En 2022, la mission Justice bénéficiera de 12,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 10,7 milliards d'euros en crédits de paiement. Le projet de loi de finances respecte la trajectoire budgétaire prévue dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
S'agissant des effectifs du ministère de la justice, le projet de budget prévoit la création de 1 200 emplois supplémentaires, dont 720 en 2022 et 500 recrutements par anticipation fin 2021.
Ce projet de budget est positif, et l'on ne peut que s'en féliciter. La communication du Gouvernement est bien rodée : la trajectoire est respectée, et même plus que respectée, nous dit-il. Tous les signaux seraient donc au vert. Il ne resterait plus qu'à applaudir et à répéter que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
La réalité est un peu plus contrastée. Les crédits budgétaires ne font pas tout. Certes, le plein de carburant a été fait, le réservoir de l'avion se remplit, mais, pour opérer, un avion doit avoir un pilote poursuivant de véritables objectifs. En l'occurrence, beaucoup de choses restent largement perfectibles.
Concernant la justice judiciaire, les frais de justice, par exemple, s'élèveront à 648 millions d'euros en 2022, soit 150 millions d'euros de plus qu'en 2017. En outre, l'exécution est systématiquement supérieure à la prévision. Le ministère est-il donc capable de prévoir ? Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Concernant les délais de jugement, le bleu budgétaire laisse entrevoir, une fois n'est pas coutume, une amélioration, mais uniquement pour les procédures pénales. Des efforts importants restent à faire pour les procédures civiles. Le nombre de dossiers en instance devant les juridictions dépasse 1,1 million. De la même manière, de nombreux indicateurs sont supérieurs à leur niveau de 2019. Autrement dit, la situation a continué à se dégrader alors que les moyens ont augmenté. Quant aux greffes, le taux de vacance reste de 6 %, toutes catégories confondues, soit 1 335 postes vacants, dont 661 greffiers. Contrairement à ce qu'on essaye de nous faire croire, la situation demeure donc très tendue dans les tribunaux.
S'agissant de l'administration pénitentiaire, l'augmentation de la population carcérale depuis un an est préoccupante : on compte entre 200 et 300 détenus supplémentaires chaque mois. Le niveau record de 2019 sera bientôt atteint. Or rien n'est prêt pour réduire la surpopulation carcérale. J'alerte sur les retards du plan pénitentiaire depuis plusieurs années. Désormais, nous y sommes : le Gouvernement a officialisé le décalage des livraisons. Les 7 000 premières places, annoncées pour 2022, ne seront prêtes au mieux qu'en 2023 ou 2024 ; quant aux 8 000 autres places prévues pour 2027, on parle désormais de 2029. Or ces 15 000 places étaient annoncées par le président Macron pour le courant du quinquennat. Certes les crédits augmentent, mais encore faut-il piloter les investissements. Dans ces conditions, comment espérer une amélioration des conditions de détention ? Quant aux effectifs de l'administration pénitentiaire, il est vrai qu'ils progressent, mais il reste 1 300 postes vacants. Là aussi les choses peuvent donc être améliorées.
Concernant la transformation numérique du ministère de la justice, les crédits sont là mais les retards s'accumulent, et les outils de suivi et de pilotage sont bien trop faibles. La chancellerie n'a toujours pas de schéma directeur permettant d'indiquer l'état de l'exécution des crédits et l'avancement réel des projets, sans lequel l'accélération annoncée ne pourra tout simplement pas avoir lieu.
Enfin, concernant l'aide juridictionnelle, l'article 44 du projet de loi de finances prévoit une nouvelle augmentation de la rétribution des avocats. C'est tout simplement celle que M. le garde des Sceaux nous avait refusée l'année dernière. Nous avions, avec plusieurs d'entre vous, présenté des amendements allant dans ce sens à la suite des préconisations de la mission Perben. Nous avons eu raison un an trop tôt… Espérons que cela éclaire les débats que nous aurons en séance.
Vous l'aurez compris, il y a, d'un côté, de grandes annonces médiatiques de la part du Gouvernement et, de l'autre, un quotidien des justiciables et des personnels de justice qui peine à s'améliorer. Désormais, il faut des évolutions concrètes. Il y a du carburant dans l'avion, mais pas de pilote. Le diagnostic est sévère ; je vous propose donc de voter contre ce budget.