« Vas-y, écrase-les, tant pis ! » Ces mots ont été prononcés hier par un policier demandant expressément à son collègue, au volant d'un camion, de rouler sur des journalistes venus rendre compte de la mobilisation de lycéens et de professeurs contre le protocole sanitaire. Comme il est désormais coutume sous ce Gouvernement, les journalistes et les manifestants ont été gazés. Plusieurs faits de violences policières ont été rapportés. Malgré la violation des libertés d'information et de manifestation, certaines victimes ont au moins pu déposer plainte contre leurs agresseurs, identifiables grâce aux images rapportées par les médias. Si la proposition de loi que nous examinons avait été en vigueur, les auteurs de ces violences n'auraient pu être identifiés et les diffuseurs de ces images auraient été poursuivis en justice. Il en aurait été de même des nombreuses plaintes déposées auprès de l'inspection générale de la police nationale pour les violences survenues lors des manifestations des gilets jaunes, contre la réforme des retraites et pour l'égalité, mais aussi lors les frasques d'un célèbre garde du corps jupitérien, M. Alexandre Benalla, dont le visage avait été reconnu grâce à des films.
La proposition de loi s'ajoute à la triste et longue liste des coups portés par ce Gouvernement et cette majorité contre l'État de droit et les libertés fondamentales. Après la prolongation de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », ce texte vient draper l'autoritarisme macroniste d'un voile opaque pour masquer l'action du pouvoir et pour qu'il n'ait plus à rendre des comptes. Cette absence de transparence est généralisée puisque le pays est, selon le porte-parole du Gouvernement, dirigé par un conseil de défense, sorte de gouvernement composé de militaires qui décide sans rendre compte à personne. Or, lorsque le pouvoir n'a plus de responsabilité, la démocratie n'est plus. Nous voyons comment cette stratégie s'étend aujourd'hui avec cohérence à l'ensemble des champs. Incapables de répondre à l'urgence sanitaire, sociale et économique, le Gouvernement et sa majorité développent une escalade sécuritaire que nous regrettons.
Il ne saurait non plus exister de démocratie sans séparation des pouvoirs. Or, il est évident que cette proposition de loi est dictée par le Gouvernement qui s'est saisi de l'actualité mais également des travaux de nos collègues, pour mettre en œuvre et intégrer à ce texte les pires trouvailles liberticides, réfléchies puis reléguées un temps au fond d'un tiroir place Beauvau.
Le groupe La France insoumise considère que ce texte pose un certain nombre de problèmes. Ainsi, nous nous opposons au développement de la sécurité privée, qui est assumé et revendiqué, au détriment du service public. Nous nous opposons à la confusion entretenue et développée entre police nationale, sécurité privée et police municipale, ainsi qu'à l'extension de la délégation des prérogatives de la police judiciaire à cette dernière. Plutôt que de développer le recours à la sécurité privée en matière de paix publique, la priorité, selon nous, est de recruter et de mieux former des fonctionnaires.
Nous sommes contre l'usage des drones sans finalité précise, contre la reconnaissance faciale et la transmission en direct d'images de manifestants, contre l'extension du port d'armes pour les policiers et gendarmes, contre l'usage par les militaires de l'opération Sentinelle de leur arme – de guerre, rappelons-le – dans les mêmes conditions que des policiers, tout comme nous sommes contre l'ensemble des dispositions contenues dans ce texte.
Nous alertons sur la confusion désormais entretenue entre les nécessaires et importantes tâches de sécurité intérieure et le fait d'impliquer l'armée et les militaires, comme si la paix sociale devait se jouer sur le terrain d'une guerre contre sa propre population. De ce point de vue, il semble préférable d'instaurer un récépissé de contrôle d'identité pour éviter les situations de tension qui posent problème en termes de droit à la sécurité des populations, mais qui mettent également les fonctionnaires de police dans des situations difficiles. Cette solution, proposée par un certain nombre d'associations, a fait preuve de son efficacité pour apaiser les relations avec la population, mais aussi pour améliorer le travail d'enquête des forces de police.
Vous l'aurez compris, c'est à toute la doctrine de ce Gouvernement et aux priorités qu'il définit pour l'action des forces de sécurité que nous nous opposons. Nous vous proposerons une alternative globale, mais également des mesures précises.