Le projet de loi organique que vous venez de présenter, monsieur le ministre, constitue une étape importante pour nombre des commissaires aux lois et, au-delà, pour tous les parlementaires qui s'étaient investis dans les débats sur le rôle du CESE lors de l'examen de la révision constitutionnelle de 2018.
Les auditions nous l'ont montré, il constitue également une étape importante pour tous ceux qui soutiennent la participation citoyenne et souhaitent que le législateur en définisse mieux le cadre et les garanties qui doivent l'accompagner.
Enfin, il témoigne de la relation de confiance nouée entre le Président de la République, cette majorité et le CESE en vue de redonner une voix à la société civile organisée, représentative de l'ensemble des activités de notre pays.
Au travers du renforcement du CESE et de la reconnaissance de sa place particulière au sein des institutions de la République, la culture du débat, du dialogue constructif, du compromis et de l'émergence de propositions, qui fédèrent et permettent d'avancer ensemble, est également valorisée.
Ce projet de loi fait également suite à deux événements qui marqueront le quinquennat : le Grand débat national et la Convention citoyenne pour le climat. De manière très différente, la participation et l'engagement des personnes que nous représentons chaque jour y ont été rendus possibles, entendus et respectés. Le lien entre démocratie participative et démocratie représentative s'en est trouvé renforcé, même s'il reste beaucoup à faire.
Je ne reviendrai pas sur le détail du texte. Je soulignerai simplement les points saillants et les enjeux dont il nous faudra débattre au sein de cette commission puis en séance publique.
Le premier porte sur la représentativité du CESE. Une réforme de sa composition est prévue à l'article 7. En supprimant les personnalités qualifiées, elle permet de redonner toute leur place aux représentants de la société civile organisée. Si le recours à des experts reste possible – et il doit évidemment le rester –, cette réforme permet de revenir à ce qui fonde tant la légitimité du CESE que son originalité : être constitué de personnes issues de la société civile, particulièrement investies dans leur domaine de compétence et engagées afin de faire progresser les politiques publiques.
Je suis particulièrement attaché à ce rôle consultatif qu'il nous faut valoriser en renforçant les liens du Conseil avec les chambres parlementaires et le Gouvernement.
Le second point saillant porte sur le recours à la consultation et à la participation citoyennes. Si le CESE, comme nombre d'autres institutions, associe le public à ses travaux, aucune règle légale n'encadre aujourd'hui ces initiatives. Le projet de loi organique permet d'y remédier en posant le cadre dans lequel le CESE pourra véritablement devenir le carrefour des consultations citoyennes.
Dans ce contexte, nous avons travaillé à la rédaction de plusieurs amendements avec les personnes auditionnées ainsi qu'avec le groupe La République en Marche, et mes collègues des autres groupes, souvent très investis sur ces sujets. Trois d'entre eux sont particulièrement importants.
Tout d'abord, la saisine citoyenne du CESE, par voie de pétition, introduite par le constituant lors de la révision de 2008, ne fonctionne pas. Le seuil de 500 000 signatures est en effet trop élevé et les conditions de dépôt des pétitions complètement dépassées. Par conséquent, au-delà de leur dématérialisation, nous proposons d'abaisser à 150 000 le nombre des signatures en prévoyant un critère géographique de domiciliation dans au moins trente départements afin d'exclure les sujets locaux qui ne relèvent pas de la compétence du CESE mais plutôt de celle des CESER.
Par ailleurs, et je remercie le garde des Sceaux pour le dialogue constructif que nous avons eu sur ce point, ce droit serait ouvert aux personnes âgées de 16 ans et plus et non plus, comme aujourd'hui, aux seuls majeurs. Cette évolution permettra d'enrichir les consultations, tout en encourageant les plus jeunes à s'engager pleinement sur des sujets touchant aux politiques publiques au moment où nous ouvrons le service national universel (SNU) ainsi que le service civique.
Si la participation du public aux travaux du CESE constitue une avancée importante, elle ne peut toutefois se faire sans garantie. Nous introduisons donc un article dédié à ces garanties, travaillé lors des auditions et reprenant les recommandations des experts, universitaires ou associatifs, en la matière.
La révision de la composition du CESE nécessitait également quelques précisions touchant en premier lieu à la place de l'outre-mer et en second lieu à la juste répartition des sièges entre les membres afin d'assurer sa représentativité.
À ce titre, un comité constitué en majorité de parlementaires sera chargé, avant chaque renouvellement de ses membres, de donner un avis sur les évolutions de la composition du CESE. Nous disposerions ainsi, lors de chacune de ces échéances, d'un état des lieux de la société civile organisée qui permettra au décret concerné d'être juste et équilibré par rapport à la représentation des organisations participant au CESE.
Avant de vous poser quelques questions, monsieur le ministre, je voudrais souligner que nous aurons fait œuvre utile avec ce texte même s'il ne peut se substituer à la révision constitutionnelle que nous appelons de nos vœux pour aller plus loin en matière de participation citoyenne et de démocratie représentative. Il me semble qu'il est équilibré et qu'il permet des avancées réelles tout en respectant le cadre organique qui est le nôtre.
Je remercie mes collègues pour leurs amendements qui soulèvent des questions auxquelles cette discussion permettra d'apporter de premières réponses, et particulièrement ma collègue Nicole Dubré-Chirat pour son investissement et bien sûr, vous-même, monsieur le ministre, pour la qualité de votre écoute.
J'en viens à mes questions. L'article 6 du projet de loi organique a pour objet de substituer, sous certaines réserves, la consultation préalable du CESE sur les projets de loi à celle d'autres instances consultatives existantes. Vous avez déposé un amendement visant à en préciser la rédaction. Pensez-vous que le CESE dispose des moyens nécessaires en termes de ressources humaines et d'expertise pour se substituer aux commissions existantes ? Si nous voulons que le CESE fonctionne, ne faudra-t-il pas que nous posions un jour la question de ses moyens ?
Cette réforme ne portera ses fruits que si les pouvoirs publics, le Gouvernement et le Parlement changent leurs pratiques et saisissent effectivement le CESE. Comment y parvenir dans les délais très contraints qui sont ceux du législateur ? Comment mieux assurer l'utilité des avis qu'il rend ?