La justice a été fragilisée mais n'a pas mal fonctionné ; c'est bien parce que l'État était présent que nous avons pu juger les contentieux urgents et les violences intrafamiliales. L'histoire ne se réécrit pas : nous avons mis les juridictions en plan de continuité d'activité uniquement pour répondre à une urgence sanitaire impérieuse. Il nous faut certes encore améliorer le télétravail pour les greffes et continuer à dialoguer avec les avocats. Le casier judiciaire n'a pas totalement cessé de fonctionner, contrairement à ce qui a pu être dit – les B2 étaient encore délivrés pour les personnels s'occupant de la protection de l'enfance –, et il a repris son activité dès le 28 avril.
Il n'y a pas 20 000 détenus qui ont été libérés, il y en a 13 000 en moins dans nos prisons du fait de la diminution de l'activité juridictionnelle et des mesures volontaristes que nous avons adoptées. Vous avez voté plusieurs dispositifs permettant d'adapter la peine de prison, parmi lesquels la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine pour les peines de moins de cinq ans. L'expérience de libération anticipée des détenus en fin de peine s'avérant positive, nous pouvons utiliser ces dispositifs législatifs de manière active dans les derniers mois de la peine ; c'est ce qui doit être réaffirmé aux procureurs.
À la date du 16 mars, il y avait 20 568 personnes en détention provisoire, contre 17 208 aujourd'hui. Il était essentiel de prendre les dispositions qui ont été prises sur la détention provisoire au début de la période de confinement – nous ne pouvions prendre le risque de libérer une personne potentiellement dangereuse pour n'avoir pas pu tenir les délais légaux du fait de la réduction d'activité des juridictions ; il était encore plus essentiel de revenir à la situation normale dès la fin de la période de confinement.
Sur la responsabilité pénale des décideurs, nous avons agi de la même manière : il ne fallait en aucun cas conduire à une amnistie. Nous devons assumer nos responsabilités dans le cadre des règles existantes. La rédaction adoptée ne revient pas sur ces principes.
Je ne m'opposerai pas à l'amendement relatif au classement sans suite, en dépit de ma réserve tenant à l'avis du Conseil d'État.
L'épidémie n'a pas interrompu la prise en charge de la radicalisation par les services pénitentiaires. En prison, les 522 détenus qualifiés de terroristes islamistes (TIS) et ceux qui sont susceptibles de radicalisation sont toujours évalués dans les quartiers d'évaluation de la radicalisation et pris en charge dans les quartiers de prévention de la radicalisation. En milieu ouvert, les personnels d'insertion et de probation ainsi que les partenaires avec lesquels nous travaillons ont continué à prendre en charge les personnes placées sous main de justice en milieu ouvert. Les personnes ayant bénéficié d'une libération anticipée en fin de peine n'étaient absolument pas des TIS.
S'agissant de l'état sanitaire des prisons, les chiffres de détenus et d'agents symptomatiques ou testés positifs au covid-19 sont faibles au regard des effectifs. Même si nous déplorons un mort parmi les détenus et un parmi les agents pénitentiaires, nous avons su contenir cette maladie. Depuis le 28 mars, le personnel en contact rapproché avec les détenus est muni d'un dispositif de protection et, depuis le 11 mai, tous les agents bénéficient d'un masque. Nous avons également doté de masques les détenus dans certaines situations – travail en prison, parloirs, extraction judiciaire ou médicale. Nous sommes très attentifs à isoler les détenus à la moindre manifestation symptomatique. Enfin, nous travaillons avec la direction générale de la santé et avec les agences régionales de santé pour déployer des tests en prison, ces lieux devant être testés de manière prioritaire. C'est un peu compliqué à mettre en place, mais cela sera fait.