Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 6 mai 2020 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Il est clair que la disposition introduite par le Sénat a vécu : la modification de l'architecture des dispositions pénales est difficilement admissible. La loi Fauchon, dont nous avons tous vanté les mérites, pose clairement une obligation de moyens, non de résultats ; une jurisprudence constante confirme cette orientation. Or, dans l'obligation de moyens, il est bien évidemment tenu compte du contexte dans lequel la décision a été prise. L'arsenal offert par le code pénal suffit donc à trancher la question en ce qui concerne la catastrophe sanitaire. Par conséquent, la précision que la majorité entend apporter est inutile. Laurence Vichnievsky, que je soupçonne de partager au moins en partie mon avis, l'a d'ailleurs reconnu : le juge tient compte du contexte. J'ai vraiment du mal à imaginer qu'un juge pourrait ne pas examiner in concreto une question qui lui serait soumise.

Du reste, les interprétations auxquelles cette précision donnerait lieu, dont M. Ciotti – entre autres – s'est fait l'écho, seraient tout à fait recevables : le fait d'inscrire dans le texte une référence à l'état des connaissances scientifiques permettrait d'absoudre bien des autorités.

Par ailleurs, nos discussions démontrent à quel point il est problématique d'introduire, et qui plus est de manière pérenne, une telle disposition dans le code pénal à l'occasion de l'état d'urgence sanitaire. Au demeurant, les juges ont déjà eu à trancher des litiges s'inscrivant dans des situations de catastrophe : ils n'ont pas eu besoin de la précision que vous voulez introduire pour apprécier les connaissances scientifiques au moment des faits. En outre, la décision consistant à amorcer le déconfinement le 11 mai – que j'approuve, d'ailleurs – est d'ordre politique : elle ne repose pas sur un avis scientifique.

Je considère, en définitive, que ces amendements sont de circonstance, car le vide juridique n'est pas avéré. Selon moi, on en fait plus que les élus, l'ensemble des décideurs publics et les chefs d'entreprise n'en attendent ; ils se sont tous mis au travail, sans se demander s'ils couraient un risque sur le plan pénal. Ce dont les élus ont besoin, en revanche, c'est d'être accompagnés, car ils ont peur de mal faire. Nous devons faire acte de pédagogie et les rassurer en leur expliquant que le droit existant les protège déjà, car il s'applique aussi aux décisions prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

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