J'aurai également une pensée pour l'Ukraine avant de présenter mon exposé. Par ailleurs, je tiens à dire que siéger au sein de cette commission fut pour moi un honneur et un bonheur, en même temps qu'une belle expérience et l'occasion de belles rencontres.
Je présenterai pour ma part, dans un premier temps, les conclusions de ce qu'on pourrait appeler notre analyse administrative de la DSIL, c'est-à-dire le déroulement complet de la procédure du dépôt du projet jusqu'à l'octroi de la subvention ou le rejet par le préfet.
Nous avons tenu à interroger un large échantillon représentatif de préfectures de départements ruraux ou urbains, ainsi que l'ensemble des préfectures de région, y compris outre-mer. Je remercie donc les préfectures qui nous ont consacré du temps dans le cadre de cette étude.
La procédure commence par l'envoi par le Gouvernement d'une circulaire aux préfets. En effet, il s'agit de crédits de l'État, et la DSIL s'inscrit chaque année dans un ensemble de priorités politiques fixées par le Gouvernement. Cette année, par exemple, on peut citer parmi les priorités retenues le financement des contrats entre l'État et les collectivités – contrats de relance et de transition écologique, Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services, Territoires d'industrie… –, la transition écologique des territoires, et, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024, la construction et la rénovation d'équipements sportifs.
Je veux saluer la publication tôt dans l'année de cette circulaire. Signée le 7 janvier, elle est mise en ligne le 21 janvier, ce qui permet une organisation optimale des préfets et des élus pour le lancement des appels à projets, l'instruction des dossiers, et donc l'établissement de la programmation des subventions.
Comme on le sait, la DSIL est pilotée au niveau régional dans un cadre déconcentré. Il en résulte que les préfets de région établissent des priorités régionales. Par exemple, en Auvergne-Rhône-Alpes, le préfet de région a invité les préfets de département à bonifier les financements des projets « qui contribuent de manière claire à décliner les objectifs de la stratégie régionale eau-air-sol ».
Globalement, la liberté de choix laissée aux préfets est plus large que pour la DETR. En effet, en l'absence de commission d'élus, les préfets retiennent rarement des planchers ou des plafonds de subvention, ou des bonifications. Ils essaient cependant de cibler un montant plutôt élevé, ce qui correspond au caractère structurant qui est recherché : ils permettent ainsi à des dossiers de sortir lorsqu'ils sont structurants. À mon sens, on pourrait cependant aussi s'interroger sur la pertinence de fixer un montant minimal de subvention pour éviter un coût en instruction – traitement comptable, temps agent… – supérieur au montant de la subvention ; celle-ci peut effectivement être parfois très modeste, ce qui peut faire douter du caractère structurant du projet concerné. Je reprends là une suggestion de la région Normandie.
Le dépôt des dossiers intervient en début d'année. Je salue l'utilisation qui semble de plus en plus fréquente de la plateforme en ligne dite démarches simplifiées – je dirai en conclusion les évolutions que je souhaite à ce sujet. Elle permet un dépôt facile par voie numérique ; c'est un progrès, même si d'autres progrès restent nécessaires.
Au total, le dépôt des dossiers prend un mois et demi, comme l'instruction. Un délai moyen d'environ trois mois s'écoule donc entre l'ouverture des appels à projets et la fin de l'instruction par les services de l'État. Avec une circulaire gouvernementale publiée à la fin du mois de janvier, une programmation des subventions peut être prête aux environs de la fin du mois d'avril dans les préfectures, ce qui constitue une petite prouesse.
Il faut cependant noter – c'est un point important de notre rapport – l'intérêt du pilotage régional de la DSIL. Nous avons en effet observé, en étudiant les réponses des préfectures, que le pilotage régional induit un délai moyen supplémentaire d'environ un mois dans la procédure par rapport à une procédure purement départementale comme celle appliquée à la DETR. En effet, dans la pratique, la répartition des rôles pour la DSIL s'opère ainsi : les projets sont instruits, étudiés et sélectionnés par les préfets de département, voire dans certains cas par les sous-préfets d'arrondissement ; c'est le cas en Bretagne, en Normandie, dans les Pays de la Loire, ou encore dans le département du Gers de notre président Cazeneuve. La loi prévoit cependant que les arrêtés attributifs de subvention restent signés par le préfet de région ou le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) compétent. Ce découplage induit donc un délai supplémentaire d'un mois. Ainsi, dans le département des Hautes-Alpes, pour la DSIL 2021, 38 arrêtés ont été transmis le 20 avril 2021 à la préfecture de région et n'ont été signés que le 7 juin 2021.
Quand on connaît l'importance de la rapidité d'attribution des subventions et de l'engagement des crédits pour l'efficacité de l'investissement local, ce constat plaide pour une gestion départementale de la DSIL. Il ne s'agit pas de rationaliser l'enveloppe mais de départementaliser.
Nous avons interrogé les préfets sur ce point : certains penchent pour la départementalisation, éventuellement totale, mais d'autres estiment que l'équilibre actuel est satisfaisant. Cela dépend en fait largement des doctrines régionales et des spécificités de chaque territoire.
En faveur de la régionalisation, on note la souplesse, le ciblage de projets structurants, la possibilité d'avoir une « régulation régionale » par la DSIL, avec des attributions péréquatrices en fonction de la situation des territoires, comme dans ma région, ou favorables aux territoires ruraux, etc. En faveur de la départementalisation, on note la définition floue de ce qu'est un projet structurant, et la lourdeur de la procédure que l'on a évoquée.
En réalité, l'état du droit a déjà évolué, car la loi du 21 février 2022 dite 3DS prévoit que le préfet de région va pouvoir déléguer cette faculté de signature au préfet de département. Il s'agit cependant d'une délégation facultative ; dans un an au moins, il faudra donc faire le point sur le nombre de préfets de région ayant saisi cette possibilité, et en analyser les conséquences sur la rapidité de l'attribution des subventions dans les régions où elle a été utilisée. Nous recommandons d'ores et déjà d'attribuer au préfet de département la compétence de signer les arrêtés. Un premier bilan de cette disposition de la loi 3DS devrait fournir des éléments intéressants pour appuyer cette proposition.
Un autre point important de notre étude a été l'analyse du taux de rejet des projets, car il est plus élevé dans certains départements, et de ce qu'on pourrait appeler le taux de chute, c'est-à-dire le nombre de projets qui, ayant reçu une subvention, n'aboutissent pas, ce qui constitue un handicap pour les dossiers qui avaient été présentés et non retenus.
Le taux est en forte hausse en 2020 et 2021, car la DSIL exceptionnelle, d'un montant de près d'un milliard d'euros, et les crédits du plan de relance ont parfois créé dans les territoires un appel d'air. Le nombre de dossiers déposés a connu une forte hausse et, malgré les crédits disponibles, le taux de rejet également. Dans l'Indre, il passe ainsi, pour la DSIL, de 29,4 % en 2020 à 72,7 % en 2021.
Néanmoins, il faut nuancer cette notion de taux de rejet. Certains projets rejetés pour la DSIL sont « rattrapés » avec la DETR, ou inversement ; un projet rejeté à la première programmation de printemps, où l'on attribue 80 % des crédits, peut être subventionné dans la seconde programmation de fin d'année. En outre, des projets rejetés sont parfois retenus l'année suivante. Dans l'Indre, 29 % des dossiers rejetés sont redéposés l'année suivante. Enfin, la qualité des échanges entre préfectures et collectivités permet souvent d'éviter en amont le dépôt de projets non éligibles.
Quant au taux de chute, il apparaît globalement négligeable, ce qui est plutôt encourageant. Ainsi, pour la DSIL, depuis qu'a été créée cette dotation, en 2016, le nombre de projets déprogrammés se compte le plus souvent sur les doigts d'une main, l'abandon pouvant notamment être causé par un changement de majorité municipale ou par une annulation liée à une décision de justice. Cela montre que, globalement, les services préfectoraux parviennent à réaliser une instruction efficace et à sélectionner les projets réellement aboutis.
C'est donc dans l'ensemble un constat satisfaisant que nous dressons sur la procédure de la DSIL. Sur le terrain, on voit toute la souplesse que donne une gestion déconcentrée, mais la question du pilotage régional ou départemental reste posée.