Je tiens tout d'abord à rappeler que le groupe Libertés et Territoires n'a pas défini de position commune sur ces questions.
Sans qu'il ait été nécessaire d'organiser une convention citoyenne, le travail effectué, dense, remarquable, présente la ligne politique qui doit être tenue sur un sujet sociétal complexe. Les trois rapports ont d'ailleurs été adoptés à l'unanimité des membres de la mission, ce qui leur confère une valeur considérable.
Faut-il le rappeler ? Ils vont à l'encontre de la posture gouvernementale. En matière de cannabis thérapeutique, nous avançons comme des escargots alors que bien des pays – notamment, Israël – ont démontré que les traitements sont efficaces. Combien de patients pourraient-ils ainsi être mieux soignés ? En matière de CBD, les décisions de justice européennes ou nationales – c'est inédit – contredisent le Gouvernement. Enfin, l'opinion publique est prête à la légalisation du cannabis récréatif, sous le contrôle et le monopole de l'État, comme je l'avais envisagée dans ma proposition de loi de juillet 2019, cosignée par nombre de parlementaires de différents groupes et débattue le 31 mars dernier. Je rappelle qu'elle avait été rejetée non sur le fond mais sur la forme, en raison des délais d'application qu'elle prévoyait.
La France présidera l'Union européenne le 1er janvier 2022. Vingt pays sur vingt-six sont favorables à la dépénalisation du cannabis ; outre les Pays-Bas, tous nos voisins immédiats – Portugal, Espagne, Italie, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Suisse – sont, si j'ose dire, sur la même ligne. Comment imaginer que la France puisse défendre les postures de son ministre de l'intérieur ? Comment notre pays pourrait-il être au rendez-vous de sa mission ?
La lutte contre la drogue coûte un milliard chaque année et représente un million d'heures de travail pour les forces de l'ordre alors que les résultats sont nuls, sauf pour les trafiquants puisqu'ils continuent de s'enrichir, le « chiffre d'affaires » lié au trafic de cannabis ayant augmenté en 2020 par rapport à 2019. Comment s'adresser aux cinq millions de Français consommateurs réguliers – un adulte sur trois assure avoir déjà consommé du cannabis – et les traiter comme des délinquants susceptibles d'avoir des liens avec des réseaux terroristes ? Ne convient-il pas plutôt de promouvoir une approche responsable en autorisant la consommation, voire, l'autoproduction, tout en promouvant une politique de prévention digne de ce nom, en particulier en direction de notre jeunesse ?
Enfin, entre THC, CBD, consommation, répression des mineurs, nos bases juridiques sont fragiles. On a même l'impression que la législation sur le cannabis concentre toutes les imperfections de notre système par rapport à la réalité sociale. Dans les derniers mois de cette législature, n'est-il donc pas urgent de stabiliser le cadre juridique des différents usages – thérapeutique, bien-être, récréatif –, de réfléchir à la pertinence de l'amende forfaitaire et à l'organisation obligatoire de campagnes de prévention ?
Le cannabis prendra inéluctablement une place importante dans notre société, tant en ce qui concerne l'utilisation thérapeutique, récréative que de bien-être. La légalisation de son usage est tout aussi inéluctable. Comme Eliot Ness, nous célébrerons bientôt la fin de la prohibition ! Je rappelle qu'à la fin des Incorruptibles, ce dernier va boire un verre.