Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Globalement, on peut se satisfaire que la masse des Français ait respecté les gestes barrières et les règles sanitaires, d'autant plus que les consignes étaient peu claires, voire incohérentes et discordantes. Comme beaucoup de gens, j'ai vu circuler sur les réseaux sociaux cette vidéo diabolique où l'on voit défiler les ministres de l'actuel Gouvernement et du précédent expliquant, au moment du confinement, que si le grand public ne portait pas de masque, ce n'était pas à cause de la pénurie, mais parce que le masque ne servait à rien, qu'on ne saurait pas s'en servir, que l'on n'était pas assez bon pour cela… À partir de là, quelque chose a été rompu. Vous aurez beau proposer avec la meilleure volonté du monde des outils souples, agiles et larges permettant de réagir aux circonstances, les gens ne sont plus prêts à croire et ne veulent plus donner un chèque en blanc : ils veulent être sûrs que ce que l'on fait et ce à quoi ils renoncent en matière de libertés individuelles sert à quelque chose.

Je suis convaincu, comme tous les membres de mon groupe, qu'il faut porter un masque, utiliser le gel hydroalcoolique, respecter les gestes barrières, et je ne discuterai même pas du bien-fondé de ces mesures. Certains ont dit que nous n'étions pas là pour débattre à nouveau des tests, l'article 1er du projet de loi ayant pour seul objet de proroger l'état transitoire. Pourtant, la rapporteure ne vient-elle pas de se réjouir de ce que le ministre de la santé nous ait dressé un bilan de l'état sanitaire de notre pays, hier ? Il est bien évident que ces mesures ne sont prises qu'au regard de la situation sanitaire. Un million de tests auraient été réalisés. Très bien, nous en prenons bonne note : c'est un chiffre rond qui présente bien. Mais n'en aurait-il pas fallu deux millions ? Comment vérifier, par ailleurs, qu'un million de tests ont bien été réalisés ? La seule chose dont, pour ma part, je sois certain, c'est qu'il est impossible à Lille d'avoir un rendez-vous pour se faire tester si l'on ne présente pas de symptôme ou si l'on n'est pas un cas contact ! La situation n'est sans doute pas la même dans tous les territoires, mais que l'on ne vienne pas nous raconter que nous avons besoin de dispositions agiles ou souples alors que l'on n'est pas fichu, au niveau de l'organisation des moyens, de garantir aux gens qu'ils pourront avoir accès à un test !

Nous avons, à plusieurs reprises, appelé à la gratuité des masques. Les choses ont heureusement évolué et on a fait en sorte d'en distribuer aux publics les plus défavorisés. Le Gouvernement a fini par se rendre compte que, pour garantir l'acceptabilité d'une telle mesure, il fallait que les gens aient des masques et puissent s'en procurer facilement. Sinon, ils les auraient gardés dans leur poche et porté le même pendant trois jours !

On en arrive à un moment où plus rien ne veut plus dire grand-chose… On nous demande de proroger le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence jusqu'à l'adoption d'un projet de loi, en avril 2021, pour intégrer certaines mesures d'urgence dans le droit commun. Du coup, on ne sera plus en état d'urgence et ces mesures n'auront plus rien d'extraordinaire ! C'est le même schéma que celui utilisé pour faire adopter le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT). Au moins aurions-nous dû être vaccinés et prendre conscience qu'il n'était pas normal de légiférer ainsi. Mais non ! À entendre le ministre hier, le Parlement devrait s'estimer heureux que l'on revienne une fois de temps en temps solliciter son avis.

Pourtant, toute une série de mesures concrètes, précises, aux incidences fortes, ont été prises par ordonnances. Or, à cette heure, elles ne sont toujours pas ratifiées. On nous avait pourtant promis, à l'époque, de revenir devant nous ; nous attendons toujours. Qui plus est, le Conseil constitutionnel, pourtant garant de la Constitution, a validé le fait qu'elles conservent valeur législative dès lors que le délai d'habilitation est dépassé. Je ne sais pas dans quel état constitutionnel on se retrouve, mais plus vraiment un état de droit !

Bien sûr, vous ne manquerez pas de nous dire qu'il ne s'agit que de proroger un régime transitoire de six mois, le temps de s'organiser. Or, non seulement nous n'avons pas besoin de ce dispositif législatif – bon nombre de mesures réglementaires ont déjà été prises précédemment, sans compter celles qui l'ont été par voie d'ordonnance –, mais la CNIL elle-même nous explique que, pour ce qui est de la protection des données, le compte n'y est pas.

Dans de telles conditions, ce sera sans nous… Nous sommes pour les gestes barrière, pour le port du masque, pour toutes les mesures propres à endiguer la pandémie mais contre ce texte, parce que le compte n'y est pas et que le Gouvernement n'est pas à la hauteur. Même à l'Assemblée nationale, nous en venons à nous demander quelles sont les consignes à respecter, s'il faut porter le masque ou non : c'est par la presse que nous apprenons l'existence de cas positifs, sans même en être informés en interne… C'est dire notre désorganisation !

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