En 2006, François Bayrou déclarait que la privatisation des autoroutes était une faute. Une faute politique, d'abord : le Parlement n'a pas été amené à se prononcer, contrairement à ce qui s'est passé pour les privatisations que nous avons votées au début de cette législature. Une faute financière, ensuite, car s'il n'est pas sûr que l'État eût profité d'autant de dividendes que le secteur privé, cette cession, mieux organisée dans le temps, aurait pu être négociée à meilleur prix. Parce qu'ils étaient mal préparés, les contrats de concession, déjà anciens, n'étaient pas suffisamment adaptés à cette privatisation. La notion d'équilibre économique, elle, n'était pas définie. Enfin, les relations entre l'État et les concessionnaires n'était pas arrêtée.
Les SCA se sont engouffrées dans ces failles au moyen de pratiques parfois douteuses. Elles ont entre autres augmenté les tarifs des péages, non pas pour développer le réseau, mais pour soutenir les dépenses de fonctionnement, requalifiées en dépenses d'investissement, et pour automatiser ces péages à leur seul profit.
Depuis le vote, en 2015, de la loi dite Macron, qui a permis une meilleure régulation du secteur, la situation s'est fortement améliorée. Mais nombreuses sont les voix qui réclament, en s'appuyant sur un constat déjà daté, la nationalisation des SCA, que ces voix imaginent être une véritable poule aux œufs d'or pour nos finances publiques.
Cependant, cette nationalisation est une fausse bonne idée. Car, en vertu du principe de garantie de la propriété posé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'État devrait indemniser Vinci, Eiffage et les autres sociétés concessionnaires à hauteur de 40 milliards d'euros, auxquels s'ajouteraient 30 milliards d'euros de reprise de dettes, alors qu'il suffirait d'attendre la prochaine décennie pour commencer à récupérer gratuitement ces concessions. Au demeurant, l'État n'est sans doute pas le meilleur des gestionnaires…
Mieux vaut anticiper la fin des concessions, en ne renouvelant pas les contrats en cours sans appel d'offres, en veillant au maintien d'investissements suffisants, en incitant les sociétés concessionnaires à préparer les modalités de déplacement de demain – je pense aux voitures électriques –, sans toutefois en faire supporter la charge aux finances publiques, et continuer à améliorer la régulation du secteur en renforçant les pouvoirs de l'ART, notamment sur les questions tarifaires ou les sous-concessions.