Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de proroger l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020, à compter du 24 mai et pour une durée de deux mois – du moins dans sa rédaction initiale puisque le Sénat a limité cette prorogation au 10 juillet. Je ne vois pas bien l'intérêt d'une telle réduction ; la durée prévue à l'origine par le Gouvernement me paraissait mesurée. Cette prorogation intervient alors que la période de confinement général aura cessé depuis le 11 mai et elle fixe un cadre législatif pour la reprise de l'activité.
Outre la prorogation, le projet de loi complète le dispositif de l'état d'urgence. Il faut évoquer ici une initiative de nos collègues du Sénat, qui se sont montrés préoccupés par la question de la responsabilité pénale des responsables publics et privés, dans le cadre ou à l'occasion de la mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre l'épidémie de Covid‑19. Le Sénat a adopté un amendement à l'article 1er qui traite de cette question. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés y est hostile pour deux raisons.
Il n'est pas souhaitable d'instaurer un régime de responsabilité pénale applicable à la seule lutte contre le Covid-19. La rapporteure a rappelé que la loi du 10 juillet de 2000 est équilibrée puisqu'elle protège tout en préservant le principe de responsabilité pénale. Nous partageons les réserves exprimées par le Premier ministre devant le Sénat à ce sujet.
Le Sénat reprend, sous une forme certes élégante et pédagogique, les dispositions de l'article L. 121‑3 du code pénal sans y apporter de particulier : cela ne justifie pas l'adoption d'un texte nouveau. Nous proposons plutôt d'insérer dans la rédaction en vigueur du code pénal un alinéa très court, précisant seulement qu'il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l'état des connaissances scientifiques au moment des faits. Nous sommes heureux d'avoir été, sur ce sujet, à l'origine d'une rédaction commune au sein de la majorité.
L'article 2 détermine les conditions dans lesquelles des personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l'infection peuvent être placées en quarantaine à leur entrée sur le territoire national. Il me semble que les choses doivent être précisées : une personne ayant séjourné à Bergame ou dans la région de Milan présente-t-elle moins de risques qu'une autre ayant résidé à Mulhouse ?
L'article 6 prévoit la création d'un système d'information ayant pour objet le traitement et le partage des données à caractère personnel concernant la santé des personnes atteintes par le virus. La durée de vie de ce système fait débat ; le groupe MODEM estime qu'une durée de six mois à compter de la promulgation de la présente loi serait raisonnable.
Le consentement des personnes au traitement et au partage de leurs données médicales est un autre sujet de débat. Le problème dépasse la question de la compatibilité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) d'un système qui négligerait ce consentement ou celle de l'obstacle technique que représenterait, pour la bonne marche du système, la sollicitation de ce consentement. Le problème est de savoir jusqu'où une société est capable de remettre en cause les valeurs de liberté, de respect de la vie privée et d'affirmation de l'individu pour limiter la contagion d'une maladie capable de provoquer des dizaines de milliers de morts. Si le consentement préalable et explicite des intéressés peut paraître difficile à exiger, notre groupe souhaite que leur acceptation, même si elle n'est que tacite – mais libre –, soit requise pour la mise en œuvre de ce système d'information.