Intervention de François Baroin

Réunion du jeudi 30 avril 2020 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

François Baroin, président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité :

La confusion tient-elle aux initiatives des maires, ou la désorganisation et l'impréparation constatées les ont-elles contraints à les prendre ? En obligeant au port du masque dans l'espace public, le maire de Sceaux a signifié que chacun doit se protéger par tous les moyens dans le cadre des sorties autorisées. Ce choix a donné lieu à débat. Le Conseil d'État a été amené à se prononcer, et le Gouvernement a finalement modifié sa position sur les masques, il faut le reconnaître. Il est dans la nature des maires de servir ; ils ne l'ont pas fait pour troubler le jeu mais pour compléter les dispositions prises par l'État.

Que l'on se sente différemment protégé selon les territoires est une évidence : d'une manière générale, vous vous sentez sûrement mieux protégé si vous habitez une ville où est installé un centre hospitalo-universitaire. Les effectifs de la fonction publique d'État ont progressivement fondu ; les collectivités locales compensent cet effacement. Un rééquilibrage sera nécessaire, sur tout le territoire, avec les moyens afférents. On ne peut plus avoir des ARS qui ralentissent l'action car leur personnel ne peut remplir des missions pour lesquelles il n'a pas été formé. La santé de proximité doit être décentralisée. Dans les hôpitaux, il faut en revenir à des conseils d'administration pour que les élus reprennent la main et aller dans le sens d'une meilleure coordination avec le secteur privé.

Il doit y avoir un immense bond en avant en matière de décentralisation car nous sommes plus agiles, plus professionnels, plus engagés dans nos territoires. Il aurait déjà dû y avoir un avant et un après le mouvement des gilets jaunes. Il y aura des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires à la rentrée ; l'organisation de Pôle emploi doit aussi être repensée. Cela vaut également pour le sport, le tourisme, la culture, le logement ; les parlementaires doivent avoir une grande ambition décentralisatrice.

Le sénateur Hervé Maurey a déposé une proposition de loi visant à améliorer la protection juridique du maire mais le bon véhicule serait la loi de prolongation de l'état d'urgence sanitaire. On cherche à dégager le plus possible les maires des risques de recours en cas de négligence ou d'imprudence. Lisez les 63 pages du protocole que nous a adressé l'Éducation nationale : l'immense majorité des communes sont incapables de répondre aux exigences relatives à l'équipement des locaux. Si les maires pensent courir un risque pénal, beaucoup d'écoles n'ouvriront pas.

Nous souhaitons que, dans le respect des préconisations en matière de santé publique que formuleront les experts dans leur rapport du 23 mai, les conseils municipaux élus au premier tour s'installent rapidement et que le deuxième tour ait lieu dans les meilleurs délais. Il conditionne la composition des intercommunalités, acteurs majeurs de la relance économique.

Le plan communal de sauvegarde devrait en effet être élargi.

L'humeur au sein des couples maire-préfet dépend des relations interpersonnelles, qui peuvent être changeantes. L'efficacité attendue sera atteinte si on oblige à des protocoles cosignés. Si des problèmes bloquaient l'application du déconfinement, nous demanderions au ministère de l'Intérieur de mettre un peu d'huile dans les rouages.

Pour les finances, je partage le point de vue de Dominique Bussereau. Il faudra revoir la suppression de la taxe d'habitation, qui a annihilé l'autonomie fiscale des départements. Faire dépendre la solidarité à l'égard des plus fragiles de la seule TVA à un moment où la consommation est bloquée, c'est mettre les départements sous tutelle de l'État. Et, selon France Stratégie, il faudrait supprimer les impôts de production car ils freinent l'économie ; où s'arrêterait alors l'effondrement de nos recettes ? Il importe de savoir comment l'État prendra à sa charge les conséquences financières du confinement qu'il a décrété, en nationalisant les pertes de recettes des administrations publiques territoriales de tous niveaux pour qu'elles conservent une capacité d'autofinancement et puissent agir en faveur de la relance. C'est l'amorce du débat sur la loi « 3D » : la décentralisation, ce sont des compétences, des moyens et des effectifs.

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