La proposition de loi relative à la sécurité globale porte sur trois sujets principaux, sur lesquels le Gouvernement présentera des amendements et examinera avec attention les suggestions des parlementaires.
Elle prévoit, en premier lieu, un renforcement des polices municipales et de leurs prérogatives. Les policiers municipaux ont toute leur place dans le continuum de sécurité et peut-être n'ont-ils pas été respectés comme ils le devraient jusqu'à présent. Cette proposition de loi vient rehausser leurs pouvoirs : c'est une bonne chose. La police municipale ne doit toutefois pas être confondue avec la police nationale. Elle est appelée à jouer un rôle important en matière de sécurité, mais les pouvoirs d'enquête, les mesures de privation de liberté et les actions de lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la grande criminalité doivent rester des compétences exclusives des agents de l'État. Il ne s'agit pas de décharger la police nationale sur les polices municipales, mais de donner aux secondes les mêmes droits sur des sujets concrets, du quotidien. De cette façon, nous pourrons renforcer leurs moyens d'action en maintenant la spécificité du modèle français, qui n'est pas celui d'une police fédérale comme aux États-Unis.
J'accorde une importance particulière à l'article 1er qui autorise une expérimentation souhaitée par le Gouvernement : toute police municipale composée de plus de vingt policiers encadrés par un directeur ou un chef de service pourra disposer de compétences nouvelles, notamment se placer sous l'autorité du procureur de la République et constater des infractions si aucun acte d'enquête n'est requis. Cette mesure va révolutionner l'action des polices municipales.
Cette réforme respecte la liberté des collectivités locales. Je pense qu'une police municipale doit être formée, armée et disposer de caméras de vidéoprotection. C'est ainsi que j'ai procédé lorsque j'étais maire. Cependant, par respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, je ne souhaite pas que soit obligatoire l'armement des polices municipales. Si un maire considère qu'il ne faut pas le faire, il n'en répond que devant ses électeurs. Généraliser les polices municipales armées se ferait contre une partie des élus municipaux ; l'imposer par la loi serait contre-productif puisque certains maires préféreraient revenir sur l'existence même d'une force municipale pour ne pas avoir à l'armer. Dans ces conditions, nous n'aurions pas bien travaillé pour la République. Nous pouvons avoir une opinion ; nous ne pouvons pas l'imposer aux élus locaux.
La deuxième catégorie de dispositions concerne la sécurité privée, essentielle dans le continuum de sécurité. Elle mérite une place plus importante et un meilleur contrôle. La sous-traitance doit être limitée et les recrutements encadrés, notamment en cas d'antécédents judiciaires. Les sociétés de sécurité privée doivent pouvoir soulager les forces publiques. Certaines procédures administratives sans justification sont supprimées. Je souscris à cette modernisation d'une filière qui souffre, en raison du confinement, mais qui est essentielle. Les agents de sécurité privée font souvent preuve de courage et sont fréquemment les premiers à donner des informations aux forces de police lors des interventions.
La troisième série de mesures traite des caméras de vidéoprotection et des drones – les caméras aéroportées. Les images sont partout car les maires installent des caméras de vidéoprotection en nombre et parce que les images viennent aider les interventions de police. Dans la lutte contre le terrorisme, pour réprimer les graves troubles à l'ordre public comme afin de combattre le trafic de stupéfiants ou les rodéos urbains, un drone est plus efficace qu'une centaine de policiers. L'urbanisme des quartiers, l'intelligence des guetteurs, parfois même les caméras que mettent en place les malfaiteurs, entravent les enquêtes. Je suis donc favorable à la réglementation de l'utilisation des drones par la police, d'ailleurs exigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés ainsi que par le Conseil d'État.
Les images peuvent également être utilisées contre les forces de l'ordre. Je remercie les députés de mettre en application ma promesse aux forces de sécurité de ne pas les jeter en pâture sur les réseaux sociaux. Rappelez-vous le drame de Magnanville : nous ne savons pas si les réseaux sociaux ont inspiré cet attentat, mais un policier et une policière ont été égorgés devant leur enfant. Des fonctionnaires, qui font un travail extrêmement difficile, sont exposés à toutes les menaces. Je ne souhaite pas que les policiers soient cagoulés lors des manifestations car la police de la République agit par principe à visage découvert, sauf exceptions très limitées. Mais nous devons protection à ces personnels. Nous connaissons tous des policiers ou des gendarmes insultés lorsqu'ils vont en famille au supermarché ou au club de sport. Il nous revient de les préserver.
La généralisation des caméras-piétons est prévue dans le projet de loi de finances, mais leurs images ne peuvent être visionnées en direct par les enquêteurs. Ce serait pourtant pratique pour relever l'immatriculation d'un véhicule ou dresser le signalement d'un délinquant. Ces images permettraient surtout aux policiers d'établir leurs rapports car, lors d'une intervention violente, il n'est pas toujours possible d'être objectif. Souvent, dans des enquêtes, des policiers sont soupçonnés de mentir car leurs constats ou leurs déclarations ne reflètent pas exactement la réalité, mais je mets au défi quiconque d'intervenir face à des dealers violents, en pleine nuit, en gardant toute sa lucidité. Visionner ces images permettra aux policiers de rédiger leur rapport ; les auteurs de cette proposition de loi débloquent cette possibilité et je m'en réjouis.