Intervention de Jérôme Guezennec

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jérôme Guezennec, directeur des risques du groupe Malakoff Humanis :

Notre groupe de protection sociale est paritaire, mutualiste et à but non lucratif : nous n'avons pas d'actionnaires à rémunérer et réinvestissons l'ensemble des bénéfices au profit de nos clients, à travers l'accompagnement social ou le soutien apporté à des causes d'intérêt national comme le handicap, le cancer, les aidants ou le « bien-vieillir ». Cette notion de dividende social nous distingue des autres acteurs de l'assurance.

Le groupe répond à trois enjeux de la société française : il protège plus de 10 millions de personnes et environ 400 000 entreprises, en consacrant 160 millions d'euros par an pour l'accompagnement social, porté à 230 millions d'euros en 2020 compte tenu de la crise ; employeur de premier plan, il emploie 10 000 collaborateurs sur 200 sites à Lille, Angers, Orléans, Marseille, Strasbourg ou encore en région parisienne ; il finance l'économie avec, sur le seul volet assurantiel, 28 milliards d'euros d'investissements, dont plus de la moitié relève de l'investissement socialement responsable.

Le ratio de solvabilité du groupe est un peu supérieur de 200 %. Cela signifie que nous avons deux fois plus de fonds propres que la cible exigée par la réglementation, laquelle permet de couvrir en un an une succession de crises qui n'arriverait qu'une fois tous les deux cents ans. Nous sommes donc considérés comme solides – ce qui permet de traverser les crises comme en 2020 et d'être solidaire – mais, à côté de cette solidité, l'on observe une certaine volatilité du ratio. L'année dernière, le groupe a perdu 20 points de solvabilité en raison de la baisse des taux et du contexte sanitaire ; si, demain, une réforme des retraites venait à décaler l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, compte tenu de notre activité de prévoyance, nous perdrions à nouveau 20 points.

Cette volatilité n'a pas échappé à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui nous demande d'avoir un ratio non de 100 % mais plutôt de 130 %, de sorte que notre gouvernance impose à son tour une cible de 160 % ou 180 %. Nous avons fait des tests avec le CTIP et la révision de la directive nous coûterait 20 à 30 points supplémentaires : avec des marges de manœuvre ainsi réduites, un groupe comme le nôtre entrera dans une zone limite et devra probablement réduire ses investissements au sein des entreprises, qui pèsent actuellement pour 50 % de nos placements, à parité entre des actions et des obligations. Cela nous sera, comme aux entreprises dans lesquelles nous investissons, très préjudiciable. Comme nous sommes sans but lucratif, nous ne pouvons pas faire appel aux marchés, à l'inverse des assureurs capitalistiques.

À mon sens, il faudrait au contraire faciliter les investissements de long terme, notamment dans les actions. Il y a deux ans, la France avait courageusement arraché une possibilité de réduire le coût en capital des actions : nous l'avons utilisée mais certaines contraintes doivent encore être levées. Un groupe d'assurance est un investisseur contracyclique, qui achète plutôt quand les actions sont basses et réalise des plus-values au fur et à mesure de la remontée de cours, pour les distribuer à ses clients. Réduire la part des actions dans notre portefeuille nous ferait perdre ce côté contracyclique et nous conduirait à vendre au moment où les marchés s'effondrent, aggravant ainsi la crise financière.

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