Intervention de Agnès Thill

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 10h50
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill :

Cette proposition de loi de nos collègues du groupe EDS avance de mauvaises solutions, mais elle soulève un problème bien réel. Elle a le mérite de nous faire revenir sur la question très grave du désintérêt démocratique. En 2017, pour l'élection législative qui nous a permis de siéger dans cette Assemblée, l'abstention a dépassé les 50 %, une première dans l'histoire de notre République ; elle a même frôlé les 60 % au second tour. Pire encore, les élections municipales, élections de proximité par excellence, élections du terrain, du concret, des territoires, ont elles aussi connu leur pire niveau d'abstention de toute l'histoire de la Ve République en atteignant, au second tour, le niveau prodigieux de 58 %.

Nous ne sommes pas assez conscients de cette tendance de fond, du désengagement massif de millions de citoyens qui, de plus en plus nombreux, n'ont tout simplement plus rien à faire du monde politique, qui en ont assez de tous ces discours, de toutes ces paroles, de tous ces débats, et qui sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir suivre ces enfantillages, et à ne pas vouloir aller voter.

C'est exactement cela, le déclin d'une démocratie. Face à un tel déclin, le groupe UDI et Indépendants estime que proposer le droit de vote dès seize ans n'est pas une bonne solution. En mai 2019, le taux d'abstention s'élevait à 60 % chez les dix-huit-trente-cinq ans, contre un peu moins de 49 % pour l'ensemble de la population. Le problème n'est donc pas d'avoir ou non le droit de vote, mais de vouloir, ou non, s'en servir.

Pourquoi ouvrir le droit de vote à seize ans ? Parce que l'on peut déjà travailler et payer des impôts, ou même reconnaître un enfant. Certes, les adolescents qui en sont là ont sans doute plus de maturité. Quoique… Mais, force est de reconnaître qu'ils sont bien minoritaires, et qu'au contraire, les jeunes Français rentrent en général de plus en plus tard sur le marché du travail, qu'ils ont leur premier enfant également plus tardivement et deviennent aussi matures de plus en plus tard. À seize ans, un jeune des années cinquante pouvait avoir plusieurs années de travail derrière lui, et la gravité, la sagesse qu'imposait la dure vie de l'époque. Mais la jeunesse des années 2020 est bien différente et elle a encore tout à prouver.

Avant de donner le droit de vote à des adolescents à peine sortis du collège, il faudrait déjà que ceux qui ont dix-huit ans votent, et qu'ils sachent pourquoi – idées, programmes, arguments et contradictoire –, qu'ils aient le goût de prendre en main leur destinée, et de se choisir eux-mêmes des gouvernants. Et surtout, il faudrait que nous soyons dignes de leur vote.

Enfin, si des lois protègent les mineurs, c'est aussi parce qu'ils sont influençables.

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