Avant la crise du covid, nos comptes sociaux étaient très proches de l'équilibre puisque le déficit de la sécurité sociale, sur le champ du régime général et du FSV, ne s'élevait qu'à 1,2 milliard d'euros en 2018 et à 1,9 milliard en 2019. La crise est venue percuter cette trajectoire de retour à l'équilibre engagée depuis de longues années. L'ampleur du déficit de 2020 témoigne de la violence de l'impact : il s'élève en effet à 38,7 milliards.
Ces chiffres sont l'illustration du rôle d'amortisseur social qu'a joué la sécurité sociale et de la capacité de nos caisses de sécurité sociale à mettre en œuvre les mesures nécessaires à la protection des Français et au financement du système hospitalier.
Si la trajectoire des finances sociales reste dégradée, elle est en voie d'amélioration.
En 2021, les équilibres adoptés dans le cadre de la LFSS pour 2022 prévoyaient un déficit de la sécurité sociale de 33,5 milliards, en amélioration de 5,2 milliards par rapport à 2020, ce qui s'expliquait déjà par le dynamisme de la reprise économique. Le solde pour 2021 avait été construit sur la base d'une progression de la masse salariale du secteur privé de 7,2 %, contre une baisse de 5,7 % en 2020. Nous avions également tablé sur des dépenses liées au covid légèrement plus faibles en 2021 qu'en 2020 : 16 milliards d'euros contre 18,3 milliards. Dans ces hypothèses initiales pour 2021, la branche maladie serait restée la plus fortement déficitaire, à hauteur de 29,7 milliards d'euros, suivie de la branche vieillesse et du FSV, pour 5,5 milliards.
Le solde pour 2021 sera en réalité très largement amélioré, ce qui est dû à une croissance plus forte qu'anticipé, puisque les prévisions de l'INSEE comme celles de la Banque de France nous laissent envisager une croissance de 6,7 % au lieu de 6,25 %. Cela permet d'espérer un surcroît de cotisations et de contributions sociales de plus de 6 milliards d'euros, qui inclut non seulement les cotisations nouvelles dues à la reprise économique, mais également les reprises sur provisions dans le cadre des différents plans d'apurement de la dette sociale liés aux échéances de cotisation que nous avions mises en place. Nous constatons en outre un surcroît de recettes fiscales de l'ordre de 2 milliards d'euros. Pour toutes ces raisons, nous envisageons une amélioration du déficit pour 2021 qui, au lieu de s'établir à 33,5 milliards d'euros, devrait avoisiner les 25,5 milliards, soit une amélioration de 8 milliards.
Ces nouvelles relativement bonnes pourraient avoir un effet positif sur le solde de l'exercice 2022 et des années suivantes. La LFSS pour 2022 prévoit un déficit de 20,4 milliards d'euros cette année. Nous imaginons que l'amélioration du niveau des recettes de cotisations aura un effet durable, mais nous savons aussi que la provision de 5 milliards inscrite dans la LFSS pour faire face aux dépenses liées au covid devra être abondée en raison des coûts des campagnes de tests et de vaccination. C'est pourquoi nous ne proposons pas, à ce stade, de nouvelle estimation du déficit de la sécurité sociale pour 2022, tant une incertitude demeure sur le niveau des dépenses à engager au cours de cette année pour faire face à l'épidémie de covid.
Le financement de la dette sociale est aujourd'hui assuré. La reprise de 136 milliards d'euros par la CADES prévue en 2020 se poursuit : après un premier transfert de 20 milliards en 2020 suivi d'un autre de 40 milliards en 2021, un nouveau transfert du même montant est prévu en 2022. Ce modèle performant, qui doit être consolidé, garantit le remboursement de la dette sociale dans un horizon donné. Il empêche que les déficits sociaux ne pèsent sur les générations futures tout en assurant un financement de la dette à des taux aujourd'hui très attractifs.
Un certain nombre de propositions ont été faites tendant notamment à affecter une partie des recettes de la CADES au financement des dépenses courantes. Le ministère chargé des comptes publics est bien évidemment ouvert à une réflexion sur les modalités de financement d'une part de la dette et d'autre part des déficits, même s'il reste assez invariablement attaché à l'affectation des ressources de la CADES à l'amortissement de la dette sociale et donc à la préservation du modèle que nous avons prolongé avec la loi organique du 7 août 2020.
Il est indispensable de nous interroger sur les moyens qui vont permettre à la sécurité sociale de s'inscrire dans une trajectoire de retour à l'équilibre. C'est une question d'efficacité, de durabilité mais aussi de justice envers les plus jeunes générations.
Une stratégie de retour à l'équilibre ne peut pas s'appuyer sur une hausse des cotisations. Ce n'est pas la politique conduite depuis 2017, car augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires n'est pas un service rendu à la croissance. Une telle augmentation des cotisations ou de la fiscalité a d'ailleurs été essayée, sans succès, et nous ne voulons pas connaître à nouveau un tel échec.
Pour nous, la stratégie de retour à l'équilibre repose d'abord sur la poursuite de notre politique d'augmentation du potentiel de croissance. Cela implique non seulement de continuer les réformes structurelles engagées durant le quinquennat, mais aussi, bien évidemment, d'ouvrir la question de la réforme des retraites, que nous avons dû suspendre avec la crise. Cette réforme doit nous permettre à la fois de garantir la productivité et la compétitivité de notre pays et de maintenir un système particulièrement protecteur qui soit le plus juste et le plus lisible possible.
Nous devons aussi travailler à une régulation rénovée des dépenses d'assurance maladie et, pour mener à bien ce chantier, à une gouvernance rénovée des finances sociales. La proposition de loi organique de Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales, qui sera examinée demain par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, va dans ce sens. Elle nous permettra de mieux inscrire le pilotage des finances sociales dans un pilotage global et pluriannuel des finances publiques. Elle apportera davantage de lisibilité, grâce à plusieurs dispositions : l'alignement des dates de dépôt des lois financières ; la création d'un compteur des écarts entre les dépenses prévues dans les LFSS et celles qui figurent dans la loi de programmation des finances publiques ; la rationalisation des exonérations de cotisations sociales. Elle permettra en outre, il faut le souligner, de renforcer le contrôle et l'information du Parlement, notamment en introduisant un article liminaire qui donnera une vision sur l'intégralité de la sphère sociale et en améliorant l'information contenue dans les annexes.
Nous avons tous devant nous des défis à relever pour assurer la soutenabilité à long terme de notre modèle social. Cela passe évidemment par un approfondissement des réformes que nous avons menées. La situation des comptes sociaux, comme celle des comptes de l'État, reflète les efforts que nous avons consentis et les politiques que nous avons mises en œuvre durant la crise pour protéger les Français. Toutefois, cette situation ne doit pas être considérée comme normale : nous avons l'obligation impérieuse de revenir à l'équilibre dans les meilleures conditions. C'est ce à quoi nous souhaitons nous attacher dans les mois et les années qui viennent.