Intervention de Patrick Sannino

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des commissaires de justice :

Cette audition prouve que le Parlement s'intéresse à nos professions. Je n'insisterai pas sur la gravité de la crise. La profession des huissiers est entrée en confinement de la même manière que le pays, avec précipitation et impréparation. Pour autant, nous avons pu constater une réelle volonté de la Chancellerie de renforcer les échanges avec notre ordre professionnel. La bonne marche des institutions a ainsi permis d'éviter une rupture de dialogue. Les ordonnances dites « Justice » du 25 mars 2020 ont correctement identifié les problèmes rencontrés par les professionnels du droit. La mise en place d'une période juridiquement protégée a permis d'éviter une catastrophe juridique, judiciaire et démocratique. La plupart des études n'ont pas fermé. Les huissiers ont traité les dossiers qui pouvaient l'être à distance et assuré des permanences dans chaque cour d'appel pour signifier les rares actes transmis.

Pour autant, la nature même des plans de continuation de l'activité des juridictions qui, à de rares exceptions, excluaient le contentieux civil a provoqué une chute brutale de l'activité des offices. La suspension, pour des raisons éthiques, des procédures de recouvrement par les grands donneurs d'ordre publics (URSSAF, RCI, DGFIP, etc.), mais également bancaires et privés, a entraîné une cessation de l'activité de recouvrement des créances.

Dans ce contexte, nous avons déployé une stratégie autour de deux axes : le développement des outils numériques et l'accompagnement des professionnels dans le but de maintenir l'activité sur le terrain. Nous avons étendu la signification électronique aux personnes physiques et mis en place le système gratuit « Urgence Médiation », afin de ne pas rompre le lien entre les débiteurs, les défendeurs et les créanciers. Nous avons également déployé « LegalPreuve.fr », une plateforme de constats d'huissier de justice adaptée à la crise sanitaire, et rédigé plusieurs protocoles (signification à personne sans contact, constats déportés lorsque la distanciation sociale est impossible, etc.) pour que les huissiers puissent continuer leur activité sur le terrain.

Toutefois, la profession des huissiers est inquiète pour l'avenir, car son activité a été réduite à la portion congrue. Le nombre de nouveaux dossiers enregistrés en avril 2020 ne représente que 10 % de ceux comptabilisé lors d'un mois normal, et les huissiers ont réalisé entre 5 et 10 % des actes qu'ils réalisent d'ordinaire. 90 % des 16 000 salariés employés dans les 4 000 offices existants ont été placés en activité partielle. Des faillites pourraient être constatées dans les semaines et les mois à venir, ce qui viendrait affaiblir le maillage territorial.

Par ailleurs, la Chambre nationale a suspendu et reporté toutes les cotisations professionnelles. Sa caisse des prêts et des restructurations est en train de se mettre en action pour répondre aux études les plus fragiles qui sollicitent des prêts de trésorerie.

Pour rappel, il peut s'écouler entre trois et six mois entre l'ouverture d'un dossier et le versement de la rémunération associée. Les pouvoirs publics doivent prendre en compte ce décalage dans le temps lorsqu'ils évaluent les conséquences de la baisse d'activité sur les études. Nous devons également discuter de la mise en place d'un dispositif d'aides ou d'un fonds de soutien destiné aux professions du droit.

Je souhaite également me faire l'écho d'informations qui m'ont été communiquées par Mme Agnès Carlier, présidente de la section des commissaires-priseurs judiciaires. Cette dernière est en quasi-inactivité depuis le 17 mars car les hôtels des ventes ont été contraints de fermer et les activités d'inventaire et de prisée ont été fortement réduites. Cette situation a fragilisé nombre d'offices. Les ventes aux enchères publiques sont de nouveau autorisées depuis le 11 mai, mais avec une limitation à dix du nombre des participants, ce qui aura également des conséquences sur l'activité. Dans ce contexte, les commissaires-priseurs plaident pour être associés aux procédures de liquidation judiciaire aux côtés des tribunaux judiciaires, des tribunaux de commerce et des mandataires judiciaires. Ils s'associent également aux demandes des huissiers pour bénéficier des mesures de l'État et notamment celles relatives à l'activité partielle.

Les professionnels du droit ont la possibilité d'aider l'État dans des matières où les juridictions sont débordées. Les officiers publics et ministériels et les auxiliaires de justice peuvent soulager les juges et les juridictions. Il faut leur faire confiance.

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