Je ne souscris pas du tout à l'analyse selon laquelle, ayant déjà beaucoup travaillé sur la question de la restriction des libertés des Français, nous pourrions laisser au Gouvernement une marge de manœuvre telle que nous n'aurions plus à nous réunir avant le 1er avril sur ce sujet. Nous touchons là au cœur de notre mission : nous sommes les seuls garants de la liberté des Français, les seuls à même de juger, au quotidien, quelles restrictions aux libertés peuvent être adoptées.
A-t-on moins travaillé dans d'autres Parlements d'Europe ? Nous l'avons entendu dire ce matin. Ailleurs en Europe, par exemple en Allemagne, le Parlement se réunit peut-être moins mais les décisions du Gouvernement ne sont pas prises avant qu'il en soit informé : elles sont coconstruites avec la représentation du peuple, ce qui est très différent. La logique suivie chez nous est de donner un blanc-seing au Gouvernement, et nous sommes contents quand il nous informe de ce qu'il a fait des pouvoirs que nous lui avons donnés… Dans des périodes telles que celle que nous traversons, il ne faut pas négliger le travail qui nous revient : nous devons nous réunir régulièrement.
La réinstauration de l'état d'urgence que nous avions imaginée dès le mois de mars, et qui vient d'avoir lieu, repose sur un décret en conseil des ministres, pour une durée d'un mois, puis il nous appartient d'examiner sa prolongation. On sent bien que le décret a été adopté pour autoriser le couvre-feu, alors qu'il y avait d'autres bases légales, mais ce dont nous discutons n'est plus le couvre-feu : ce sont d'autres mesures, et c'est ce qui pose problème car nous ne savons pas de quoi il s'agit.