Intervention de Stéphane Noël

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris :

La grève des avocats a eu de lourdes conséquences sur le fonctionnement de la justice. Par exemple, l'aide juridictionnelle a été arrêtée et le barreau ne participe plus depuis plusieurs mois à l'activité du réseau de l'accès au droit dans les maisons de justice et du droit et des points d'accès au droit. S'agissant du bureau d'aide juridictionnelle, 1 000 décisions étant en attente de désignation, par le bâtonnier, d'avocats pour venir en soutien des justiciables éligibles à l'aide juridictionnelle. Si la présidente du Conseil national des barreaux peut estimer qu'il appartient aux juridictions de se remettre au travail, je tiens toutefois à rappeler que nous héritons d'une situation fortement obérée par les événements survenus depuis le début de l'année. Il me semble d'ailleurs opportun que le barreau réinvestisse, à nos côtés, l'ensemble du secteur aidé.

S'agissant des recrutements, madame la garde des Sceaux a annoncé une aide en matière de vacataires et non, à ma connaissance, à destination du greffe. Toutefois, dans cette période critique, nous avons besoin d'une forte mobilisation des greffiers, de vacataires au soutien des agents de catégorie C pour réaliser le travail d'enregistrement et de notification des justiciables et des avocats, les procédures étant encore très souvent manuelles. Nous ne savons pas encore de quelles marges de manœuvre nous disposerons pour faire face à ces besoins. Je précise également que, dans la gestion budgétaire, les chefs de cours en lien avec l'administration centrale disposent du volet budgétaire sur les non-titulaires qui permet de trouver des marges de manœuvre au cours de l'année.

Par ailleurs, une loi d'adaptation des procédures aux enjeux du numérique me paraît nécessaire. C'est une évidence que nous devons nous engager dans cette voie même si cela est complexe. Il ne saurait toutefois être question que le numérique détermine les réformes. Les parlementaires et les juges sont les garants d'un certain nombre de principes. Ces réformes doivent rester fondées sur les principes fondamentaux de l'équilibre des procédures, mais ceux-ci doivent être articulés avec les enjeux du numérique. Sur ce point, un fort décalage peut être constaté depuis de nombreuses années dans le fonctionnement du ministère de la Justice.

Nous devons par exemple moderniser nos bureaux d'aide juridictionnelle où les dossiers se déposent aujourd'hui en format papier ; il me semble opportun de mettre en place un système numérique plus simple d'accès par le justiciable ou par les lieux du réseau de l'accès au droit. Je vous renvoie à ce sujet aux travaux conduits par l'ancien vice-président de votre commission M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui avait également préconisé ces évolutions qui feraient gagner un temps considérable aux justiciables et aux barreaux. Il s'agit là d'une priorité sur laquelle nous avons pourtant du mal à progresser de manière concrète.

Les retards s'expliquent en partie par le fait que les fonctions relatives au numérique ont été externalisées vers des prestataires qui ne sont pas du sérail judiciaire et avec qui le dialogue est parfois difficile. Nous devons réorienter ce dialogue vers une meilleure articulation technique et la simplification de l'utilisation des outils numériques.

En ce qui concerne la prolongation de la détention provisoire, les juges n'ont pas été limités au respect d'une circulaire. L'ordonnance a été prise après une loi d'habilitation, qui prévoit des dispositions sur la détention provisoire. En outre, les juges, dans leur totale indépendance, ont apprécié souverainement ces dispositions et les ont appliquées ; cela a d'ailleurs fait l'objet de concertations au sein des services des JLD en lien avec les juges d'instruction. Les chambres de l'instruction ont également confirmé l'appréciation des JLD sur ces dispositions. Les juges ont donc appliqué de nouvelles dispositions qui sont le fruit d'une loi d'habilitation. J'ai veillé à faire remonter les inquiétudes ou interrogations qui ont pu se poser sur ce sujet.

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