Le compte d'affectation spéciale (CAS) pour la gestion du patrimoine immobilier de l'État mutualise les recettes qui proviennent de ventes de biens immobiliers de l'État afin de financer des acquisitions et des opérations importantes dites du propriétaire.
Dans le projet de loi de finances, les recettes du CAS sont évaluées à 370 millions d'euros en 2022, dont les trois quarts devraient provenir du produit des cessions. Le quart restant correspond aux recettes issues des redevances et des loyers. Cette estimation est identique à celle de l'an dernier en raison du report de projets de cession inaboutis en 2021 et de la difficulté d'anticiper avec précision quels biens seront vendus, la date de leur cession et le montant des recettes.
Pour ce qui est des dépenses, il est demandé des crédits de paiement à hauteur de 420 millions d'euros et des autorisations d'engagement d'un montant de 370 millions d'euros. En conséquence, un solde négatif de 50 millions d'euros est anticipé pour le CAS, ce qui impliquera de puiser dans sa trésorerie. Au 1er janvier 2021, celle-ci s'élevait encore à 785 millions d'euros.
Les dépenses du CAS sont portées par le programme Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État, le seul à être abondé puisque le CAS ne contribue plus au désendettement de l'État depuis que le législateur en a décidé ainsi en loi de finances pour 2017.
Les dépenses annoncées sont en hausse par rapport aux prévisions de la loi de finances de 2021. En autorisations d'engagement, 85 millions d'euros supplémentaires sont demandés. En crédits de paiement, ce sont 145 millions d'euros de plus. Ceci s'explique par le montant et le nombre des opérations structurantes programmées, c'est-à-dire les projets d'acquisitions, de constructions, d'agrandissement ou de remise à neuf.
Le CAS participera ainsi à plusieurs grands projets immobiliers comme le Quai d'Orsay 21 afin de rénover le site historique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le site de Saclay pour créer un pôle d'excellence scientifique de dimension internationale regroupant les organismes de recherche, les grandes écoles, les universités et des entreprises privées, le projet de Saint-Mandé du ministère de la transition écologique pour restructurer les locaux qui accueillent les opérateurs IGN (Institut national de l'information géographique et forestière), Météo France ou le service hydrographique et océanographique de la marine, la construction de la cité du renseignement à Saint-Ouen pour le ministère de l'intérieur, l'achat d'une parcelle dans le futur centre hospitalier universitaire (CHU) Grand Paris-Nord, CHU de dernière génération et d'envergure internationale qui remplacera notamment les hôpitaux Bichat et Beaujon.
Si je me réjouis du rôle joué par le CAS dans ces grands projets immobiliers, je m'inquiète des conséquences sur sa pérennité dans les prochaines années. On peut en effet s'interroger sur l'utilité de certains grands chantiers ministériels, cofinancés par le CAS, qui n'ont pas été révisés à l'aune du développement du télétravail et de la déconcentration administrative dans les territoires, comme le Quai d'Orsay 21.
Ainsi, malgré le rôle qui lui est confié, le CAS n'occupe qu'un rôle marginal dans la politique immobilière de l'État, qui reste portée par les programmes ministériels, y compris pour les dépenses importantes dites du propriétaire.
Il suffit de le comparer au poids du programme Rénovation des cités administratives, dont le budget demandé pour 2022 est de 266 millions d'euros sur une enveloppe pluriannuelle de 1 milliard d'euros ou encore le plan de relance au travers de son volet dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics de 2,7 milliards d'euros.
Cette situation est due à l'étroitesse des recettes du CAS qui repose sur une mutualisation des produits des cessions. C'est pourquoi il me semble nécessaire de diversifier ses sources de financement par le biais de valorisations alternatives des biens immobiliers appartenant au domaine. Je ne partage pas les recommandations du rapport Rebsamen relatif à la relance durable de la construction de logements, qui compromettraient encore davantage les recettes du CAS en lui faisant supporter le poids d'une péréquation, voire d'une compensation des pertes de recettes consécutives à l'application de la décote « Duflot » pour les administrations occupantes. J'avais contribué dès 2018 à réformer cette décote pour corriger les effets d'aubaine qu'elle créait.
Quant à la pénurie des matériaux et la hausse des prix des matières premières, cette situation fait craindre un dérapage des projets immobiliers de l'État, à commencer par ceux financés par le CAS mais aussi ceux retenus dans le cadre de l'appel d'offres du plan de relance.
Plus généralement, je m'inquiète de la capacité des entreprises, notamment des PME, à répondre à la demande de l'État dans ce contexte.
En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de ce compte spécial.