant sur l'exécution budgétaire 2020 des programmes 112, 162 et 147 dont j'ai la charge.
Je craignais, l'an dernier, que le report des élections municipales et l'interruption des chantiers liée à la crise sanitaire provoquent un retard important des projets d'aménagement. Ces effets ont été réels, mais finalement limités.
À périmètre constant, l'exécution atteint sur le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, 249 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 223 millions en autorisations d'engagement (AE), soit une sous-exécution relative de 7 % en CP par rapport aux prévisions initiales.
Les différents dispositifs contractualisés État-collectivités ont connu des rythmes d'avancée divers, mais dans l'ensemble les services de l'État ont essayé de s'adapter pour faire avancer les projets qu'ils pouvaient.
En janvier 2021, 1 123 maisons France services étaient en fonctionnement : elles sont de plus en plus nombreuses et je m'en félicite. Aussi, soulignons l'attrait des bus itinérants qui ont été particulièrement appréciés dans les quartiers populaires, ainsi que dans les territoires ruraux.
Comme je le soulignais déjà dans mon rapport de l'automne dernier, il serait bon que des indicateurs de performance permettent d'évaluer un certain nombre de dispositifs contractualisés tels que les contrats de ruralité ou les CPER, ou encore les contrats de convergence et de transformation (CCT). Je crois que le responsable de programme y travaille ; c'est une très bonne chose.
S'agissant du programme 162, Interventions territoriales de l'État, d'une taille modeste avec 84 millions en AE et 56 millions en CP consommés en 2020, nous notons un fort rattrapage de la consommation des AE sur le programme exceptionnel d'investissements (PEI) corse. Il était temps, les derniers engagements de crédits étant prévus en 2022.
Le déploiement du fonds interministériel pour la transformation de la Guyane (FITG) a souffert de la crise sanitaire : interruption des chantiers, retards d'approvisionnement, cessation d'activités de certaines petites entreprises, etc. Il faut évidemment mettre les bouchées doubles pour soutenir ce territoire qui en a besoin.
Enfin, même si des extraits sont sortis dans la presse, j'attends bien évidemment les conclusions définitives du rapport de la chambre régionale des comptes de Bretagne sur le plan de lutte contre les algues vertes, dont les crédits sont inscrits dans le programme 162 ; j'évoquerai le sujet lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.
Le programme 147, Politique de la ville, est celui qui aura été le plus mobilisé dans le contexte de la crise sanitaire, 86,5 millions ayant été ouverts pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en LFR 3. En totalité, c'est 108 millions qui ont été alloués aux dispositifs exceptionnels : Vacances apprenantes, Quartiers d'été, Quartiers solidaires jeunes et Quartiers d'automne .
Je citerai les 70 000 jeunes des quartiers dont certains n'étaient jamais partis en vacances et qui ont pu profiter des colonies apprenantes. Cette enveloppe aura également permis de créer 1 500 postes supplémentaires d'adultes relais. Maintenant que près de 4 400 adultes relais sont en exercice, je pense qu'il serait pertinent de mesurer à la fois la satisfaction des habitants au regard de l'action menée et l'effet positif que le dispositif peut avoir en termes d'insertion des adultes relais.
Je salue évidemment les annonces du Premier ministre dans le cadre du Conseil interministériel à la Ville (CIV) du 29 janvier dernier, notamment la dotation supplémentaire de 2 milliards pour le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) qui permettra de répondre aux projets ambitieux des collectivités. La crise sanitaire n'ayant pas aidé à rattraper les retards du passé, la priorité doit être donnée à une accélération des mises en chantier.
J'en viens à mon thème d'évaluation, l'exécution financière pour la période 2015-2020 des CPER, dont les crédits contractualisés s'élèvent à plus de 12 milliards d'euros, dont 620 millions devaient être inscrits sur le programme 112, via le volet local du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour le volet territorial.
Disons-le d'emblée, il existe chez la plupart des acteurs locaux et des représentants de l'État un attachement réel aux CPER. J'avoue avoir été positivement surpris par la qualité du dialogue entre les services des régions et les services déconcentrés de l'État, même si, évidemment, comme dans toute négociation, il faut accepter de faire des compromis.
À ce titre, les demandes des régions doivent être conciliées avec la vision nationale du développement du territoire. Surtout, ces contrats permettent d'élaborer une stratégie pluriannuelle afin de sécuriser le financement des projets majeurs, qui peineraient à émerger sans le financement partagé de l'État et de la région.
Cela étant dit, il faut bien admettre que les difficultés souvent soulignées par le passé n'ont pas disparu.
Premièrement, nous constatons une exécution insatisfaisante. À la fin de l'année 2019, les crédits contractualisés par l'État n'étaient engagés qu'à hauteur de 61 %. Si les retards dans l'exécution peuvent s'expliquer par l'ampleur et la complexité des projets financiers, certains ministères et opérateurs ont du mal à honorer leurs engagements.
S'agissant du volet territorial, le montant annuel des crédits attribués au FNADT sur le programme 112 a été systématiquement en-deçà de l'annuité théorique et des besoins remontés par les préfets : il manque au total 195 millions d'euros sur les six dernières années.
Les services de l'État ont parfois compensé le manque de financement du FNADT en ayant recours à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais cela brouille totalement l'engagement financier de l'État. La DSIL n'a pas vocation à financer les CPER et, surtout, son périmètre est beaucoup plus restreint que celui du FNADT. Elle ne peut être accordée qu'aux communes et aux communautés et communes, ce qui n'est pas le cas du FNADT. Je sais que votre ministère y est attaché, je plaide donc pour que le FNADT soit protégée.
Deuxièmement, le suivi de l'exécution financière des CPER est réellement déficient. En l'absence de systèmes d'information (SI) dédiés, les CPER sont pilotés et suivis par le biais de tableaux Excel, élaborés par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) de chaque région. C'est une méthode pour le moins artisanale, si bien qu'il est parfois difficile de retrouver des chiffres cohérents dans ce qui est publié dans les rapports annuels de performance et les réponses aux questionnaires budgétaires.
Je ne parle pas des régions pour lesquelles la situation est encore pire ; près de la moitié d'entre elles ne communique pas leur niveau d'engagement dans les bilans d'exécution annuels. S'il n'est même pas possible de suivre l'exécution financière des CPER, il est encore moins possible d'en évaluer l'efficacité. La plupart des CPER ne prévoient pas d'indicateurs ou d'objectifs précis permettant d'évaluer la réussite et l'efficacité des projets.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer comment le suivi de l'exécution financière sera renforcé pour la prochaine génération de CPER ? Un cadre d'évaluation national et régional sera-t-il préparé ?
Aucune évaluation précise ne peut être menée si elle n'a pas été suffisamment préparée et suivie en amont. Je pense également que l'information du Parlement doit être renforcée via le document de politique transversale (DPT) Aménagement du territoire, qui gagnerait à indiquer le niveau d'engagement région par région.
En outre, l'État a du mal à parler d'une seule voix, car les opérateurs nationaux ne se sentent pas toujours tenus de respecter les contrats dont ils ne sont pas, pour la plupart, signataires.
Il faut assumer de déconcentrer la tutelle de ces opérateurs vers les préfets de région. Nous avons la chance que la loi Déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification (4D) arrive. N'est-ce par l'occasion de faire davantage confiance aux services déconcentrés de l'État ?
Par ailleurs, je pense qu'il est important de maintenir un pilotage stratégique préfet-président de région ; déconcentration et décentralisation, doivent être les maîtres mots des CPER. Dans certaines régions, les comités de pilotage ne se réunissent plus. Les négociations se déroulent alors en silo entre les services des régions et les ministères, si bien que nous nous demandons vraiment à quoi sert le cadre commun du CPER, d'autant que la multiplication des contrats ou des programmes nationaux, tels que Action cœur de ville ou Petites villes de demain, tous très pertinents, fait parfois du CPER un méta-contrat assez contraint contraire, voire un contrat mis en concurrence avec d'autres.
Le taux d'exécution du volet territorial pour le CPER corse est ainsi particulièrement faible, à 26 %. On nous explique que c'est parce que le PEI corse intervenait déjà sur des thématiques semblables. C'est justement ce type de configuration qu'il faut éviter.
Pour conclure, la question se pose de la nature même des projets qui doivent être financés dans les CPER. Je vous livre ici ma conviction : l'impact des CPER repose sur la capacité à financer des projets structurants et lourds à l'échelle de la région. Et comme se le demandait très justement un directeur général des services, faut-il inscrire dans le CPER la rénovation de la façade du bar-tabac de la place du village, qui va coûter quelques milliers d'euros et consommer une énergie non négligeable dans le suivi par la région et la préfecture ? Les avis sont partagés, mais la question se pose.