En matière d'outils informatiques, nous avons vu se creuser un écart important entre la situation des magistrats et celles des fonctionnaires de justice – greffiers et adjoints administratifs. Les premiers ont pu travailler à leur domicile en ayant accès aux dossiers des procédures, alors que les seconds n'ont pas pu être en télétravail. C'est donc un sujet sur lequel nous devons réfléchir, même s'il faut sans doute distinguer le civil et le pénal, puisque dans ce dernier cas se posent aussi des questions de sécurité. Un accès à Cassiopée depuis le domicile pourrait par exemple s'avérer problématique.
S'agissant de la régulation carcérale, la situation actuelle est exceptionnelle, car le taux d'occupation des prisons est inférieur à 100 %. Cet acquis devra être conservé très précieusement. Il n'est pas seulement dû aux mesures spécifiques à la crise, mais également à une baisse des entrées car la délinquance a largement décru pendant cette période. La loi de programmation et de réforme pour la justice (LPJ) apporte également des outils concrets qui doivent nous permettre de maîtriser la population carcérale et de ne pas retrouver une situation de surpopulation. Pour atteindre les objectifs qui ont été fixés, nous utiliserons ces outils, ainsi que les peines alternatives comme les travaux d'intérêt général et la détention à domicile sous surveillance électronique et nous devrons également resserrer les liens avec les directeurs d'établissement. D'ailleurs, cette voie a déjà été prise au cours de cette crise : nous avons largement échangé avec les établissements et les déferrements liés au non‑respect du confinement ont été orientés vers la réalisation de travaux d'intérêt général.
Par ailleurs, des classements sans suite seront nécessaires, car il revient au parquet d'apprécier l'opportunité des poursuites. Ces classements seront décidés par deux magistrats : un magistrat de la section de poursuite et un procureur adjoint, afin d'avoir un double regard sur ces décisions. Les dossiers seront classés avec une codification particulière, de manière à pouvoir être retrouvés facilement. Ainsi, si le prévenu concerné commet de nouveaux faits, il pourra être poursuivi pour ceux-ci et ceux classés sans suite. Un classement sans suite est toujours une décision provisoire et le dossier peut toujours être repris en cas de nouvelle interpellation de l'auteur présumé des faits.
En ce qui concerne les inégalités territoriales, les juridictions de la région parisienne ont régulièrement échangé entre elles, afin que les solutions offertes aux justiciables soient cohérentes entre les départements.
Les mineurs isolés constituent une problématique particulièrement aiguë à Paris. J'ai été saisi de la situation d'environ 200 mineurs isolés, qui étaient pour la plupart connus et pris en compte par la justice. La ville de Paris a mis en place des hébergements pour les accueillir et nous avons pris des ordonnances de placement provisoire. La justice n'a pas oublié la question des mineurs isolés. En outre, nous avons toujours considéré comme prioritaires les problématiques liées aux gardes d'enfants.