Intervention de Didier Paris

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris, rapporteur :

La CMP s'est en effet séparée sur un constat d'échec relatif : si l'objectif est commun, nous avons divergé s'agissant des modalités d'action et de la temporalité des mesures.

Sans reprendre toute la genèse du texte, l'Assemblée nationale a considéré, en première lecture, qu'il s'agissait d'un texte d'enjambement dans l'attente d'une loi de fond en 2021.

Il est impossible de pérenniser des dispositions si importantes, tant au plan de l'action des services de l'État qu'à celui des libertés individuelles, sans une discussion de fond, raison pour laquelle nous proposons une prorogation pure et simple des délais s'agissant des articles 1er à 4 de la loi SILT portant sur les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), ainsi que sur les visites domiciliaires.

Le Sénat a lui souhaité une pérennisation de ces mesures en ne procédant qu'à quelques aménagements ne modifiant pas sensiblement la nature du texte. Il a en outre voté un amendement du Gouvernement prorogeant la partie renseignement du projet de loi compte tenu de la complexité de la traduction en droit français d'arrêts récents de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) – qui avait été saisie notamment par Privacy International, la Quadrature du Net et French network – portant sur la logique algorithmique française.

Il est également difficile de ne pas mentionner le contexte particulièrement tendu dans lequel nous examinons ce texte : nos amis autrichiens en ont subi les lourdes conséquences, ce qui a également été notre cas avec les attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, pour les victimes desquels j'ai, comme notre collègue Éric Ciotti, une pensée particulière.

La question de l'état d'urgence au sens de la loi du 3 avril 1955 aurait pu se poser. Lors de son audition avant-hier, M. Gérald Darmanin a cependant très clairement indiqué que la menace actuelle, au caractère sérieux mais diffus, ne permettait pas de documenter un retour à celui-ci même si, malheureusement, il pourrait se justifier à un moment ou à un autre.

Les dispositifs de la loi SILT sont-ils suffisants ? Autrement dit, y a-t-il des « trous dans la raquette » qui empêcheraient les services de sécurité et l'État de se défendre face à une telle menace ? Le ministre de l'intérieur l'a très clairement expliqué : au plan opérationnel, il n'éprouve pas de difficultés particulières.

Quelques chiffres : 265 visites domiciliaires ont été programmées, dont 172 ont été validées à ce jour, qui ont débouché sur 11 judiciarisations et 9 refus du juge des libertés et de la détention (JLD), ce qui montre que nos institutions fonctionnent comme à l'habitude, ce juge étant parfaitement fondé à en refuser certaines au vu des éléments présentés par les services de police.

Par ailleurs, trente-cinq lieux de culte ont été fermés, dont huit sur le fondement de l'article 2 de la loi SILT. La dissolution de certaines associations est également prévue : je pense à celle des Loups gris, qui sera évoquée aujourd'hui en conseil des ministres.

S'agissant de la police administrative, le ministre a affirmé disposer d'un cadre juridique suffisant, ce qui n'interdit pas de prévoir certaines améliorations ainsi que leur intégration dans notre droit commun dans la loi à venir.

En revanche, l'élément fondamental est la lutte contre l'islamisme radical et politique qui s'en prend à la République et qui, sans conteste, arme idéologiquement les auteurs d'attentat, nous venons de le constater à nos dépens : une telle lutte est l'objectif de fond que nous nous assignons et celui poursuivi par le projet de loi de lutte contre le séparatisme.

En conséquence, je vous propose d'une part de revenir au texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale s'agissant des mesures de la loi SILT, en les prorogeant jusqu'au 31 juillet 2021. Cette date est relativement ambitieuse mais impérative. Elle doit nous permettre de mener entre nous un véritable débat de fond, d'améliorer les dispositions existantes et d'en intégrer définitivement dans notre droit commun d'autres réellement importantes.

D'autre part, et cela fera l'objet des amendements, je vous propose de confirmer la prorogation de la partie relative au renseignement, singulièrement l'article 25 de la loi de 2015 qui a fait l'objet devant le Sénat de l'amendement gouvernemental que j'ai mentionné.

Il a été adopté afin de tenir compte des récents arrêts de la CJUE dont les conséquences sont importantes car elles mettent en jeu la manière dont nous allons continuer à assurer notre souveraineté nationale en matière de renseignement ainsi que les conditions de conservation des données personnelles.

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