Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 6 mai 2020 à 12h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

La lutte contre le Covid-19 nous impose de prendre des mesures d'urgence afin de préserver la santé de nos concitoyens, sans pour autant tourner le dos à l'État de droit qui fonde notre démocratie. Il faut un équilibre, comme nous avons essayé de le faire en 2015 avec l'état d'urgence, en essuyant les mêmes critiques.

Le Sénat a décidé de limiter la prolongation de l'état d'urgence sanitaire au 10 juillet, ce qui convient au groupe Socialistes et apparentés.

Le projet de loi ne modifie que l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 : de portée limitée, il ne prend pas en compte les questions sociales et les conséquences graves de certaines ordonnances sur notre démocratie. La justice, qui en est l'un des piliers, doit absolument redémarrer. À cet égard, nous saluons la décision du Sénat d'abroger les dispositions prises par ordonnance relatives à l'allongement automatique de la détention provisoire, qui sont profondément choquantes. Nous pensons d'ailleurs que cette disposition devrait entrer en vigueur immédiatement, sans attendre le 24 mai.

Sur le fond, toutes les mesures de l'état d'urgence ont pour objet de déroger au droit normalement applicable pour parer aux conséquences de la pandémie. Elles disparaîtront donc à la fin de la crise. Elles trouvent pourtant leur place dans le code de la santé publique, dans un nouveau chapitre consacré à l'état d'urgence sanitaire, qui perdurera jusqu'au 1er avril 2021. Cela introduit une certaine confusion, puisqu'on ne sait pas toujours si les mesures dont nous discutons ont une valeur générale, rattachée à un état d'urgence sanitaire qui pourrait être à nouveau mobilisé, ou si elles n'ont qu'une valeur ponctuelle. Pour clarifier les choses, nous rappellerons régulièrement que les mesures dont nous débattons se rapportent exclusivement au Covid-19.

Quelques points retiennent particulièrement l'attention de notre groupe. S'agissant de la responsabilité des acteurs publics et privés, nous rejoignons les observations faites tant par la rapporteure que par Mme Laurence Vichnievsky : le droit positif et la jurisprudence protègent déjà les élus et, du même coup, les citoyens. Je suis convaincue que le juge prend en compte les circonstances exceptionnelles d'une décision. Nous vous soumettrons toutefois une proposition pragmatique : une validation par le préfet dès lors qu'un maire souhaitera prendre des précautions.

Notre deuxième interrogation concerne l'évaluation et le contrôle des mesures prises pendant l'état d'urgence. Le Sénat a amélioré les choses, mais nous devrions reprendre les modes de contrôle instaurés en 2015. Les parlementaires et les citoyens ont le droit de connaître précisément l'impact du Covid-19 puisque c'est ce qui justifie le présent texte – en particulier le nombre exact de personnes décédées chez elles à cause du virus, que les médecins Sentinelle parviennent pourtant à comptabiliser dans le cadre d'une épidémie ordinaire. Les citoyens ne sont pas des enfants : ils doivent avoir accès à l'intégralité des chiffres relatifs à cette pandémie.

Il faut, plus encore que ne l'a fait le Sénat, faciliter les recours juridiques pour les personnes qui se verraient imposer une mesure de quarantaine ou d'isolement.

Nous sommes étonnés, enfin, que les masques et les tests, qui sont des outils essentiels de la lutte contre le Covid-19, n'aient pas leur place dans ce projet de loi. L'accès aux masques importe plus que les contraventions que commettront ceux qui n'en porteront pas, notamment dans les transports publics.

L'article 6 a pour objet de lever le secret médical. Ce n'est pas rien. Le fichier que vous voulez créer sera accessible à 30 000 personnes, dont un certain nombre ne sont pas des professionnels de santé et n'ont pas la culture du secret médical. Si l'on ne peut faire autrement, il faudra les y sensibiliser.

Nous défendrons avec force et d'une manière constructive les libertés publiques et le respect de la vie privée.

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