Intervention de Alexis Corbière

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 10h50
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Il s'agit d'abord d'un débat politique, puis d'un débat juridique et technique. Nous vous remercions donc de permettre ce débat politique. Il doit nous inciter à évoquer un problème de fond : l'absention de masse, que nul ne doit mettre dans l'angle mort de nos réflexions politiques, car elle questionne notre légitimité et celle des décisions politiques que nous prenons. Lors des dernières élections législatives partielles, les taux de participation n'ont pas dépassé 10 % dans certaines circonscriptions ! Plus largement, nous ne représentons que 20 % des électeurs inscrits. Dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis, j'ai reçu près de 60 % des suffrages exprimés au second tour, mais je ne représente en réalité que 21 % des électeurs inscrits.

Comment créer les conditions d'un retour aux urnes ? Cela ne passe pas par une condamnation des électeurs, mais par la compréhension du problème : pourquoi de nombreuses personnes, considérant que le droit de vote est leur ultime dignité civique, ne veulent plus l'utiliser ? C'est parce que leur regard est extrêmement critique sur la manière dont nos institutions fonctionnent. Nous devons leur donner des droits nouveaux – nous avons plaidé en ce sens lors de l'élection présidentielle de 2017. Nous souhaitons de nouvelles institutions, une VIe République, en donnant la parole au peuple dans le cadre d'une assemblée constituante. Le peuple, retrouvant la parole, pourra constater comment sont fixées les règles communes. Les électeurs veulent être un acteur civique, avec des droits entre deux rendez-vous électoraux. Ils veulent contrôler les élus, voire les révoquer s'ils le jugent légitime.

Nous devrions aussi nous interroger sur un seuil de représentativité minimal – une sorte de quorum : si la participation des électeurs est trop faible, alors celui ou celle qui a été élu ne serait pas représentatif. Pourquoi également ne pas rendre le vote obligatoire, à condition de prendre en compte le vote blanc ? Si les bulletins blancs sont trop nombreux, la personne élue ne l'est pas. Il faut élargir le corps électoral mais le droit de vote à seize ans ne doit pas être déconnecté de ces autres propositions. Pour mémoire, nous avons soutenu cette réforme et ces autres propositions lors de la campagne pour l'élection présidentielle.

Beaucoup d'arguments très pertinents, déjà développés, plaident en faveur du droit de vote à seize ans. À seize ans, on a déjà de nombreux droits : on peut fonder une famille, on peut être émancipé de la tutelle de ses parents, on peut exercer l'autorité parentale, on peut travailler, on paie des impôts, on peut même commencer à passer le permis de conduire. Dans ce contexte, pour quelle raison ne pourrait-on pas également participer à la délibération collective et aux élections ?

Pour nos collègues qui y sont sensibles, je rappelle que c'est également à seize ans que l'on acquiert ou qu'on renonce à la nationalité française. Si l'on est suffisamment mature pour prendre une telle décision, on doit pouvoir se prononcer sur les décisions du pays. Sinon, c'est un marché de dupes : à seize ans, vous seriez assez grand pour décider, ou non, d'être Français, mais pas de vous exprimer davantage ! Dans beaucoup d'autres pays – et pas seulement à Cuba ou au Nicaragua, qui hérissent le poil de certains de nos collègues – comme l'Autriche, l'Argentine, le Brésil ou dans certains Länder allemands, c'est déjà le cas.

En réalité, cela déforme le corps électoral. Que constate-t-on en matière de participation ? Plus la stabilité sociale est forte, plus les gens sont âgés et plus ils votent. En France, une personne sur quatre a plus de soixante ans, mais c'est un électeur sur trois. Nous ne pouvons laisser les choses en l'état ! Il faut créer les conditions d'un rajeunissement du corps électoral pour combattre sa déformation par rapport à la réalité du pays. Cela pose également problème car cela influence les propositions politiques des campagnes électorales : nombre d'entre elles s'adressent aux électeurs qui vont voter, donc aux plus âgés, plutôt qu'à la jeunesse.

Nous avons tout à gagner à voter pour ce droit nouveau – ce que mon groupe fera – mais il faut l'adosser à d'autres droits afin que le corps électoral redevienne une réalité et que le souverain qu'est le peuple soit bien celui qui s'exprime à l'occasion des élections.

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