Intervention de Rémy Heitz

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris :

Dans l'ensemble, la mise en œuvre du plan de continuation d'activité s'est avéré assez adapté et a donné satisfaction. Durant le confinement, 20 magistrats étaient présents dans les locaux, sur les 125 que compte le parquet de Paris, ainsi que 40 fonctionnaires du greffe, sur un effectif de 350, afin d'assurer le traitement des urgences, notamment les dossiers relatifs aux atteintes aux personnes. Toutes les permanences ont été maintenues ; tous les délits et crimes flagrants ont été traités. Trois ou quatre audiences du siège du ministère public ainsi que deux ou trois audiences de comparution immédiate et une audience pour juger les détenus des autres chambres ont été organisées chaque jour. Nous avons maintenu un volume d'audiences relativement important, car nous avions beaucoup de renvois des deux mois précédents, en raison notamment de la grève des avocats.

Ce plan a évolué au fil du temps avec, par exemple, la mise en place d'une permanence pour les personnes vulnérables, pour les dossiers de tutelle ou de curatelle. Il s'est avéré adapté, en raison d'une très forte baisse de la délinquance et de l'activité des services de police et de gendarmerie en conséquence : on a ainsi enregistré une baisse de 70 % des cambriolages, de 80 % des vols à la tire, de 60 % des atteintes à l'intégrité physique entre avril 2019 et avril 2020. Les affaires de violences conjugales sont restées stables, mais elles ont pris une part importante dans notre activité en valeur relative, car il s'agissait des contentieux les plus prioritaires. Le nombre de plaintes relatives aux violences conjugales a diminué, mais il pourrait augmenter à nouveau avec la levée du confinement ; certaines personnes ayant été victimes ont sans doute été contraintes de décaler leur dépôt de plainte. Pendant cette période, nous avons délivré six téléphones grave danger.

Le parquet de Paris a traité 20 à 30 gardes à vue par jour en mars (pour 10 déferrements), et de 40 à 50 en avril (pour 15 à 20 déferrements), contre 120 gardes à vue habituellement (et 45 déferrements). Nous avons donc maintenu une activité de déferrement relativement importante mais nous avons arrêté certaines activités, comme les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Par ailleurs, nous avons travaillé sur les conditions sanitaires d'intervention de l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale, notamment des avocats, et le bâtonnier a repris la désignation de ces derniers le 9 avril dernier.

Le parquet disposait d'un stock de 680 dossiers à régler au début du confinement. Il en a traité 536 en télétravail, soit près de 80 %. Ce télétravail, très important comme vous pouvez le voir, a été en partie invisible pendant le confinement, mais il sera au cœur de la reprise de l'activité en permettant de clore les dossiers. La section qui traite des enquêtes préliminaires a géré 5 279 courriels donnant des instructions dans les dossiers. La relation avec les services de police a donc été maintenue.

Plus de 1 000 demandes de remise en liberté ont été traitées et le service de l'exécution des peines a ainsi connu une forte activité qui a abouti à une diminution importante de la population carcérale. La maison d'arrêt de la Santé comptait 852 détenus au début de la période et 595 à la fin, soit une baisse significative due en partie aux mises en liberté prévues dans le cadre des instructions, mais également aux dispositifs de réduction de peine exceptionnelle qui ont été très efficaces.

Des infractions nouvelles ont été traitées. 281 délits de non-respect du confinement ont impliqué, le plus souvent, un déferrement et une procédure de composition pénale avec un travail d'intérêt général de 60 heures. Cela représente sur la période près de 300 déferrements et a donc constitué une part importante de l'activité. Des délits d'opportunité, en lien avec la crise sanitaire, ont également été constatés, dont 32 affaires de trafic de masques ou encore des attaques de pharmacie par exemple.

Le tribunal de commerce a quant à lui organisé ses audiences en visioconférence dès le 1er avril et 211 dossiers ont depuis été traités.

Nous avons annulé plus de 400 audiences. Cela représente par semaine 435 dossiers qui n'ont pas été examinés. Sur l'ensemble des huit semaines (avec deux semaines plus creuses correspondant aux vacances scolaires) cela fait 3 200 dossiers qui doivent aujourd'hui être réorientés, ce qui a déjà été fait pour un tiers d'entre eux. Parmi ces dossiers, nous allons en re-citer environ un tiers. Pour un tiers d'entre eux, nous allons choisir d'autres orientations pour ne pas engorger le système, notamment les ordonnances pénales pour lesquelles le président a mis en place un nouveau système de traitement. Et pour le dernier tiers, il y aura sans nul doute des classements sans suite. Nous ne rencontrerons donc pas de difficulté à traiter les flux courants. En raison de la baisse de la délinquance, nous avons même retrouvé certaines marges dans nos convocations car, pendant deux mois, nous n'avons pas créé de stock supplémentaire. En revanche, comme nous avons réglé beaucoup de dossiers d'instruction et comme un certain nombre de grands procès ont été reportés, les files d'attente seront importantes et l'audiencement s'alourdira.

Le plan de reprise d'activité a été déployé à compter du 11 mai dernier. Les mesures sanitaires sont respectées et nous n'avons pas constaté de difficultés majeures avec le retour de 50 % des effectifs. La reprise de l'audiencement correctionnel est organisée en deux phases : du 11 mai au 2 juin, 45 % de l'activité correctionnelle reprend, puis du 2 juin au 10 juillet, ce taux sera porté à 60 %.

Pour organiser au mieux les flux de personnes et s'assurer de la présence des personnes aux audiences qui reprennent, nous avons mis en place une plateforme d'appels assurée par quatre assistants de justice. Ils contactent les personnes concernées (prévenus, victimes, avocats) afin de les informer que leur dossier sera examiné la semaine suivante ou les avertir qu'au contraire l'audience n'aura pas lieu. Vingt-sept dossiers ont été jugés lors de la première audience de la matinée du 11 mai, et dix-huit l'ont été le 12 mai. Nous utiliserons également cette plateforme pour les dossiers réorientés.

Je suis donc confiant pour la reprise de l'activité et je considère que, durant le confinement, la justice pénale a bien fonctionné, bien sûr en étant recentrée sur les priorités et les urgences, mais en assurant sa mission de service public, grâce aussi à des infrastructures adaptées et à des équipes mobilisées.

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