Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale :

La mission Santé réunit deux programmes : le programme 183 Protection maladie, qui finance les différentes composantes de l'aide médicale de l'État (AME), et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui soutient d'autres actions dans le domaine de la santé. Le montant des crédits de paiement de cette mission s'établit à 1 300 millions d'euros, et celui des autorisations d'engagement à 1 297 millions, en retrait d'environ 20 millions par rapport à 2021.

Comme l'an passé et contrairement à ce que l'on pourrait penser spontanément, la mission Santé n'est pas ou peu concernée par la gestion financière de la crise sanitaire. Sur les 1 300 millions d'euros de la mission, moins de 5 millions sont liés à la crise sanitaire ; ils concernent des dépenses relatives aux systèmes numériques de santé. À mon sens, cela est trop peu. Je regrette l'absence de majoration des crédits dédiés, par exemple, à l'indemnisation des accidents vaccinaux – je défendrai tout à l'heure un amendement à ce sujet.

Depuis mars 2020, le programme 204 participe cependant indirectement à la gestion de la crise sanitaire, via un fonds de concours alimenté par Santé publique France. Près de 900 millions d'euros ont été ouverts dans ce cadre et ont permis de procéder à des achats de matériel ou de prestations. Ce fonds de concours, qui devait initialement arriver à expiration le 31 décembre 2021, sera prolongé en 2022, avec une dotation augmentée de 100 millions. Dans son récent rapport sur les dépenses publiques pendant la crise, la Cour des comptes a critiqué le recours à cet instrument. Pour ma part, ce n'est pas tant le recours, dans l'urgence, à un fonds de concours qui me gêne que la prolongation de son existence au-delà du pic de la crise. D'un point de vue budgétaire, la situation doit revenir à la normale et les dépenses en lien avec la crise qui sont imputées sur le programme 204 ont vocation à être financées par des crédits budgétaires traditionnels.

Une action du programme 204 concerne l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Son dispositif reste très éloigné des objectifs initiaux.

Le programme 183 est le support budgétaire du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et, surtout, de l'aide médicale de l'État (AME).

Une fois encore, le budget de l'AME est en croissance : pour la deuxième année consécutive, les crédits finançant l'AME dépasseront le milliard d'euros. Le nombre de bénéficiaires de ce dispositif poursuit sa croissance sans fin, passant de 315 000 en décembre 2017 à 383 000 en décembre 2020. Depuis décembre 2017, on compte donc 1 800 nouveaux bénéficiaires par mois ; ils étaient 300 – six fois moins – entre 2007 et 2012, et 1 225 entre décembre 2012 et décembre 2016, sous la présidence de François Hollande. Ainsi, la présente législature se caractérise par une croissance et une dérive inégalées du nombre de bénéficiaires et du coût de l'AME.

Pourtant, nous savons que le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière ne se résume pas à l'AME. Comme je l'ai indiqué dans un récent rapport, dix autres dispositifs existent, et le coût total de la protection sociale des étrangers en situation irrégulière dépasse 1,5 milliard par an.

Toujours plus onéreuse, l'AME comporte toujours autant d'aspérités et de zones d'ombre. Ainsi, elle permet à un étranger en situation irrégulière de se faire opérer, aux frais de l'État, pour la pose d'un anneau gastrique ou un recollement des oreilles. Je sais très bien que l'AME ne se résume pas à ce genre d'opérations : elle constitue une dépense utile en termes de santé publique, et nous n'entendons pas la supprimer. En revanche, nous souhaitons la recadrer, pour en renforcer notamment l'acceptation sociale. Pour ce faire, nous devons nécessairement exclure ce type de soins du panier de l'AME. Je vous invite à demander autour de vous ou dans vos permanences s'il est normal qu'un étranger en situation irrégulière puisse se faire recoller les oreilles aux frais de l'État. Pour ma part, je défendrai tout à l'heure un amendement visant à mettre un peu d'ordre dans ce domaine.

Au vu de ce manque d'ordre et de maîtrise budgétaire, les crédits de la mission Santé me paraissent comporter bien trop d'insuffisances pour être adoptés. Je vous inviterai donc à les rejeter.

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