Nous avons connu une politique particulièrement ciblée sur les territoires alpins. Or il s'agit désormais d'anticiper et d'étendre cette politique au territoire national. La politique des cercles représente une mesure positive créée il y a quelques années. Elle définit un niveau de protection ou encore le dispositif de défense qui peut être mis en place en fonction de la présence des loups et de leurs attaques. Tout le dispositif est basé sur les attaques de loups. Il ne s'agit en effet pas de prélever des loups qui n'attaquent pas. Cette politique de cercles permet un financement et une gestion différenciés des mesures de protection, mais aussi des prélèvements. Pour préparer l'arrivée du loup dans de nouveaux départements, une anticipation et une pédagogie sont nécessaires pour ces territoires et leurs habitants. À défaut, ces arrivées engendrent une panique, à l'instar de l'apparition des loups en Aveyron et en Ariège, sur le territoire de la filière ovine laitière pour le Roquefort.
Les bergers rencontrent plusieurs difficultés. Les contrats de travail ne sont plus adaptés aux méthodes de travail et aux besoins de protection. Un berger doit pouvoir protéger son troupeau la nuit, dans des conditions climatiques difficiles. Se pose donc la question d'un unique contrat de travail au regard du nombre d'heures travaillées. La question des conditions de vie se pose également. Certaines cabanes, particulièrement anciennes, ne correspondent pas aux standards de confort minimum. Par ailleurs, le recrutement et la formation ne prennent pas en compte ce nouveau risque. Par conséquent, j'ai effectué des préconisations en ce sens.
Le coût privé net dépasse le périmètre strict de mon rapport, dans lequel j'ai souhaité m'intéresser au coût public de la dépense. Mon estimation du coût privé atteint cependant environ 10 millions d'euros, dont presque 8 millions d'euros de reste à charge pour les éleveurs au titre de la mise en œuvre des mesures de protection. Ce coût privé demeure difficile à évaluer et mériterait qu'un autre rapport y soit consacré.
L'estimation du nombre de loups sur le territoire national demeure incertaine. Il s'agit d'une estimation statistique réalisée à partir d'un certain nombre d'indices prélevés sur le territoire. Or le réseau loup-lynx, qui réunit divers acteurs qui collectent ces indices, éprouve des difficultés pour se régénérer et mobiliser un nombre suffisant de membres. De fait, nous ne sommes pas en mesure de savoir si l'intégralité des indices est collectée. Ensuite, la méthode statistique utilisée suscite de nombreuses interrogations. C'est la raison pour laquelle je préconise de mettre en place une méthode alternative de comptage avec de nouveaux moyens technologiques (par exemple, des pièges-photos), pour disposer d'une estimation plus juste et plus transparente du nombre de prédateurs. De ce chiffre découlera la politique publique à adopter. Le cas de l'ours s'avère différent. En effet, nous identifions plus facilement le nombre d'ours puisqu'ils vivent dans un périmètre déterminé.
Il n'existe aucun benchmark des modalités de comptage de la population lupine. J'ai auditionné les fonctionnaires de la Commission européenne et n'ai obtenu aucune réponse à mes questions. Ils ne m'ont pas fourni le coût du budget de protection et n'ont pas su m'indiquer le nombre de loups présents sur le territoire européen. Or, un horizon européen demeure nécessaire pour la régulation de cette espèce : il existe une réelle lacune dans la gestion de cette politique d'un point de vue européen. En outre, le peu de benchmarks dont nous disposons doivent être considérés avec précaution, car les pratiques pastorales peuvent différer selon les territoires. Une de mes préconisations consiste à mettre en place une étude européenne sur les impacts de la prédation sur les différents systèmes d'élevage au niveau européen. En outre, un travail est en cours quant à l'estimation du nombre de loups. Il se déroule sous l'autorité du préfet coordonnateur.
Il n'existe pas de cadre légal adapté pour les chiens de protection. La réglementation prévoit que leur maître ne doit pas les laisser en état de divagation. Toutefois, par essence un chien de protection est élevé par et avec le troupeau depuis sa naissance. Il ne s'agit pas d'un chien de conduite pastorale, ou chien de berger. Il assume la protection du troupeau face à une menace létale. Ces animaux doivent être agressifs. Il existe en effet beaucoup d'incidents avec les randonneurs et dans les villages. À la fin de l'été, ces chiens restent avec les éleveurs dans les villages, et pendant l'été ces animaux sont soumis à un stress important. À force de pressions, ils peuvent avoir des comportements inadaptés et agressifs à l'égard des promeneurs. C'est pourquoi je formule des préconisations et un partage de la responsabilité, en cas d'incident, entre l'éleveur et l'État puisque ces chiens de protection sont imposés aux éleveurs par la politique de protection des espèces prédatrices.
Je suis d'accord quant aux dérapages des dépenses et à l'obligation de modifier le cadre. Mon rapport a pour objectif de modifier ce cadre ; de s'interroger sur une politique de régulation des espèces et de proposer une réglementation simplifiée de la protection systématique des troupeaux pour que les prédateurs comprennent qu'ils ne peuvent pas s'en approcher. L'équilibre doit être viable entre ces espèces et le pastoralisme.
La transformation en ICPP des versements des mesures de protection sur le modèle des ICHN représente une proposition de long terme émanant de la profession agricole. Elle ne modifiera pas le coût global de la mesure de protection, mais son coût total dépendra de l'évolution de la présence du loup dans les années à venir. Cette question nécessite un examen approfondi.
Je n'ai pas interrogé les assurances privées. Ce sujet mérite également d'être approfondi.
J'ai élaboré 26 recommandations : j'espère que quelques-unes seront reprises.