Intervention de Antoine Frérot

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia :

Voilà un an que nous avons conçu le projet d'acquérir Suez, après la décision d'Engie, avalisée par le Gouvernement, de mettre en vente sa participation d'un peu plus de 30 % au capital de Suez.

Veolia a conclu, voici un peu plus de deux mois, avec le conseil d'administration de Suez, un accord de rapprochement, depuis mis en œuvre. Il s'articule autour de trois axes.

D'abord, un périmètre a été défini pour un nouveau Suez, au chiffre d'affaires d'à peu près 7 milliards d'euros, dont 5 milliards provenant d'activités en France, dans l'eau et les déchets, et les 2 autres d'activités en Afrique notamment. Le reste du groupe Suez, au chiffre d'affaires voisin de 10 milliards d'euros, rejoindra Veolia.

Veolia a en outre accepté de rehausser son offre pour chaque action de Suez à 20,50 euros.

Enfin, Veolia et Suez ont communément convenu des caractéristiques du nouveau Suez pour les investisseurs : un actionnariat de long terme, sur dix à vingt-cinq ans, un projet industriel et non financier, ainsi que des garanties sociales, pour les salariés de Suez, au moins équivalentes à celles proposées par Veolia.

Veolia et Suez ont convaincu les investisseurs ayant soutenu leurs projets, à savoir Meridiam et un fonds américain du nom de GIP, de s'associer, pour constituer, à hauteur de 40 % chacun, l'actionnariat du nouveau Suez, tout en proposant à la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales d'acquérir les 20 % d'actions restantes.

L'accord du 12 avril a été formalisé le 14 mai. Le consortium d'investisseurs a depuis travaillé à l'élaboration d'un projet industriel commun. Suez et Veolia ont accepté son offre, voici quelques jours, de sorte que, le 29 juin, le conseil d'administration de Suez a recommandé l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia à 20,50 euros l'action.

Le projet industriel adopté par Veolia se présente avant tout comme un projet de développement, plus que de synergie de coûts, visant à construire un grand champion mondial de la transition écologique, capable de concevoir des solutions aux enjeux que présente cette question, plus pressante aujourd'hui que jamais.

J'ai coutume de classer en trois catégories les activités de Veolia et Suez.

D'abord, viennent les activités classiques, telles que la distribution d'eau potable, le traitement des eaux usées, la collecte et le traitement des déchets. Même s'il reste encore beaucoup d'innovations à imaginer dans ces métiers, ce n'est pas là que le rapprochement de Veolia et Suez s'avèrera le plus intéressant.

Veolia et Suez s'occupent aussi d'activités nouvelles encore peu répandues, même en Europe. La réutilisation des eaux usées à des fins industrielles, d'agriculture ou de production d'eau potable domestique permettrait de faire face au problème de rareté de la ressource dans le monde, à l'origine de conflits d'usage récurrents en cas de sécheresse. La France réutilise moins d'1 % de ses eaux usées, alors même que ce bien s'avère trop précieux pour ne servir qu'une fois.

Veolia et Suez maîtrisent également les techniques de recyclage d'un grand nombre de types de plastiques, représentant de 75 % à 80 % des volumes de plastiques utilisés dans le monde. Veolia s'est spécialisée dans le polytéréphtalate d'éthylène (PET) qualité alimentaire et le polypropylène, et Suez, dans le polyéthylène basse densité et le polystyrène. Les technologies des deux entreprises, complémentaires, peuvent intéresser l'ensemble de leur clientèle, de sorte que leur rapprochement pourrait se traduire, par la formule « 2 fois 2 » mieux encore que par « 1 plus 1 ».

De fait, le rapprochement de Veolia et Suez accélérera, grâce au renforcement de leurs capacités d'investissement, la généralisation de solutions de recyclage, aussi bien des eaux usées que des plastiques, dans une optique de transition écologique.

Pour réussir cette transition, nos sociétés utiliseront, dans vingt ans, des solutions qui, pour une moitié d'entre elles, restent encore à mettre au point, et c'est là la troisième catégorie d'activités. Le rapprochement de Veolia et Suez vise avant tout à constituer le fer de lance industriel de la création, de la maîtrise et de la généralisation de telles solutions.

Par exemple, il faut s'attendre à un million de batteries de véhicules électriques usagées chaque année aux environs de 2030, en Europe. Ces déchets dangereux, toxiques, recèlent des métaux rares, dont la présence dans certains pays seulement revêt un aspect géostratégique. Le traitement et le recyclage de ces équipements sophistiqués constituera un atout important pour les pays qui parviendront à le mettre en œuvre en renforçant ainsi leur capacité de production de batteries neuves pour électrifier leur parc automobile.

Un autre exemple de solution innovante touche au traitement de l'air afin d'en garantir la qualité dans les bâtiments recevant du public (hôpitaux, écoles, supermarchés, bureaux, etc.). L'Organisation mondiale de la santé (OMS) y voit le principal lien entre environnement et santé publique. Régulièrement, la Commission européenne, voire l'OMS, rappellent certains pays à l'ordre dans ce domaine. Là encore, c'est la réussite de la transition écologique qui apparaît en jeu.

Je ne pense pas que nous diminuerons assez nos émissions de carbone pour limiter le réchauffement de la température moyenne du globe à 1,5°C. Nous devrons donc aussi capturer les émissions de carbone résiduelles. Comment y parvenir à un coût accessible, supportable par nos sociétés ? Que faire de ce carbone ? Ne pourrions-nous pas lui inventer un usage plus intelligent que son simple enfouissement, de manière à ce qu'il enrichisse, par exemple, des sols appauvris ?

D'ici vingt ans, il faudra en outre nourrir 10 milliards de personnes sur Terre, avec moins d'eau et d'énergie, mais aussi moins de sols, si nous voulons éviter le déboisement.

Nos métiers sont amenés à concevoir des solutions en ce sens, en multipliant par exemple les fermes aquacoles durables, encore qu'il ne s'agisse là que d'une illustration parmi tant d'autres des pistes que nous étudions déjà pour réussir la transition écologique.

Je reste persuadé que Veolia, grâce au renfort des équipes de Suez et à la complémentarité des implantations géographiques de l'un et l'autre groupe, et grâce aussi à la mutualisation de nos moyens d'investissement en recherche et développement et en construction d'outils industriels, fournira, unie à Suez, un leader français incontesté, à même de tracer la voie au cours des vingt prochaines années dans des secteurs économiques cruciaux.

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