Intervention de Dimitri Houbron

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

« Désorganisée », « en restructuration », « cellules dormantes », « persistante mais affaiblie » : tels étaient les termes employés pour désigner la menace terroriste au début de cette année. Force est de constater qu'elle a de nouveau frappé, au cœur de la République. Alors que notre regard était fixé sur la crise sanitaire et ses répercussions, pris en étau entre la covid-19, la relance économique et les tensions sociales, le terrorisme islamiste a ouvert une brèche. Les 32 attentats déjoués depuis 2017 nous rappelaient l'imminence de la menace mais laissaient à penser qu'une posture de vigilance suffirait à assurer notre sécurité.

À l'instar de Sisyphe, nous croyions être parvenus au sommet de la montagne. Hélas, nous avons vu le roc dégringoler ces derniers jours. Pourtant, la menace terroriste, qui n'avait jamais réellement disparu, demeurait élevée. Lundi dernier, le ministre de l'intérieur le rappelait, en nous communiquant des données inquiétantes. Après l'assassinat d'une rare violence de Samuel Paty, trois autres de nos compatriotes ont laissé la vie lors de l'attentat de Nice. Puis c'est en Autriche, à Vienne, qu'une nouvelle attaque est survenue, causant la mort de quatre personnes ; je souhaite leur rendre, ici, un hommage appuyé.

C'est dans ce contexte qu'il nous revient d'examiner en nouvelle lecture la prorogation de la durée d'application de certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2017, dite SILT, et de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

En 2017, en effet, le législateur avait adopté, à titre temporaire, plusieurs mesures de lutte contre le terrorisme. Le texte initial de l'article 1er du projet de loi visait à les proroger pour une durée d'un an, ramenée à sept mois par l'Assemblée nationale en première lecture. Quatre types de mesures sont concernés : les périmètres de protection, destinés à assurer la sécurité des grands événements ; la fermeture des lieux de culte ; les MICAS ; les visites domiciliaires.

S'agissant de l'article 2, relatif à la technique de renseignement dite de l'algorithme, les deux assemblées convergent sur la nécessité de prolonger la phase d'expérimentation, dans la perspective d'un débat parlementaire sur la réforme de la loi « renseignement », attendue l'an prochain.

L'apport de ces dispositifs est majeur dans la lutte contre le terrorisme. Il est de notre responsabilité de donner aux hommes et aux femmes qui travaillent dans l'ombre les moyens dont ils ont besoin pour protéger le territoire national et nos compatriotes et de sécuriser juridiquement leur usage. C'est pourquoi nos collègues sénateurs ont souhaité, d'une part, pérenniser les dispositifs prévus dans la loi SILT, d'autre part, repousser à décembre 2021 la durée de validité de la technique de recueil de renseignements dite de l'algorithme. De nombreux arguments ont été avancés en commission mixte paritaire pour justifier cette volonté ; ils sont, dans leur grande majorité, parfaitement compréhensibles.

Cependant, si nous voulons tous lutter efficacement contre le terrorisme, nous devons nous garder de prendre une décision hâtive, sous le coup de l'émotion.

Sur les mesures portant atteinte aux libertés individuelles, il est impératif d'avoir un débat de fond. Or, nous nous en priverions si nous pérennisions dès aujourd'hui les quatre mesures issues de la loi du 30 octobre 2017. Nous avons le devoir de mener une réflexion de qualité sur ce sujet. Aussi le débat, promis par le Gouvernement à l'horizon du premier semestre 2021, me semble-t-il nécessaire.

En ce qui concerne l'article 2, le Sénat est revenu au texte initial du projet de loi, rétablissant la date du 31 décembre 2021. Il me semble que, par cohérence, nous devrions nous en tenir à l'échéance du 31 juillet 2021. En nous mettant dès maintenant au travail, nous pourrions améliorer le dispositif, compte tenu, d'une part, de la menace terroriste, d'autre part, de la décision de la CJUE d'octobre dernier.

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