Intervention de Marie-Laure Dreyfuss

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marie-Laure Dreyfuss, déléguée générale du Centre technique des institutions de prévoyance :

Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pour cette audition. Nous sommes très sensibles à cette marque de reconnaissance de notre secteur puisque, finalement, nous sommes des assureurs comme les autres avec des engagements, des garanties et des fonds propres. Très affectés par toute réforme prudentielle, nous vous remercions de l'attention que vous nous accordez en acceptant d'auditionner notre délégation de représentants du secteur dans sa diversité.

Le CTIP représente les institutions de prévoyance, organismes privés d'assurance à but non lucratif et à gouvernance paritaire. Notre grande caractéristique est de n'œuvrer que dans le champ de la santé et de la prévoyance sous l'égide de gouvernances paritaires ; ainsi, les conseils d'administration sont formés pour moitié d'un collège de représentants de salariés et pour moitié d'un collège patronal. Les institutions de prévoyances sont régies par des dispositions du code de la sécurité sociale, leur code de référence, et, pour ce qui concerne leur régime prudentiel, par des dispositions du code des assurances. Elles n'ont pas le droit de faire de la garantie individuelle et, au-delà de la santé et de la prévoyance, elles ne peuvent éventuellement intervenir que dans le champ des retraites.

Aujourd'hui, nous comptons 32 institutions de prévoyance, qui couvrent 25 millions de personnes – 13 millions de salariés, et les ayants droit de ces derniers. Cela représente presque 13 milliards d'euros de prestations et cotisations en santé, arrêts de travail et rentes d'invalidité. Le montant des engagements techniques s'élève à 56 milliards d'euros, et celui des actifs gérés est d'environ 60 milliards d'euros. Le poids des institutions de prévoyance dans le paysage français de l'assurance est certain.

Le secteur s'est parfaitement adapté au nouveau régime prudentiel Solvabilité II, qui n'en marquait pas moins un bouleversement complet pour tous les assureurs de la façon de gérer leurs risques et leurs fonds propres. Cela vaut particulièrement pour des assureurs comme nous, même si, entre santé et prévoyance, qui impliquent des engagements différents dans le temps, nous ne sommes pas « mono-branche ». Nous avons dû nous mettre à niveau, ce qui a pris de nombreuses années, des travaux préparatoires aux premières années d'adaptation. Les exigences posées étaient complètement nouvelles. Imposant la couverture de toutes les natures de risques, Solvabilité II a impliqué la prise en compte de risques qui n'étaient pas couverts par le précédent régime prudentiel.

Comme pour les autres familles d'assureurs, les modalités de gouvernance, de gestion des risques et de reporting ont dû être mises à niveau. Cela a impliqué des coûts et un fort engagement de nos membres, mais ils y sont parvenus ; aujourd'hui, nous ne faisons plus du tout de comparaison avec les ratios du précédent régime prudentiel.

Globalement, le secteur des institutions de prévoyance est bien doté, avec une solvabilité moyenne de 267 % à la fin de l'année 2020, ce qui est satisfaisant. Nous remplissons ainsi plus de 2,5 fois les exigences de marge. Nous avons donc passé la crise sans trop de difficultés, même si le ratio a régressé d'à peu près 30 points par rapport à la fin de l'année 2019. De même, en moyenne, la situation de nos membres en termes de fonds propres est correcte. Par ailleurs, aujourd'hui, je le disais, indépendamment des exigences prudentielles, le montant de nos engagements s'élève à plus de 50 milliards d'euros.

Nous considérons que le régime issu de la réforme Solvabilité II, tel qu'il est dessiné et mis en œuvre depuis cinq ans, correspond à nos besoins en fonds propres. Même en période de taux bas et de sinistralité aggravée par la crise du covid, nous n'avons effectivement pas eu de problème.

Notre souhait, dans la perspective d'une réforme du régime, est que les exigences de fonds propre pesant sur les institutions de prévoyance ne soient surtout pas alourdies. Le conseil d'administration du CTIP a d'ailleurs très clairement pris position en ce sens au milieu de l'année dernière. Nos institutions de prévoyance sont suffisamment dotées pour faire face à leurs engagements et traverser les crises : la situation actuelle, qui combine crise économique et crise sanitaire, nous en offre un exemple concret.

Notre ratio de fonds propres n'a pas trop souffert de la crise. Il est affecté depuis plusieurs années par la baisse des taux et pâtit également plus ou moins de l'évolution des marchés financiers, mais, globalement, nous considérons que la solvabilité de nos institutions de prévoyance est correcte et que les exigences actuelles sont satisfaisantes.

Nous dénonçons cependant la complexité d'un régime qui prive les non-spécialistes de toute possibilité d'appréhender le secteur au travers des notions de rentabilité et de solvabilité. Décrypter les ratios de Solvabilité II et leur évolution est vraiment affaire de spécialiste. La plus grande part des assurés et du public se trouve dans l'impossibilité d'apprécier l'équilibre financier d'un assureur. Ce n'est pas l'examen du ratio de solvabilité qui, en tant qu'assuré, me permettra de déterminer si mon assureur est solvable, et l'exercice sera tout aussi difficile pour les acteurs de la sphère financière ou les pouvoirs publics.

La Commission européenne avait demandé à l'EIOPA ( European Insurance and Occupational Pensions Authority, Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) de travailler à une simplification de ce régime prudentiel. Las ! Les propositions qui ont été faites ne vont pas dans ce sens, ce que nous regrettons, même si les actuaires pourront qualifier la simplification de fausse bonne idée source d'erreurs supplémentaires. Il nous semble cependant bel et bien qu'une simplification était possible pour que la maîtrise des équilibres techniques et financiers ne soit pas à la main des seuls spécialistes.

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