Le groupe Agrica, au nom duquel je m'exprime, représente, sur l'ensemble des trois risques santé, prévoyance et retraite supplémentaire, 150 000 entreprises et un million de cotisants assurés.
En ce qui concerne l'assurance des personnes, le montant de nos placements, adossés au passif, s'élève à 7,7 milliards d'euros. Il s'agit, à 85 %, de couvrir des engagements à très long terme, essentiellement pour couvrir les risques retraite supplémentaire et décès.
J'évoquerai, dans le contexte du régime Solvabilité II, le pilotage des risques longs, en écho aux propos de Mme Dreyfuss, et nos pratiques d'investissement à long terme dans un environnement plus ou moins contraint.
De manière très concrète, les équations du modèle standard de Solvabilité II ont entraîné, pour le ratio de solvabilité d'Agrica, un « effet yo-yo ». Il y a trois ans, il s'élevait à 500 %. En 2020, il s'élève à environ 200 %, alors même que fonds sociaux et fonds propres prudentiels étaient stables, voire augmentaient, sous l'effet d'une politique visant une rentabilité positive pour le groupe. Cette situation tient à ce que les chiffres figurant au dénominateur des équations du modèle standard sont inférieurs à 1, et augmentent donc la dette de l'assureur, ce qui conduit à consommer de plus en plus de capital. Cela pourrait se comprendre si le risque réel pour l'assureur augmentait au fil du temps, mais, en réalité, il n'en est rien puisque Solvabilité II est fondée sur le concept de risque de ruine instantanée, qui n'a absolument aucun sens lorsque les engagements sont à soixante ans. En retraite supplémentaire, il faut compter 20 ans de demi-carrière, 25 ans de retraite moyenne et un petit effet de réversion d'environ cinq ans. Les assureurs de long terme, au-delà des seules institutions de prévoyance, ont donc un problème de pilotage, qu'ils peuvent résoudre par un surcroît de complexité en créant des structures juridiques autorisées jusqu'au 31 décembre 2022 : les fonds de retraite professionnelle supplémentaires, qui leur permettent de revenir à une vision normative beaucoup plus proche de Solvabilité I, retenant une exigence de marge de solvabilité qui doit représenter 4 % des engagements. C'est beaucoup plus conforme à l'équilibre économique de l'activité.
Quelles sont nos pratiques d'investissement à long terme ? Un assureur d'engagements à long terme se doit de couvrir un risque important qui est particulièrement d'actualité : l'inflation. La seule classe d'actifs qui permette aujourd'hui de couvrir ce risque, qui se trouve de surcroît être congruente avec nos propres engagements à long terme, ce sont les actions. Voyez le taux des obligations assimilables du trésor (OAT) à dix ans : 0,13 %. Même s'il remonte, les obligations ne peuvent nous permettre de couvrir le risque d'inflation et de respecter nos engagements.
Voilà qui conforte les assureurs dans leur rôle d'investisseurs dans l'économie réelle. Aussi le portefeuille d'actions d'Agrica est-il important : il représente 20 % de ses placements. À 80 %, il est investi en France, le reste étant investi dans l'Union européenne. Ces placements ne sont pas spéculatifs mais ont pour objet de soutenir durablement l'économie dans un but de performance, c'est-à-dire de servir à nos assurés un rendement qui, sur la durée, soit supérieur à l'inflation.