C'est un plaisir d'être parmi vous, au sein de la commission des Lois et dans cette salle de la commission des Finances où j'ai siégé durant cinq ans.
Chacun le sait, la crise sanitaire a eu de nombreuses conséquences. Elle a changé notre vie quotidienne, nos habitudes, et elle a aussi interrompu le cours d'un exercice démocratique important, celui des élections municipales.
Dans 30 143 communes, un conseil municipal complet a pu être désigné à l'issue du premier tour, le 15 mars, et la vie municipale a ainsi pu reprendre. Les nouveaux conseils municipaux, ainsi que leur maire et leur exécutif se sont installés il y a quelques jours. Dès que les conditions sanitaires l'ont permis, le Gouvernement – je crois que c'est aussi ce que souhaitent les parlementaires – a voulu aller vite pour les accompagner. Il s'agit d'une bonne nouvelle, d'un pas symbolique supplémentaire dans le retour à une vie normale, mais ces élus sont aussi autant d'acteurs avec lesquels nous travaillons pour réussir le déconfinement. Nous savons que nous pouvons compter sur eux, nouveaux ou anciens élus à nouveau légitimés par le suffrage. Les communes concernées peuvent ainsi reprendre leurs projets locaux et les investissements si nécessaires à notre pays et à nos concitoyens.
Toutefois, le processus électoral ayant été interrompu pour 4 855 communes et 16,5 millions d'électeurs, notamment des grandes villes, un second tour sera nécessaire.
Lors de l'examen du projet de loi d'urgence sanitaire du 23 mars dernier, vous avez déjà eu l'occasion de discuter des modalités de son organisation. Deux cas de figure avaient été présentés : sur le fondement des recommandations du conseil scientifique, soit les conditions sanitaires permettaient l'organisation d'un second tour d'ici la fin du mois de juin et le conseil des ministres pouvait procéder à la convocation des électeurs, soit ce n'était pas le cas et il fallait reprendre les opérations électorales à zéro dans les communes concernées.
Le 18 mai, le conseil scientifique a rendu son avis. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons consulté les élus et les responsables des partis politiques pour connaître leur sentiment. Là encore, sur le fondement des recommandations du conseil scientifique et à partir de toutes les consultations que nous avons menées, nous avons pris la décision de convoquer les électeurs pour un second tour de scrutin le 28 juin. Mercredi dernier, j'ai présenté en conseil des ministres deux décrets en ce sens.
C'était une décision lourde, qui n'a pas fait l'objet d'un consensus de l'ensemble des partis politiques même si une majorité y était favorable. L'opinion de ceux qui en ont contesté le principe est aussi légitime que celle de chacun d'entre nous mais le Gouvernement estime avoir pris une décision responsable, qui s'accompagne d'un certain nombre d'aménagements pour que la campagne et le scrutin se déroulent dans le respect des règles sanitaires.
C'était également une décision prudente car elle est réversible. Si, dans les jours qui viennent, le conseil scientifique estime que le contexte sanitaire n'est plus compatible avec le déroulement de la campagne et du scrutin, la tenue du second tour serait alors annulée et les élections municipales reportées pour les communes n'ayant pas encore installé leur conseil municipal.
Je me suis trouvé dans une situation un peu paradoxale au conseil des ministres puisque, d'une part, j'ai présenté un décret convoquant les électeurs pour le 28 juin, d'autre part, j'ai présenté le texte dont nous allons discuter, qui nous permet de parer à toutes les éventualités.
Ce projet de loi permet donc d'annuler la tenue du second tour le 28 juin, ainsi que les résultats du premier tour – sauf pour les candidats élus à cette occasion – et d'organiser un nouveau scrutin à deux tours, au plus tard au mois de janvier 2021 dans toutes les communes ou secteurs concernés. Dans les communes qui comptent moins de 1 000 habitants, où une partie du conseil municipal a été élu dès le premier tour, ces deux tours ne porteraient que sur les sièges vacants.
Ensuite, et c'est important, ce texte permet à la vie locale de se poursuivre. Ainsi, il proroge à nouveau, dans les communes où le premier tour n'a pas été conclusif, le mandat des conseillers sortants, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants dont le conseil municipal n'a été que partiellement élu.
Dans ce cas particulier, les conseillers élus au premier tour n'entreront en fonction que lorsque le conseil municipal aura été entièrement renouvelé. De même, l'entrée en fonction des conseillers d'arrondissement de Paris élus dès le premier tour du 15 mars est reportée jusqu'à celle des autres élus parisiens.
Par ailleurs, nous savons tous combien les EPCI sont essentiels dans la conduite des politiques locales. Le projet prévoit donc leurs modalités de fonctionnement pendant cette période transitoire.
Enfin, ce texte clôt le cycle électoral en cours en permettant le remboursement des frais de campagne des listes candidates aux élections des 15 et 22 mars ainsi que du 28 juin. Dans l'hypothèse de leur annulation, toutes les dépenses engagées par les candidats doivent évidemment être intégrées dans les comptes de campagne et, dans les communes de plus de 9 000 habitants, remboursées. Par ailleurs, dans cette même hypothèse, le report des élections sénatoriales prévues en septembre 2020 serait nécessaire. C'est l'objet du projet de loi organique que j'ai également présenté en conseil des ministres la semaine dernière.
Comme le conseil scientifique nous y a encouragés, le contexte sanitaire particulier que nous connaissons nous conduira à prendre des mesures pour aménager les règles de la campagne électorale et celles relatives au vote proprement dit. Des décrets et des circulaires sont en préparation.
En ce qui concerne la campagne électorale, il conviendra d'assurer une offre gratuite d'hébergement des professions de foi qui ont été validées par la commission de propagande électorale, de rendre possible l'apposition d'une deuxième affiche électorale et d'assurer la prise en charge des frais d'impression par l'État. Pour la tenue de l'élection à proprement parler, nous assouplirons le régime des procurations. Les délégués d'officier de police judiciaire pourront davantage se déplacer et ils pourront recueillir des procurations dans différents lieux ouverts au public. La nécessité d'un motif pour établir une procuration sera supprimée.
En tenant compte une fois de plus des préconisations du conseil scientifique, cela nous permettra d'adresser aux maires et aux présidents des bureaux de vote des recommandations pour l'organisation des bureaux et le dépouillement mais, aussi, de prendre en charge les dispositifs de protection sanitaire des électeurs et des personnes participant à la tenue des bureaux.
Si des initiatives législatives devaient être prises pour compléter ce dispositif, le projet de loi dont nous discutons, sur lequel l'urgence est déclarée, constitue à notre avis le vecteur adéquat.
Ce texte est ainsi celui de la prudence et de la responsabilité, en ce qu'il permet un éventuel report des élections municipales dans 4 855 communes – ce que personne ici ne souhaite, me semble-t-il. Toutefois, il comporte également un second volet important concernant les élections consulaires.
Ces dernières auraient dû se tenir les 16 et 17 mai derniers, or, ce n'était pas possible compte tenu de la situation sanitaire et des réponses différentes apportées par chaque État pour y faire face. La loi du 23 mars a par conséquent suspendu l'organisation de ce scrutin jusqu'en juin et prorogé le mandat des élus consulaires.
Nous avons également suivi l'avis du conseil scientifique s'agissant de ces élections. Selon lui, l'état mondial de la pandémie ne permet pas l'organisation de ce scrutin à cette échéance dans de bonnes conditions. Le texte propose donc qu'elles se déroulent en mai 2021 et de proroger les mandats des conseillers en place. Il prévoit aussi de maintenir les élections consulaires suivantes en 2026 pour garder la cohérence d'ensemble de nos calendriers électoraux.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est nécessaire. Il permet partout en France que la vie locale, indispensable à la relance de notre pays, reprenne ses droits.
Anticiper, prévoir : c'est le sens de notre engagement et de ce texte, même s'il est un peu paradoxal : il doit nous permettre de stabiliser la situation pour les élections consulaires et d'anticiper un risque épidémique éventuel que, bien entendu, personne ne souhaite, aucun indicateur ne le laissant d'ailleurs présager.