Intervention de Laurence Vichnievsky

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Je remercie les rapporteurs pour leur important travail qui a nourri cette proposition de loi. La sécurité est l'une des priorités du Gouvernement et l'une des préoccupations majeures des Français – nous les comprenons ! – confrontés aux règlements de comptes entre bandes, aux attaques de commissariats, aux caillassages de policiers ou de pompiers, aux lynchages de conducteurs d'autobus, aux agressions d'enseignants par les élèves et les parents d'élèves et, que dire car nous changeons d'échelle, aux récents attentats de Conflans‑Sainte‑Honorine et de Nice. Nous avons la nécessité et l'obligation de mieux mobiliser nos forces de sécurité.

J'ai une préférence pour les forces régaliennes. Vous le comprendrez aisément et cela me semble une bonne idée de prévoir une expérimentation pour étendre les compétences des polices municipales. Il est toutefois certain que nous devons mobiliser l'ensemble des forces disponibles et ne pas nous priver de l'apport, nécessairement plus modeste en cette matière, des agents de sécurité. Les principales dispositions de votre texte visent à mieux les structurer et les contrôler. C'est, à mon sens, une bonne idée avant d'imaginer étendre leur compétence, ce que vous envisagez de façon très modérée.

Nous devons également protéger nos forces de sécurité tout en respectant nos libertés fondamentales. C'est toujours une équation difficile à résoudre. Vous vous employez à le faire.

Le groupe MoDem et démocrates apparentés s'associe pleinement à la démarche qui est la vôtre. Toutefois, il déposera plusieurs amendements qui, à notre sens, améliorent ce texte. Je passe rapidement sur les amendements à l'article 1er relatifs à une communication améliorée au conseil municipal et à de meilleurs critères pour la procédure d'évaluation de cette expérimentation lorsqu'il s'agira d'en dresser le bilan.

Nous prévoyons l'introduction d'une clause de revoyure à bref délai s'agissant de la transmission directe des procédures de la police municipale au parquet sans filtre des officiers de police judiciaire. À mon sens, cette innovation se heurte à trois obstacles. Premièrement, elle court‑circuite les officiers de police judiciaire territorialement compétents, qui perdent de fait leurs prérogatives de supervision et de contrôle ; or, c'est le rôle de directeur départemental de la sécurité publique de connaître l'ensemble des infractions commises sur son territoire et il est le seul à avoir cette vision globale. Deuxièmement, cette disposition entre en contradiction avec l'article 21-2 du code de procédure pénale, toujours en vigueur et qui prévoit que les agents de police municipale rendent compte immédiatement aux officiers de police judiciaire des infractions dont ils ont connaissance. Troisièmement, les magistrats du parquet, surchargés, ne pourront pas faire face à tant d'interlocuteurs puisqu'il y a beaucoup de polices municipales, et ils renverront bien souvent ces procès-verbaux pour enquête.

Nous proposons également des améliorations en matière de vidéoprotection. Il s'agit pour nous de sécuriser le stockage et le traitement des données captées par des caméras individuelles, en termes tant de confidentialité que d'intégrité.

Nous souhaitons, sur l'article 24, limiter l'interdiction de diffusion de vidéos permettant d'identifier les policiers ou des gendarmes agissant dans le cadre d'une opération aux seuls cas où ces diffusions auraient pour but de porter à l'intégrité physique des intéressés. Prévoir les atteintes à l'intégrité psychique nous paraît disproportionné par rapport à la liberté d'expression, à la libre circulation de l'information et au contrôle des citoyens par l'emploi des forces de l'ordre.

Quant à l'article 25, cette disposition fait débat, y compris au sein de mon groupe. Je fais partie de ceux qui ne sont pas favorables à ce qu'un policier ou un gendarme hors service puisse s'imposer dans un établissement recevant du public en conservant son arme de service. Nous craignons une banalisation du port d'arme, au profit aujourd'hui de la police nationale, demain des policiers municipaux et des agents privés de sécurité, et après-demain de tout titulaire d'un port d'arme. L'actuelle législation nous paraît équilibrée.

Pour conclure, notre groupe est unanimement opposé à l'amendement du Gouvernement prévoyant de l'habiliter à modifier par voie d'ordonnance le régime juridique de la vidéoprotection. C'est au Parlement qu'il revient de légiférer dans un domaine aussi sensible, qui touche de si près aux libertés individuelles. Il s'agit pour l'Assemblée nationale d'exercer les prérogatives qui sont les siennes. Je crains que ce ne soit une condition du vote final de mon groupe.

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