Une régulation étatique permettra précisément d'en finir avec la situation actuelle, où les dealers vendent du cannabis de synthèse, beaucoup plus dangereux, de la résine coupée avec un grand nombre d'autres substances, des produits avec des taux de THC de plus en plus élevés et, éventuellement, d'autres drogues afin de « fidéliser » leur clientèle, ce qui sera impensable de la part d'opérateurs sous licence délivrée par l'État.
Il faut en effet veiller à la manière dont l'offre légale pourra concurrencer celle du marché noir, notamment en construisant un modèle économique fondé sur une fiscalité qui ne sera pas dissuasive, en proposant des produits moins dangereux mais dont les consommateurs ont besoin.
Au Canada, ces derniers ont tout intérêt à se tourner vers le marché légal en raison de la traçabilité des produits, d'une éducation à leur usage et d'une réduction des risques qui lui est associé puisqu'ils peuvent être accompagnés lorsqu'ils jugent que leur consommation est excessive. Un modèle économique bien pensé, c'est un marché sécurisé où, de surcroît, le consommateur ne risque pas d'être poursuivi pour des liens éventuels avec des organisations criminelles.
La « théorie de l'escalade » évoquée par M. Door se vérifie actuellement : le risque de consommer d'autres drogues est plus grand que dans le cadre d'un marché régulé. Toutes les données scientifiques sont formelles : la « théorie de l'escalade » est réfutée par la légalisation, dont l'effet est même plutôt inverse puisque les comportements dangereux diminuent.
Suite à la consommation de cannabis, le risque de troubles psychiatriques est bien réel. C'est pourquoi un encadrement est nécessaire, comme pour l'alcool et le tabac, et qu'il faut déployer des politiques de prévention et d'accompagnement. Personne ne proposerait d'interdire la consommation d'alcool tant nous savons tous que le remède serait pire que le mal avec, par exemple, des alcools frelatés.
Je ne pense pas que nous pourrons discuter et voter une loi dans les derniers mois de cette législature. Nous devrons en revanche aborder cette question dans le cadre des élections présidentielles tant elle est vaste : elle concerne en effet autant l'aménagement du territoire que la justice sociale, l'économie, la sécurité ou la santé publique. J'espère que l'ensemble des formations politiques et des candidats en aura une approche raisonnable.
La vente de ces produits sur internet doit être évidemment interdite. Nous évoquons d'ailleurs une « loi Evin » du cannabis, ce qui supposera l'interdiction de la publicité, le contrôle des emballages et des points de vente, mais aussi la formation des vendeurs afin de promouvoir une véritable politique de réduction des risques à travers la diminution de la fréquence de consommation, le recul de l'âge des premiers usages, le contrôle de la nature des substances consommées, etc.