Intervention de François Baroin

Réunion du jeudi 30 avril 2020 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

François Baroin, président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité :

L'état d'urgence sanitaire a été décidé par l'État, sans concertation avec les maires et les présidents d'intercommunalités. Les maires n'ont pas de responsabilité en matière de santé publique, ils agissent comme des agents de l'État. Mais, les « trous dans la raquette » étant incontestables, les maires ont pris de nombreuses initiatives pour répondre aux attentes de leurs administrés.

Le double pilotage du ministère de la Santé, ministère producteur de normes et régulateur budgétaire, et du ministère de l'Intérieur, compétent traditionnellement pour les gestions de crise, a compliqué les choses. À cela s'ajoute la suppression du Conseil national de la sécurité civile, en 2017, qui a désorganisé l'application des préconisations du ministère de la Santé, la logistique « du dernier kilomètre » et la coordination avec les élus locaux. L'exemple le plus révélateur a été le fonctionnement en silo du ministère de la Santé, essentiellement tourné vers la santé publique hospitalière. Les maires ont acheté des masques, non dans une logique de compétition avec l'État mais pour compléter ce qu'il ne pouvait faire puisqu'il distribuait les masques en priorité au personnel soignant hospitalier. Beaucoup de maires se sont ainsi organisés pour distribuer des masques aux médecins de ville afin de combler ce déficit et assurer la résistance du corps médical.

Pour le déconfinement, les préfets de département, et non de région, doivent avoir autorité sur toutes les administrations d'État. Pour la réouverture des écoles, un protocole de bonnes pratiques locales co-signé par le préfet et le maire doit établir ce que le maire peut faire, en fonction de critères à clarifier, le Premier ministre n'ayant pas dit tout à fait la même chose que le comité des experts. Si les maires ne peuvent pas faire ce qu'on leur demande, ils n'ouvriront pas les écoles. Profitez donc du texte prolongeant l'état d'urgence sanitaire pour améliorer la protection pénale des maires prévue dans la loi dite « Fauchon ». Ils ne souhaitent pas fuir leurs responsabilités mais refusent d'être des kamikazes appelés à exercer une responsabilité qui n'est pas la leur au départ, alors qu'ils n'ont pas la possibilité matérielle de mettre en œuvre les obligations qu'on leur impose. Par exemple, le ministère de l'Éducation nationale vient de nous transmettre un protocole de 63 pages d'une grande complexité ; sans doute la moitié des enfants retourneront-ils à l'école aux alentours du 12 mai, dans une première phase.

Le rôle du ministère de l'Intérieur dans la gestion du déconfinement doit aussi être clarifié par des protocoles cohérents définis par l'État en liaison avec les parlementaires. Pour les transports publics, les espaces publics et les établissements recevant du public, une ligne directrice doit être proposée, adaptable selon les communes. De plus en plus de maires veulent rendre le port du masque obligatoire dans l'espace public mais la décision négative du Conseil d'État sur l'arrêté pris par le maire de Sceaux rend presque impossibles des arrêtés municipaux en ce sens. Les parlementaires pourraient intervenir, car le port obligatoire du masque est un facteur de restauration progressive de la confiance, un moyen d'éviter des tensions entre ceux qui portent un masque et ceux qui n'en portent pas, donc des risques de débordements.

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