Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Bien que ce rapport ne prétende pas aborder le thème de la soutenabilité de la dette, sa conclusion générale reprend les habituelles rengaines sur le danger de la dette, qui ne servent selon nous que de prétexte idéologique pour démonter notre système de protection sociale. Cette question importante devrait être au cœur du débat de la campagne présidentielle.

D'un point de vue macroéconomique, sur le long terme, la dette a moins été créée par une augmentation des dépenses que par une diminution des recettes de l'État, qui s'explique par les cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Son accroissement résulte aussi de l'intervention de l'État pour sauver les banques en 2007 et 2008 ainsi que des dépenses liées à la crise du covid.

Pour faire peur à tout le monde, on évoque toujours un rapport entre le stock et le flux : on affirme ainsi que notre pays est endetté à hauteur de 113 % de son PIB, comme si nous avions à rembourser la somme correspondante en un an. Or chacun sait que la dette court, en moyenne, sur plus de sept ans ; c'est donc à cette durée qu'il faudrait rapporter l'endettement réel de l'État.

Certes, nous avons eu besoin de creuser les déficits pendant la crise du covid – notre critique porte sur la manière dont le Gouvernement s'y est pris, en prolongeant en réalité une politique de l'offre – et nous avons encore besoin d'investissements massifs pour réaliser la bifurcation écologique, ce qui justifie, à un moment donné, le recours à la dette. Cependant, la « dette covid » n'a pas été contractée par l'État sur les marchés, mais directement auprès de la Banque centrale européenne – elle représente à peu près 20 % de la dette ouverte par cette dernière –, ce qui exclut le risque de défaut : aussi préconisons-nous de l'annuler. Cette opération peut passer par une transformation de la dette covid en dette perpétuelle à taux négatifs, comme le proposent certains économistes, y compris Alain Minc, ou par un jeu d'écritures monétaires. Cela nous semble plus opportun que de traîner cette dette comme un boulet, pendant des années, ce qui impliquerait une réduction des dépenses publiques, puisque le Gouvernement a annoncé qu'il n'augmenterait pas les impôts, et la destruction des services publics.

Pendant la crise du covid, la BCE a donc décidé de prêter directement aux États, en rupture avec tous les traités européens. Nous devrions en tenir compte, à l'avenir, au lieu de revenir aux mécanismes européens de solidarité traditionnels qui impliquent un passage par les marchés. C'est par ce genre de prêts directs que devraient être financés les investissements visant à opérer la bifurcation écologique. En d'autres termes, il convient de définanciariser la dette, comme je le propose dans un livre que je viens de publier à ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.