Le contrôle des comptes de l'élection présidentielle, sujet majeur, devra sans doute être complété. Je m'en tiendrai ici à la chronologie : une élection présidentielle se tient au printemps de l'année N, le compte de campagne est déposé en juin la même année et la CNCCFP a six mois pour l'examiner ; quant aux comptes des partis politiques ayant soutenu le candidat élu, ils sont connus au plus tard le 30 juin de l'année N+1, une date à laquelle on ne peut rien faire par rapport aux comptes de campagne du candidat à l'élection présidentielle. Vous, législateurs, avez très justement prévu d'inclure dans les comptes des partis politiques des annexes sur les flux financiers avec les comptes de campagne, mais quand la Commission les reçoit, il est trop tard. Vous avez aussi prévu spécifiquement pour l'élection présidentielle une annexe relative aux flux financiers avec le parti politique, mais c'est une annexe comptable. Il me paraît absolument nécessaire de boucler le système en instaurant une possibilité d'accès en temps réel aux comptes de campagne des partis politiques. Connaître la situation comptable provisoire le 30 mai, le 30 juin, le 15 juillet ou le 30 septembre, pendant l'instruction du compte de campagne, permettrait de demander à ces moments-là des explications sur certains flux financiers, non tant avec le compte de campagne, ce qui se voit, qu'au sujet de dépenses qui n'auraient éventuellement pas été déclarées, ni donc contrôlées. Tout parti politique peut faire une dépense pour une campagne électorale, mais elle doit être déclarée dans le compte.
La rédaction juridique du texte serait assez complexe et délicate car l'opération pourrait être relativement intrusive. Actuellement, la CNCCFP examine la forme et l'exhaustivité des comptes, non le fond de la dépense. Il faudra trouver un équilibre entre une telle rédaction et les dispositions de l'article 4 de la Constitution qui garantit que les partis politiques exercent leur activité librement ; ce serait une sorte de droit d'accès de la Commission, mais très encadré. La question est fondée, en particulier pour l'élection présidentielle qui représente des enjeux financiers très élevés : au premier trimestre 2017, il s'est agi d'environ 13 millions d'euros par candidat en moyenne au premier tour et de 18 millions d'euros au second tour.
La proposition de Transparency International tendant à installer des « délégués » ou « référents » dans les équipes de campagne me laisse dubitatif. Il y aurait un risque de subjectivité, d'intrusion, d'inégalité de traitement entre les équipes de campagne. Mieux vaudrait, d'une part, que le mandataire de la campagne puisse suivre en temps réel la dépense totale légale, y compris celle qu'expose le parti politique, pour faire en sorte de rester en dessous du plafond ; d'autre part, surveiller ce qui est manifestement interdit, c'est-à-dire les avantages consentis par les personnes morales.
À ce sujet, un institut de formation qui reçoit des concours financiers publics n'a évidemment pas plus le droit qu'une autre personne morale de financer un parti politique. Je n'ai donc aucune raison d'être hostile à l'idée d'examiner les comptes des instituts de formation des partis politiques, mais je poserai la question différemment : ne faudrait-il pas accroître le droit d'enquête de la CNCCFP sur l'ensemble des partenaires des candidats, par exemple si des factures semblent sous-estimées ?
Au vu des réformes récentes, quelle procédure est la plus importante ? C'est en matière de contrôle des comptes de campagne que nos pouvoirs sont les plus étendus ; c'est donc en cette matière que nous avons un rôle approfondi à jouer. Plusieurs innovations ont été introduites dans les lois pour la confiance dans la vie publique de 2017 ; l'une d'elles confère à la CNCCFP le pouvoir de surveiller le remboursement des emprunts des personnes physiques. Il y a aussi des exigences supplémentaires relatives à la justification des dons, qui sont limités à 4 600 euros par personne physique et par campagne. La Commission devra exercer ces nouvelles attributions en examinant les comptes des élections municipales.
Dans le cadre du contrôle des comptes de campagne, la CNCCFP peut, depuis 2011, moduler les sanctions prononcées en cas d'irrégularité. Dans de nombreux cas, sont constatées de « petites » irrégularités dont il serait excessif de considérer qu'elles doivent conduire au rejet complet du compte. La modulation a été exercée plus de 300 fois depuis que cette faculté a été introduite. Le même pouvoir de modulation a été introduit par les lois de 2017 pour les comptes des partis politiques : lorsqu'un de ces comptes est rejeté, la commission peut ainsi exclure le parti du bénéfice du remboursement de l'aide publique pendant un à trois ans.
Au sujet de la pénalisation croissante des recours, je note que la Commission a pris un arsenal de mesures permettant de graduer les sanctions et que des sanctions assez fortes sont prononcées par le juge de l'élection. Je ne pense donc pas qu'il faille rechercher la pénalisation à toute force, mais il faut dire que le législateur a créé de nouvelles infractions, notamment en 2017, en cas de non-dépôt de ses comptes par un parti politique. La CNCCFP a donc saisi les parquets compétents sur ce fondement puisque la loi le prévoit. Cela dit, les premières sanctions face à ce manquement sont l'exclusion de l'aide publique, l'impossibilité de recevoir des dons ouvrant droit à avantage fiscal et l'interdiction de faire des prêts à un candidat du parti considéré. Je comprends donc l'esprit de la question de Mme Untermaier, mais les règles en vigueur me semblent appropriées.
Le chantier de la dématérialisation doit permettre à la Commission d'évoluer considérablement dans le dépôt et le traitement des comptes. Par ailleurs, le droit à l'erreur sera compliqué à mettre en œuvre par la CNCCFP, soumise à une nouvelle législation exigeante et complexe sur les comptes des partis politiques, notamment au regard de l'intégration des comptes de leurs instances locales pour les grands partis.
Une des lois relatives à la crise sanitaire a prévu que le plafond des dépenses pour les listes présentes au second tour des élections municipales de 2020 pourrait être affecté d'un coefficient de 1,5 au plus. Le décret du 27 mai 2020 a arrêté un coefficient de 1,2. La Commission devra donc examiner des comptes présentés par des listes présentes au second tour qui, toutes choses étant égales par ailleurs, présenteront un volume de dépenses plus important, sur une durée qui n'est plus de six mois, comme initialement prévu, mais de presque neuf mois, puisque la loi fait obligation de tenir le compte de campagne à partir du 1er septembre. La CNCCFP devra ensuite se pencher sur le cas des listes ayant obtenu plus de dix pour cent des voix au premier tour mais qui, ayant décidé de ne pas fusionner et de ne pas se maintenir, doivent ne présenter qu'un compte de premier tour. A priori, ces listes-là ne peuvent présenter de dépenses de second tour, au contraire de celles qui ont obtenu plus de dix pour cent des voix et qui ont fusionné ; en ce cas, la liste « absorbante » reprend les dépenses de la liste « absorbée ». Des questions qui ne se posaient pas pour des élections courantes ne manqueront pas de se poser. Peut-être aussi, compte tenu des difficultés de la période, la Commission aura-elle du mal à rassembler toutes les pièces nécessaires.
La CNCCFP a le pouvoir d'exiger la production de certains documents. Le problème qui se pose est plutôt celui du droit d'accès chez les tiers, les fournisseurs.
L'accès au financement pour les candidats et les partis est un sujet de préoccupation pour la Commission, dont m'a entretenu son président sortant. La CNCCFP a déjà fait part à des établissements bancaires de son étonnement devant la lenteur avec laquelle ils répondent aux demandes d'ouverture d'un compte par les candidats. Peut-être faudra-t-il envisager des mesures plus fermes pour garantir le droit à l'ouverture d'un compte bancaire. Cette attitude est gênante pour tout le monde, Commission comprise, parce que le mandataire est parfois contraint de réaliser les opérations financières nécessaires dans un temps réduit au motif que telle banque fait instruire la demande par son siège central. Ce n'est manifestement pas satisfaisant.
D'autre part, l'accès à l'emprunt tend à diminuer ; il revient au médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques d'intervenir mais comment, là encore, parvenir à garantir la faculté, pour tout candidat, d'obtenir un emprunt ? Le médiateur du crédit, créé en 2017, suffit-il ? Je comprends que l'on puisse s'interroger.