Intervention de Christian Charpy

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes :

Le cinquième message de la Cour souligne la nécessaire rénovation, tant au niveau européen que national, du cadre de gouvernance des finances publiques.

Dans le sillage de la Commission européenne, et plus nettement que les années précédentes, la Cour recommande une prompte réforme des règles budgétaires européennes. Il s'agit de rendre plus simple, plus efficace et plus résilient le pacte de stabilité et de croissance. La réforme aboutirait opportunément avant la levée de la clause de sauvegarde, c'est-à-dire fin 2022. Elle gagnerait à privilégier une norme de dépense moins pro-cyclique et mieux adaptée à la situation de chaque pays. Il lui faut renforcer l'appropriation des règles budgétaires européennes par les États membres, dont la France, et renforcer le rôle des institutions budgétaires indépendantes, comme le Haut Conseil des finances publiques.

La Cour des comptes a consacré en novembre 2020 un rapport aux aspects nationaux de gouvernance. Elle en reprend ici les éléments essentiels en matière de pluriannualité, de surveillance et de cohérence des lois financières. Je suis heureux de constater que certaines des orientations de la Cour se retrouvent dans les deux propositions de loi organique récemment déposées à l'Assemblée nationale.

Le dernier message de la Cour a trait à la dette. La question de sa soutenabilité nous paraît centrale.

L'État porte principalement la dette publique, à hauteur de 80 %, sans pour autant que son patrimoine se soit renforcé. À partir de données tirées de la comptabilité générale, l'annexe du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques l'indique de façon assez éclairante.

Nous ne portons pas de discours alarmiste sur la dette. Même importants, des déficits temporaires n'affectent pas nécessairement la soutenabilité des finances publiques. De plus, le contexte de taux d'intérêt historiquement bas renforce à court terme la viabilité de la trajectoire des finances publiques. Enfin, la France n'a jusqu'à présent pas rencontré de difficultés dans le financement de sa dette.

Notre propos se veut prudent et réaliste. Les analyses de soutenabilité que la Commission européenne a notamment menées, et dont nous rendons compte dans le rapport d'audit, classent la France parmi les pays pour lesquels des risques de tension sur la dette existent à court et moyen termes. Soyons-y attentifs.

Certains pensent que la progression de la dette et les niveaux élevés qu'elle atteint dans certains pays ne constituent pas un problème, surtout en période de taux d'intérêt bas, voire négatifs. D'autres jugent possible l'annulation simple de la dette de crise, que la Banque centrale européenne (BCE) a d'ailleurs largement rachetée.

Ce n'est pas la position de la Cour, pour qui une dette doit toujours être remboursée. La crédibilité de notre pays en dépend. Au-delà, une trajectoire de dette qui continuerait de croître présenterait des risques que la France ne devrait pas prendre.

Pour l'heure, le placement des titres de dette s'effectue de manière globalement fluide, facilitée par leur achat massif par la BCE, le contexte de taux d'intérêt bas et une politique avisée de l'agence France Trésor (AFT). Un rapport demandé par votre commission en vertu du 2° de l'article 58 de la LOLF nous donnera l'occasion de revenir sur cette dernière.

Les programmes de rachat ont néanmoins vocation à s'éteindre. Le contexte de taux bas n'est pas assuré sur le long terme. Enfin, les difficultés peuvent s'enchaîner rapidement si la confiance des investisseurs s'érode ou s'effondre. Nous devons mener une politique de retour à l'équilibre.

Notre réflexion s'étend au traitement de la part de dette que la crise sanitaire a engendrée, dite « dette covid ». Le Premier ministre a abordé la question dans sa commande. Reste à identifier cette dette. L'exercice se révèle complexe. À quelle date convient-il de considérer qu'elle a commencé à se constituer ? Nous en tiendrons-nous à 2020, comparerons-nous son niveau à la prévision ou prendrons-nous également en compte 2021 ? La bornerons-nous à l'État uniquement ou considérerons-nous aussi les administrations sociales, notamment celle de l'Unédic, dont le niveau de dette est tout à fait stratosphérique ? Sans nier l'intérêt d'un cantonnement, la Cour souligne qu'il ne modifiera pas à lui seul le cours de la dette publique, surtout sans recette en face.

En conclusion, la Cour décrit sans alarme la situation exacte qui prévaut et expose la nature des décisions qui lui paraissent s'imposer dans un souci d'équilibre entre renforcement de la croissance et réduction du déficit public par des mesures en dépenses.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.